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Le maintien de la paix de l'ONU fonctionne-t-il ? Voici ce que disent les données

Les troupes néerlandaises, de l'Autorité provisoire des Nations Unies au Cambodge (UNTAC), gardent un train avec des réfugiés qui retournent au Cambodge à partir de camps en Thaïlande. Mai 1993.
Photo ONU/Pernaca Sudhakaran
Les troupes néerlandaises, de l'Autorité provisoire des Nations Unies au Cambodge (UNTAC), gardent un train avec des réfugiés qui retournent au Cambodge à partir de camps en Thaïlande. Mai 1993.

Le maintien de la paix de l'ONU fonctionne-t-il ? Voici ce que disent les données

Paix et sécurité

Les échecs de missions de maintien de la paix de l'ONU ont été très médiatisés et bien documentés – et à juste titre. Mais si vous regardez l'image globale et analysez les données, une image différente et finalement positive émerge.

Les preuves, recueillies dans 16 études évaluées par des pairs, montrent que les soldats de la paix - ou « Casques bleus » comme on dit - réduisent considérablement les pertes civiles, raccourcissent les conflits et aident à faire tenir les accords de paix.

Professor Lise Howard de Georgetown University
ONU Video/ Francis Mead
Professor Lise Howard de Georgetown University

En fait, la majorité des missions de maintien de la paix des Nations Unies réussissent à atteindre leur objectif principal, à savoir stabiliser les sociétés et mettre fin à la guerre.

« Si nous examinons systématiquement le dossier - la plupart du temps, le maintien de la paix fonctionne ». C'est le verdict de la professeure Lise Howard de l'Université de Georgetown, à Washington, aux Etats-Unis. Son récent livre Power in Peacekeeping est basé sur des recherches approfondies sur le terrain dans différentes missions de maintien de la paix des Nations Unies.

Succès significatif

« Si nous examinons les missions achevées depuis la fin de la Guerre froide, les deux tiers du temps, les soldats de la paix ont réussi à mettre en œuvre leur mandat et à partir », déclare la professeure Howard dans un entretien accordé à ONU Vidéo. « Cela ne veut pas dire que dans tous ces cas, tout est parfait dans les pays. Mais c'est pour dire qu'ils ne sont plus en guerre ».

« Les Casques bleus réduisent la probabilité que les guerres civiles se reproduisent », poursuit-elle. « Ils contribuent également à la conclusion d'accords de paix. Là où il y a une promesse de soldats de la paix, nous avons plus de chances de voir un accord de paix et des accords de paix qui tiennent ».

Des observateurs de la Force d'urgence des Nations Unies en Égypte (UNEF) rencontrent à El Ballah, en Égypte, des officiels israéliens, en 1957.
UN Photo/JG
Des observateurs de la Force d'urgence des Nations Unies en Égypte (UNEF) rencontrent à El Ballah, en Égypte, des officiels israéliens, en 1957.

Des millions de vies sauvées

Avant tout, les soldats de la paix de l'ONU sauvent des vies : Lise Howard affirme que des millions de vies ont été épargnées depuis la création du maintien de la paix en 1948.

Le concept d'utiliser des soldats, non pas pour mener des guerres, mais pour aider à maintenir la paix, est né lors des négociations au Moyen-Orient en 1948, lorsque l'État nouvellement fondé d'Israël était en conflit avec ses voisins.

L'un des principaux créateurs du maintien de la paix était Ralph Bunche, un diplomate américain qui était un haut fonctionnaire de l'ONU.

« Cette idée était une innovation dans l'histoire de l'humanité - que les troupes se déploieraient de manière impartiale, afin qu'elles ne prennent pas parti. Elles se déploieraient avec le consentement des belligérants, de sorte que les belligérants demanderaient en fait aux Casques bleus de les aider à mettre en œuvre les accords de paix », explique Lise Howard.

Pour avoir aidé à négocier un armistice entre l'Égypte et Israël en 1948, le Ralph Bunche a reçu le prix Nobel de la paix en 1950.

Étude de cas : Namibie

Un observateur néerlandais de la police des Nations Unies avec le groupe d'assistance à la transition des Nations Unies en Namibie, en 1989.
Photo ONU/M. Grant
Un observateur néerlandais de la police des Nations Unies avec le groupe d'assistance à la transition des Nations Unies en Namibie, en 1989.

L'une des études de cas de la professeure Howard est la Namibie. En 1989, une mission de maintien de la paix des Nations Unies a aidé à mettre fin à une guerre civile et a soutenu les premières élections libres et équitables de l'histoire du pays. C'était loin d'être une tâche facile.

« La Namibie est un pays qui a connu d'énormes difficultés », déclare le Lise Howard. « Il a eu plusieurs dirigeants coloniaux. Il y a eu un génocide. Il a été victime d'une guerre régionale, d'une guerre civile. Mais étonnamment, la Namibie n'est pas devenue une victime de cette histoire extrêmement difficile ».

