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Zimbabwe : l'Envoyée de l'ONU entend enquêter sur les décès causés par les expulsions forcées

Zimbabwe : l'Envoyée de l'ONU entend enquêter sur les décès causés par les expulsions forcées

Anna Tibaijuka
Poursuivant sa visite sur les expulsions forcées par le gouvernement de milliers d'habitants des bidonvilles au Zimbabwe, l'Envoyée de l'ONU a exprimé son souhait d'enquêter sur les morts causées par ces opérations et exposé aux ministres concernés la politique des Nations Unies pour améliorer les bidonvilles en concertation avec la population.

L'Envoyée spéciale du Secrétaire général pour le Zimbabwe, Anne Tibaijuka, poursuit sa visite au Zimbabwe, se rendant aujourd'hui au camp « Caledonian », où vivent dans des conditions difficiles 4.000 personnes victimes d'expulsions, en attendant leur relocalisation, a informé aujourd'hui le porte-parole du Secrétaire général, Stéphane Dujarric, lors de son point quotidien avec la presse, au Siège de l'ONU à New York.

« Sur le chemin du village de Mutare, elle s'est arrêtée à plusieurs endroits où des maisons avaient été détruites. Elle a aussi visité des sites de relocalisation projetés par le gouvernement. », a précisé le porte-parole.

Hier, Anne Tibaijuka, a rencontré des représentants d'organisations non gouvernementales (ONG) et de la société civile, notamment un groupe de femmes qui s'étaient vues interdire de lui parler directement.

Elle a aussi visité Porta Farm, site de la plus vaste opération d'expulsion menée par le Gouvernement, exprimant son souhait d'ouvrir une enquête sur les décès entraînés par l'opération. Selon les informations parues dans la presse, au moins trois personnes y ont trouvé la mort.

Enfin, l'Envoyée de l'ONU a entendu les arguments présentés par les ministres membres du comité chargé de la coordination des opérations d'expulsion. Elle a présenté en retour les politiques menées par l'agence des Nations Unies pour les établissements humains ( http://www.unhabitat.org/) pour améliorer les bidonvilles, qui sont fondées sur des négociations avec les résidents affectés (voir le rapport de l'agence de l'ONU sur les évictions forcées).

Interrogé sur les citations parues dans la presse gouvernementale au Zimbabwe, selon lesquelles Anne Tibaijuka aurait « loué le gouvernement de Robert Mugabe pour sa 'vision' », le porte-parole a indiqué que ces citations avaient été prises hors de contexte et rappelé qu'ONU-HABITAT avait toujours condamné les politiques d'évictions forcées comme contre-productives et contraires aux droits fondamentaux.

Le 20 juin dernier, le Secrétaire général avait chargé Anna Kajumulo Tibaijuka, directrice de l'agence des Nations Unies pour les établissements humains ( http://www.unhabitat.org/) d'une mission au Zimbabwe afin d'examiner l'impact des récentes destructions de bidonvilles par les autorités du pays, en violation des droits fondamentaux à l'habitat (voir notre dépêche du 20 juin 2005).

Selon les informations parues dans la presse, les autorités du Zimbabwe se sont lancées, dans le cadre d'opérations « Clean Sweep et Restore Order » [Nettoyage et rétablissement de l'ordre], dans un vaste mouvement de destruction des bidonvilles. Ce mouvement a déjà fait des milliers de sans abris à travers le pays, qui se voient par ailleurs interdit de poursuivre dans la rue les activités commerciales grâce auxquelles ils survivaient.

Le 3 juin dernier, le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies sur le droit à un logement convenable en tant qu'élément du droit à un niveau de vie suffisant, Miloon Kothari, avait adressé un appel urgent au gouvernement du Zimbabwe pour qu'il cesse immédiatement les « expulsions forcées massives » menées dans le pays.

Miloon Kothari avait rappelé au gouvernement que « les expulsions forcées étaient de prime abord incompatibles avec les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ratifié par le pays en 1991 » et qu'« elles ne pouvaient être exécutées que dans certaines circonstances particulières, en respectant un certain nombre d'exigences ».

Les Etats doivent notamment s'assurer que « toutes les alternatives possibles ont été explorées en consultation avec les personnes concernées », faire en sorte que « des procédures ou recours juridiques, ainsi qu'une indemnisation adéquate pour toute propriété affectée, soient mis à disposition des personnes affectées par l'ordre d'expulsion », s'assurer que « dans les cas où elles sont considérées comme justifiées, les expulsions soient réalisées dans le strict respect des dispositions pertinentes du droit international relatif aux droits de l'homme et conservent un caractère raisonnable et proportionnel ».

En outre, une expulsion ne doit jamais aboutir à rendre une personne sans abri ou vulnérable à des violations de ses droits fondamentaux. Avant d'exécuter un ordre d'expulsion, les gouvernements doivent donc s'assurer qu'un logement de substitution adéquat ou une réinstallation soit proposé à toutes les personnes concernées, soulignait l'expert de l'ONU.