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Afghanistan : la culture de l’opium en hausse de près d’un tiers depuis le retour des Talibans, alerte l’ONUDC

Le pavot à opium est largement cultivé en Afghanistan.
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Le pavot à opium est largement cultivé en Afghanistan.

Afghanistan : la culture de l’opium en hausse de près d’un tiers depuis le retour des Talibans, alerte l’ONUDC

Droit et prévention du crime

Depuis la prise de pouvoir par les Talibans en août 2021, la culture du pavot à opium en Afghanistan a augmenté de 32% par rapport à l’année précédente, soit 233.000 hectares, a alerté l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), notant que les prix de l’opium « se sont envolés » depuis que les Talibans ont interdit la plantation de pavot en avril 2022.

Il s’agit d’une hausse de 56.000 hectares, par rapport à l’année précédente. « Les agriculteurs afghans sont pris au piège de l’économie illicite des opiacés, alors que les événements de saisie autour de l’Afghanistan suggèrent que le trafic d’opiacés se poursuit sans relâche », a déclaré dans un communiqué, Ghada Waly, Directrice exécutive de l’ONUDC.

La récolte de 2022 est donc la troisième plus grande superficie cultivée depuis le début de la surveillance par cette agence onusienne.

Plus globalement, l’Afghanistan est de loin le premier producteur mondial de pavot, dont sont extraits l’opium comme l’héroïne et « le revenu tiré par les agriculteurs de la vente d’opium a triplé » en un an, estime l’ONUDC.

Passé de 430 millions de dollars en 2021 à 1,4 milliard en 2022, il est le « plus rentable enregistré depuis des années » et représente 29% de la valeur agricole totale du pays, contre 9% un an plus tôt.

« Cette somme ne représente encore qu’une fraction des revenus tirés de la production et du suivi dans le pays », a détaillé l’agence onusienne, relevant que « des sommes de plus en plus importantes sont accumulées le long de la chaîne d’approvisionnement en drogues illicites en dehors du pays ».

Des niveaux de revenus considérablement plus élevés que les montants gagnés par les agriculteurs

La transformation de l’opium en morphine et en héroïne, ainsi que leur trafic hors d’Afghanistan, génèrent des niveaux de revenus considérablement plus élevés que les montants gagnés par les agriculteurs. « La valeur de l’économie illicite totale des opiacés dans le pays sera estimée lorsque les données pour 2022 seront disponibles », a toutefois précisé l’ONUDC.

La Directrice exécutive de l’ONUDC appelle donc la communauté internationale à « intensifier les interventions ». « La communauté internationale doit s’efforcer de répondre aux besoins aigus du peuple afghan, et d’intensifier les réponses pour arrêter les groupes criminels qui trafiquent de l’héroïne et nuisent aux personnes dans les pays du monde entier », a fait valoir Ghada Waly.

A noter que les prix de l’opium se sont envolés après l’annonce de l’interdiction de la production de l’opium et d’autres stupéfiants en avril, faisant de la récolte de 2022 la plus rentable. Les autorités de facto ont annoncé l’interdiction de la culture du pavot à opium en avril 2022, juste au moment où la récolte d’opium était sur le point de commencer.

Toutefois, un délai de grâce de deux mois a été accordé, et la récolte de cette année n’a pratiquement pas été affectée par l’interdiction, bien qu’une certaine éradication ait été signalée. Selon l’ONUDC, l’interdiction a entraîné une hausse spectaculaire des prix, le prix au kilogramme ayant presque doublé, passant de 116 dollars en mars 2022 à 203 dollars après l’annonce.

Cependant, l’augmentation des revenus ne s’est pas nécessairement traduite en pouvoir d’achat, car l’inflation a grimpé en flèche au cours de la même période. Le prix des denrées alimentaires a augmenté en moyenne de 35%, dit l’ONUDC.

Champ de pavot dans le sud de l'Afghanistan.
Photo: IRIN/Abdullah Shaheen
Champ de pavot dans le sud de l'Afghanistan.

Une culture concentrée dans les provinces du sud-ouest

Cette hausse est venue s’ajouter aux prix déjà élevés qui avaient grimpé en flèche après la prise de contrôle en août 2021. « Ces dernières années ont été marquées par des prix bas depuis la récolte record de 2017 et une offre toujours abondante, mais les bouleversements politiques et l’incertitude quant à l’avenir du marché ont apparemment découplé les prix de la dynamique plus large du marché », a fait observer l’ONUDC.

La culture du pavot à opium est restée concentrée dans les provinces du sud-ouest du pays (Nimroz, Kandahar, Hilmand, Uruzgan et Zabul), qui représentaient ensemble 73% de la superficie totale des cultures de pavot à opium. Suivent les provinces occidentales avec 14% des cultures.

Dans certaines régions, la culture du pavot à opium occupait une proportion importante de l’ensemble des terres agricoles. Par exemple, dans la province d’Hilmand, un cinquième des terres arables était consacré au pavot à opium, et dans certains districts, la proportion était encore plus élevée - privant ainsi de champs des cultures alimentaires d’importance vitale, notamment le blé.

Le marché des opiacés afghans pas perturbé

Par ailleurs, les saisies d’opiacés autour de l’Afghanistan indiquent que la traque de l’opium et de l’héroïne afghane n’a pas cessé. L’Afghanistan fournit 80% de la demande mondiale d’opiacés.

Les événements de saisie recueillis dans la plateforme de surveillance des drogues de l’ONUDC suggèrent que l’activité de trafic d’opiacés s’est poursuivie sans relâche depuis août 2021, ce qui indique que le marché mondial des opiacés afghans n’a pas été perturbé depuis la prise de pouvoir par les Talibans.

L’Afghanistan fournit environ 80% de la demande mondiale d’opiacés. Les données relatives aux saisies passées ont montré que les opiacés originaires d’Afghanistan peuvent mettre entre 1 et 1½ an pour atteindre les pays de destination, en fonction de la distance par rapport à l’Afghanistan et du mode de transport utilisé.

« On peut s’attendre à ce que tout changement radical dans les activités de culture ou de trafic en Afghanistan soit observé dans la même année au Proche et au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Ouest, et un an plus tard en Europe », a prévenu l’ONUDC.