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Myanmar : un expert de l’ONU rejette toute reconnaissance du régime

Des manifestants contre le coup d'Etat militaire au Myanmar (photo d'archives).
Unsplash/Pyae Sone Htun
Des manifestants contre le coup d'Etat militaire au Myanmar (photo d'archives).

Myanmar : un expert de l’ONU rejette toute reconnaissance du régime

Droits de l'homme

Deux ans après le coup d’État au Myanmar ayant renversé la dirigeante Aung San Suu Kyi, il est encore prématuré d’accorder toute « légitimité » aux militaires malgré l’annonce du pouvoir d’organiser des élections d’ici à la fin de l’année, a alerté lundi à Genève un expert indépendant onusien, relevant que « les militaires continuent de mener une campagne de violence et d’oppression pour écraser l’opposition ». 

Au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Thomas H. Andrews, Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Myanmar a demandé instamment aux membres de l’organe basé à Genève « de rejeter cette prétention scandaleuse ».

« Il ne peut y avoir de véritables élections lorsque les dirigeants de l’opposition sont arrêtés, détenus, torturés et exécutés, lorsqu’il est illégal de critiquer la junte et lorsque des journalistes sont emprisonnés pour avoir fait leur travail », a affirmé M. Andrews.

Face au pari de Naypyidaw d’« obtenir un certain degré de reconnaissance internationale et un vernis de légitimité en procédant à ce qu’elle essaiera de décrire comme une [élection] », l’expert rappelle « l’escalade des agressions de la junte contre le peuple du Myanmar », qui a un impact dévastateur. Depuis le déclenchement du coup d’État, plus de 3.000 civils ont été tués, a-t-il souligné.

Plus de 16.000 manifestants et activistes détenus

« Je reçois régulièrement des rapports faisant état de massacres de civils, notamment de décapitations et de démembrements », a-t-il ajouté. Plus de 16.000 prisonniers politiques sont derrière les barreaux.

Selon l’ONU, plus de 1,3 million de personnes ont été déplacées et plus de 17 millions de personnes ont un besoin urgent d’aide humanitaire.

« Alors que l’armée perd le contrôle de la situation sur le terrain, elle s’en prend de plus en plus à des innocents dans les airs », a détaillé le Rapporteur spécial, ajoutant que « les bombardements aériens de villages, d’écoles, d’hôpitaux et de camps de personnes déplacées se sont multipliés ». Près de 58.000 maisons et structures civiles ont été incendiées ou détruites.

La torture et les violences sexuelles restent une menace constante.  « Malheureusement, j’ai également reçu des informations selon lesquelles des groupes d’opposition ont commis des violations des droits de l’homme. Cela aussi doit cesser », a-t-il toutefois relevé.   

Face à ce sombre tableau, plusieurs nations ont appuyé leurs paroles par des actions, notamment des sanctions économiques ciblées et des interdictions d’armes. « Ce qui est décourageant, c’est que nous, en tant que communauté internationale, sommes loin d’en faire assez. Nous pouvons et devons faire mieux », a-t-il regretté.

Des sanctions « cohérentes et puissantes » font cruellement défaut

A ce sujet, il s’est penché sur cette « minorité d’États membres et d’entités non étatiques », qui  continuent « de fournir à la junte des armes, des matériaux pour fabriquer des armes ou des revenus utilisés pour commettre des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ». « Cela doit cesser », a fait valoir le Rapporteur spécial de l’ONU.

Par ailleurs, il regrette le fait que les États membres qui ont pris des mesures, telles que des sanctions ciblées ou des interdictions d’armes, ne l’ont pas fait de manière stratégique et coordonnée. « Seule l’Union européenne, par exemple, a imposé à ce jour des sanctions significatives au secteur pétrolier et gazier du Myanmar, la principale source de revenus de la junte », a-t-il fait observer, relevant  que des sanctions « cohérentes et puissantes continuent de faire cruellement défaut ».

Dans ces conditions, l’une de ses principales recommandations reste la formation d’une coalition de travail des États membres afin d’identifier les actions qui auront le plus d’impact et de coordonner leur mise en œuvre. « Je crois sincèrement que cela pourrait faire toute la différence », a insisté l’expert indépendant onusien, soulignant que la communauté internationale peut « faire mieux pour faire pression sur la junte ».

NOTE

Les Rapporteurs spéciaux font partie de ce que l’on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Les procédures spéciales, le plus grand corps d’experts indépendants du système des droits de l’homme des Nations Unies, est le nom général donné aux mécanismes indépendants d’établissement des faits et de suivi du Conseil qui traitent soit de situations spécifiques à des pays, soit de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire; ils ne font pas partie du personnel de l’ONU et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et siègent à titre individuel.