Türkiye et Syrie : le PAM travaille toujours d'arrache-pied pour aider les victimes des séismes
Pour deux travailleurs du PAM en Türkiye, porter assistance aux autres survivants est essentiel pour affronter le traumatisme subi à l’issue de deux des tremblements de terre les plus dévastateurs qui aient frappé le pays depuis des décennies.
Hakan Soydas a été réveillé par les cris de sa femme au petit matin du 6 février dernier. Leur appartement, dans la ville de Hatay, dans le sud de la Türkiye, tremblait.
« J'ai vu ma maison s'effondrer, les piliers tomber », raconte le chauffeur du Programme alimentaire mondial (PAM).
Il s'est précipité pour sauver sa belle-mère de 85 ans d'une pièce voisine. Après avoir cassé la porte avec un pied de biche, la famille Soydas a réussi a fuir le bâtiment avec leur fille adolescente.
Un tremblement de terre massif de magnitude 7,8 avait frappé. Ils ont eu de la chance d'être en vie.
En février, le double séisme de Türkiye et de Syrie a tué au moins 53.000 personnes, et des dizaines de milliers de blessés sont toujours dans les hôpitaux. Des millions d'autres sont déplacées. Beaucoup survivent à un froid glacial dans des tentes ou chez des amis et des parents. Les villes sont en décombres et les routes défoncées par les tremblements.
Parmi les millions de personnes touchées figurent le personnel du PAM dans les deux pays. Hakan Soydas suffoque encore lorsqu’il parle de son collègue décédé dans la catastrophe : Levent Kucukaslan, 41 ans, l'un des responsables de la logistique participant aux opérations du PAM dans le nord-ouest de la Syrie, qui avait rejoint l'organisation en 2015.
Les autres collègues de Soydas, dans les deux pays, travaillent souvent sept jours sur sept pour apporter de l'aide au nord-ouest de la Syrie, région déjà meurtrie par des années de conflit, où neuf personnes sur dix dépendent de l'aide humanitaire pour survivre.
Chaque réplique – et, en particulier, les deux secousses puissantes qui ont frappé la Türkiye fin février – est un traumatisme.
« La plupart d'entre nous sommes en pilote automatique en ce moment », explique Omer Celik, un assistant de programme du PAM qui travaille avec deux douzaines d'autres membres du personnel depuis un hôtel dans la ville portuaire relativement indemne de Mersin, dans le sud de la Türkiye. « Nous essayons en quelque sorte d'ignorer nos problèmes psychologiques personnels, mais nous nous soutenons beaucoup entre nous ».
Au prix d'un véritable marathon de travail, le PAM apporte une aide alimentaire d'urgence à 2,7 millions de personnes touchées par le séisme en Türkiye et en Syrie : repas chauds prêts à consommer et colis alimentaires familiaux. En collaboration avec des partenaires, le PAM fournit une assistance aux cuisines communautaires municipales et aux camps de Türkiye, qui abritent des centaines de milliers de réfugiés syriens, ainsi qu'aux communautés du nord de la Syrie.
Ibrahim Khalil et sa famille ont fui leur maison à Alep quelques minutes avant qu'elle ne s'effondre. Aujourd'hui, ils vivent dans une mosquée à Lattaquié, à trois heures de route, avec d'autres survivants du tremblement de terre.
« Dieu merci, j'ai réussi à les faire sortir avant que le plafond ne tombe », dit Ibrahim. « La nuit est indescriptible. Nous avons littéralement vécu l'horreur ».
La famille de Soydas est également sans abri. Leur immeuble a été réduit en décombres. Après s'être échappés, ils ont passé des heures sous une pluie glaciale, avant de trouver refuge dans un bus.
Ils sont maintenant à Ankara, chez des proches. Soydas a passé quelques jours à dormir dans une voiture du PAM, puis a déménagé dans une caravane à l'extérieur de Hatay, avec d'autres collègues du PAM.
« Nous avons tout perdu », dit-il. « Mais la vie continue. Nous ne pouvons rien faire pour la changer ».
Sans-abri
Alors que les besoins humanitaires s'accumulaient, Soydas a temporairement accepté une autre mission, soutenant la logistique du PAM pour acheminer l'aide humanitaire dans le nord de la Syrie - un travail qu'il espère décrocher à plein temps plus tard.
« Nous sommes dans la même situation que les habitants du nord de la Syrie », raconte Soydas, « et nous essaierons de continuer à les soutenir ».
À quelques heures de route de Mersin, l'assistant de programme du PAM, Celik, subit également des horaires interminables. Après avoir fui leur maison dans la ville turque de Gaziantep lorsqu’elle a été frappée par le tremblement de terre, il a passé plusieurs jours à vivre et à travailler depuis sa voiture, avec sa famille. Ils ont finalement trouvé un abri temporaire chez le beau-père de Celik, dont la maison d'un étage est intacte.
Tout comme la famille Soydas, la femme de Celik et sa fille de quatre ans vivent avec des parents à Ankara, où les loyers ont monté en flèche avec l'afflux de survivants du séisme. Dans les zones touchées par le tremblement de terre dans le sud, les articles de base, tels que les couvertures, sont également rares, explique-t-il.
Plusieurs proches sont morts dans les tremblements de terre. L'appartement de Celik est intact, mais le bâtiment est fissuré.
« Nous sommes sans abri », dit-il. « Nous sommes des nomades ».
Son travail, qui consiste à compiler des données et rédiger des rapports quotidiens sur les opérations de sauvetage du PAM dans le nord-ouest de la Syrie, est cependant réconfortant.
Plusieurs proches sont morts dans les tremblements de terre. L'appartement de Celik est intact, mais le bâtiment est fissuré.
« Quand je vais me coucher, il m'est difficile de ne pas penser aux choses », dit Celik. « A la moindre secousse les gens se mettent à courir en hurlant ».
« Mais », ajoute-t-il à propos de son équipe du PAM, « nous transformons le stress en quelque chose de positif. Nous aidons plus de 1,5 million de personnes dans le nord-ouest de la Syrie. Et ça nous motive beaucoup ».