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Génocide au Rwanda : Fulgence Kayishema, un des derniers fugitifs recherchés, arrêté en Afrique du Sud

Commémoration du génocide rwandais commis contre les Tutsis en 1994
UN Photo/Violaine Martin
Commémoration du génocide rwandais commis contre les Tutsis en 1994

Génocide au Rwanda : Fulgence Kayishema, un des derniers fugitifs recherchés, arrêté en Afrique du Sud

Droit et prévention du crime

Fulgence Kayishema, l'un des quatre derniers fugitifs recherchés pour leur rôle dans le génocide contre les Tutsis au Rwanda en 1994, a été arrêté mercredi 24 mai en Afrique du Sud, a annoncé, jeudi, un tribunal des Nations Unies.

« Hier après-midi (mercredi), Fulgence Kayishema – un des fugitifs internationaux les plus recherchés – a été arrêté à Paarl en Afrique du Sud lors d’une opération organisée par l’équipe de recherche des fugitifs du Bureau du Procureur, conjointement avec les autorités sud-africaines », a indiqué dans un communiqué le Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux, chargé notamment d’achever les travaux du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).

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M. Kayishema est accusé d’avoir assassiné, avec d’autres individus, plus de 2.000 hommes, femmes, personnes âgées et enfants réfugiés dans l’église catholique de Nyange pendant le génocide contre les Tutsis au Rwanda en 1994. Il était en fuite depuis 2001.

Une cavale depuis plus de 20 ans

« Fulgence Kayishema était en fuite depuis plus de vingt ans. Son arrestation garantit qu’il sera traduit devant la justice pour les crimes dont il est accusé », a dit dans un communiqué, le Procureur du Mécanisme, Serge Brammertz.

« Cette arrestation est la preuve que cet engagement ne faiblit pas et que justice sera rendue, peu importe le temps qu’il faudra », a-t-il ajouté.

Le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, s’est félicité de cette arrestation. « L'arrestation de M. Kayishema envoie un message puissant selon lequel ceux qui sont soupçonnés d'avoir commis de tels crimes ne peuvent pas échapper à la justice et devront finalement rendre des comptes, même si c’est plus d'un quart de siècle plus tard », a dit son porte-parole dans une déclaration à la presse.

Le chef de l’ONU a salué la coopération entre le Mécanisme international résiduel pour les tribunaux pénaux et les autorités sud-africaines pour l'arrestation de M. Kayishema. Il a rappelé en outre que tous les États ont l'obligation de coopérer avec le Mécanisme pour localiser, arrêter, détenir, remettre et transférer les accusés encore en liberté.

« Aujourd'hui, les pensées du Secrétaire général vont avant tout aux victimes des crimes présumés de M. Kayishema, aux victimes d'autres crimes internationaux graves et à leurs familles. Mettre fin à l'impunité est essentiel pour la paix, la sécurité et la justice », a dit son porte-parole. 

Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Volker Türk, a aussi salué l'arrestation, estimant qu’il s’agissait d’une nouvelle « victoire pour la justice ».

« Son prochain procès apportera, espérons-le, un peu de réconfort aux survivants de ses crimes présumés », a déclaré M. Türk dans un communiqué de presse. 

Inculpé de génocide et de crimes contre l’humanité

Né en 1961, Fulgence Kayishema a été inculpé par le Tribunal pénal international des Nations Unies pour le Rwanda (TPIR) en 2001. Il a été inculpé de génocide, de complicité dans le génocide, d’entente en vue de commettre le génocide et de crimes contre l’humanité, pour des meurtres et autres crimes commis dans la commune de Kivumu dans la préfecture de Kibuye durant le génocide de 1994 contre les Tutsis au Rwanda.

Selon l’acte d’accusation, Fulgence Kayishema aurait « directement participé à la planification et à l’exécution » du massacre  dans l’église de Nyange dans la commune de Kivumu, le 15 avril 1994, « notamment en se procurant et en distribuant de l’essence pour incendier l’église avec les réfugiés à l’intérieur ».

« Lorsque cela a échoué, Fulgence Kayishema et d’autres ont utilisé un bulldozer pour que l’église s’effondre, enterrant et tuant les réfugiés à l’intérieur», a-t-il précisé.

« Dans les jours qui suivirent, Kayishema et d’autres personnes ont supervisé ensuite le transfert des cadavres depuis l’église vers des fosses communes », a détaillé le Mécanisme.

L’enquête approfondie qui a conduit à cette arrestation a été possible grâce au soutien et à la coopération de l’Afrique du Sud. Le Mécanisme indique avoir également reçu « le soutien vital » de groupes de travail similaires dans d’autres pays africains, notamment au Royaume d’Eswatini et en République du Mozambique.

De leur côté, les autorités rwandaises ont fourni « une aide essentielle ». « Enfin, nos autres soutiens internationaux, dont les Etats-Unis d’Amérique, le Canada et le Royaume-Uni, ont apporté une aide importante, chose qu’ils ont toujours faite par le passé », a souligné le Mécanisme, relevant que l’enquête s'est étendue à plusieurs pays africains.

Il ne reste aujourd’hui que trois autres fugitifs à appréhender

Au cours de sa fuite, M. Kayishema a utilisé de nombreux alias et de faux documents pour dissimuler son identité et sa présence. En outre, il s’est appuyé sur un réseau de soutiens de confiance, notamment des membres de sa famille, des membres des ex-Forces armées rwandaises et des Forces démocratiques de libération du Rwanda, ainsi que des partisans de l’idéologie génocidaire du Hutu Power.

Selon le Mécanisme, l’arrestation de M. Kayishema marque « une nouvelle étape » dans la stratégie du Bureau du Procureur visant à rechercher les derniers fugitifs restant inculpés de génocide par le Tribunal pénal international pour le Rwanda. Depuis 2020, l’équipe de recherche des fugitifs du Bureau du Procureur a trouvé la trace de cinq fugitifs, dont Félicien Kabuga, Augustin Bizimana, Protais Mpiranya et Phéneas Munyarugarama.

Il ne reste aujourd’hui que trois autres fugitifs.

« Mon Bureau réaffirme son engagement à rendre la justice en leur nom et, en exécutant notre mandat, à contribuer à un avenir plus juste et pacifique pour le peuple rwandais », a conclu le Procureur du Mécanisme, Serge Brammertz.

Le Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux a été créé en application de la résolution 1966 (2010) du Conseil de sécurité de l’ONU pour achever les travaux du Tribunal pénal international pour le Rwanda et du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie une fois leurs mandats respectifs arrivés à échéance. Le Mécanisme comprend deux Divisions, l’une à Arusha (Tanzanie) et l’autre à La Haye (Pays-Bas).