Aujourd'hui, la Namibie est un pays stable à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, doté d'un système démocratique fonctionnel – une réalisation extraordinaire, compte tenu de ce contexte historique.

La mission de l'ONU en Namibie était novatrice pour l'époque. 40% de son personnel était composé de femmes. Et la professeure Howard soutient que le maintien de la paix de l'ONU est plus efficace lorsqu'il ne repose pas simplement sur la force des armes.

Le maintien de la paix de l'ONU fonctionne-t-il ? Voici les faits

Pouvoir de persuasion

« La principale forme de pouvoir qu'ils exerçaient était la persuasion. Les soldats de la paix étaient là pour aider à réformer le système politique. Personne n'avait jamais voté lors d'une élection auparavant. Les Casques bleus aidaient à informer les citoyens de leurs droits et de ce que signifie élire leurs propres dirigeants », explique-t-elle.

Dans les missions complexes lors de guerres civiles, les soldats de la paix ne se contentent pas de surveiller les lignes de cessez-le-feu, ils contribuent également à reconstruire les institutions de base de l'État.

Ils aident à démobiliser les troupes. Ils aident à réformer les systèmes judiciaires et économiques, de sorte que lorsque des conflits surviennent, les gens n'ont pas à recourir à nouveau à la violence pour les résoudre.

Une autre tâche clé est la protection des vies civiles. Pendant la guerre civile au Soudan du Sud, les Casques bleus de l'ONU ont ouvert leurs enceintes à des centaines de milliers de personnes, offrant un refuge au milieu d'une violence intense.

Abus sexuel

Il y a eu des moments où les soldats de la paix de l'ONU ont causé d'immenses torts aux civils – tout le contraire de les protéger. Une petite minorité a exploité et abusé sexuellement de citoyens vulnérables.

L'ONU a pris des mesures pour empêcher les soldats de la paix de commettre des actes de violence sexuelle. Des bataillons entiers ont été renvoyés chez eux et il existe des mécanismes pour s'assurer que les victimes se sentent en sécurité pour signaler l’exploitation et les abus sexuels des soldats de la paix.

L'ONU a également collecté plus de 4 millions de dollars pour soutenir les victimes d'exploitation et d’abus sexuels en République centrafricaine (RCA), en République démocratique du Congo (RDC), en Haïti et au Libéria. Le fonds fiduciaire aide les États membres à aider les victimes et les enfants nés de l'exploitation et des abus sexuels.

Étude de cas : Liban

Un Casque bleu espagnol de la FINUL patrouille dans le sud-est du Liban.
FINUL/Pasqual Gorriz
Un Casque bleu espagnol de la FINUL patrouille dans le sud-est du Liban.

La mission de l'ONU au Liban est un autre exemple de maintien de la paix réussi en utilisant d'autres moyens que la force militaire. La mission, appelée FINUL, se trouve dans une zone très instable, près de la frontière entre Israël et le Liban. D'un côté, les Forces de défense israéliennes. De l'autre, le Hezbollah et d'autres acteurs armés.

L'une des tâches principales de la FINUL est d'aider à préserver la paix et à apaiser les tensions entre les Forces de défense israéliennes et l'armée libanaise. Mais, dit la professeure Howard, la principale forme de pouvoir que les soldats de la paix utilisent aujourd'hui est l'incitation.

« Les Casques bleus de l'ONU aident à maintenir la paix, non pas parce que quelqu'un les craint, mais ils voient l'avantage d'avoir des Casques bleus de l'ONU pour inciter les gens à aller vers la paix », dit-elle.

Elle a pu observer elle-même les soldats de la paix au Liban lors de ses recherches sur le terrain.

Patrouilles à pied

« Dans le sud du Liban, nous voyons souvent des Casques bleus patrouiller à pied. Ils se promènent dans les communautés locales. Ils visitent les marchés. Ils parlent aux gens. Ils parleront à l'imam. Ils parleront à d'autres dirigeants locaux. Ils établiront une clinique médicale ou fourniront des services de dentisterie. Ils fournissent également beaucoup d'emplois dans le sud du Liban », souligne-t-elle.

En d'autres termes, les Casques bleus de l'ONU fournissent un conduit pour les pourparlers et pour la réduction des tensions. Ils apprennent à connaître les communautés locales et ils fournissent également des services. Ils démontrent les avantages de la paix et de la stabilité.

Passer de la guerre à la paix

La professeure Howard soutient que le maintien de la paix de l'ONU réussit mieux lorsqu'il utilise la persuasion et l'incitation, plutôt que la force militaire directe. Mais quelle que soit la théorie derrière le succès, les données d'études approfondies et systématiques montrent que les missions de maintien de la paix de l'ONU sont efficaces la plupart du temps.

« Si nous examinons systématiquement les cas, les soldats de la paix aident les gens, dans leur vie quotidienne, à passer d'une situation de guerre et de conflit violent à une situation où il y a plus de paix ».

Certaines des opérations de paix des Nations Unies réussies à ce jour :