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ONUDC : la criminalité, un frein important au développement de l'Afrique

ONUDC : la criminalité, un frein important au développement de l'Afrique

Antonio Costa
La criminalité pèse lourdement sur le développement de l'Afrique en faisant fuir les investisseurs, a déclaré aujourd'hui le directeur de l'agence des Nations Unies contre la drogue et le crime qui présentait un rapport sur la criminalité en Afrique notamment sub-saharienne.

L'objectif de ce rapport, qui comprend un plan d'action, est « d'aider l'Afrique à surmonter le poids de la criminalité, ce qui couvre le trafic de drogues et d'armes », a déclaré aujourd'hui Antonio Maria Costa, directeur de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), lors d'une conférence de presse donnée au siège de l'ONU à New York.

Ce plan d'action, avec des échéances à 2010, couvre pour l'essentiel l'Afrique sub-saharienne, région qui connaît le plus fort taux de criminalité et le plus faible taux de poursuites en justice sur le continent.

image• Retransmission de la conférence de presse[40mins]-

La jeunesse de la population est, selon Antonio Maria Costa, une des raisons qui rendent l'Afrique si vulnérable à la criminalité. « Partout l'existence d'une population jeune renforce la possibilité de criminalité, puisque la moitié de la population mondiale en prison a moins de 25 ans et la moitié de la population africaine a moins de 25 ans », a-t-il indiqué.

Le chômage généralisé, l'absence de services dans les centres urbains alors que l'Afrique a le plus fort taux d'urbanisation dans le monde et la présence des conflits armés, expliquent aussi le fort de criminalité sur le continent africain.

Autre cause : le différentiel de revenus particulièrement important - 10% de la population africaine aisée gagne 31 fois ce que gagnent les couches les plus pauvres. En Europe ce chiffre est de 7 et aux Etats-Unis de 12.

« Tous ces éléments font que les investisseurs ont peur d'investir sur le continent et les richesses de l'Afrique sont investies ailleurs parce que les investisseurs domestiques investissent à l'étranger », a expliqué le directeur de l'ONUDC.

En outre, a-t-il ajouté, « une grande partie des cerveaux quittent le continent en l'absence d'opportunités ».

Quelques points positifs cependant. Antonio Maria Costa a rappelé que l'Afrique comptait actuellement le plus grand nombre d'Etats démocratiques de son histoire.

Par ailleurs, certains pays africains, notamment le Nigeria, ont mis en place des mesures contre la corruption, a-t-il fait remarquer. « En Afrique du Sud, le Vice Premier ministre a été limogé pour corruption, ce qui témoigne de certaines initiatives dans ce domaine », a-t-il ajouté.

Le directeur de l'ONUDC a appelé en conséquence les pays donateurs à renforcer les ressources et l'assistance fournie par et les pays africains à renforcer leurs règles de bonne gouvernance.

Sur la corruption de certains chefs d'Etats qui ont pillé les coffres de leurs pays, du Nigeria (5 milliards de dollars) au Zaïre de Mobutu (3 milliards de dollars), Antonio Maria Costa a plaidé pour le renforcement des systèmes judiciaires afin de récupérer les sommes détournées.

Alors que l'Afrique connaît le pourcentage de policiers et de juges le plus faible dans le monde au regard de la population, un « grand pays africain » ne dispose tout simplement pas de code pénal, a-t-il indiqué, ce qui signifie qu'il faut créer un système judiciaire de toutes pièces.

Sur la lutte contre les dirigeants corrompus, Antonio Maria Costa a estimé qu'il y avait des avancées dans ce domaine mais que le plus difficile était de récupérer l'argent détourné.

A cet égard, Antonio Maria Costa a rendu hommage à l'Union européenne qui a accordé un financement au Nigeria de 22 millions de dollars pour renforcer son système d'enquête financière afin qu'il puisse récupérer les fonds détournés par le précédent président.

Sur les blocages souvent posés par certains pays, dont la Suisse, le directeur de l'ONUDC a rappelé que la convention contre la corruption, qui devrait entrer la semaine prochaine en vigueur, stipule que le secret bancaire ne peut plus être invoqué pour refuser de répondre aux enquêtes sur le détournement des fonds déposés dans des pays tiers.

Il a précisé que pour l'instant seule la France avait ratifié le texte parmi les pays européens, mais qu'il ne doutait pas que les autres pays, qui ont négocié la convention, le ratifieraient aussi bientôt.