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En Ukraine, l’ampleur de la catastrophe humanitaire est stupéfiante, selon l’ONU

Dans l'est de l'Ukraine, une mère tient sa fille dans ses bras dans la tour d'habitation partiellement détruite où elles vivent encore.
© UNICEF/Aleksey Filippov
Dans l'est de l'Ukraine, une mère tient sa fille dans ses bras dans la tour d'habitation partiellement détruite où elles vivent encore.

En Ukraine, l’ampleur de la catastrophe humanitaire est stupéfiante, selon l’ONU

Paix et sécurité

Durant une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU sur la situation en Ukraine, deux hautes responsables des Nations Unies ont mis en garde vendredi contre l’escalade militaire dangereuse et rappelé les souffrances des civils.

Elles ont réclamé le libre passage pour le personnel humanitaire et une priorité au déminage et à l’aide psychosociale pour des populations traumatisées.

La situation des civils en Ukraine demeure catastrophique, a déclaré la cheffe des affaires politiques de l’ONU, Rosemary DiCarlo, citant les 6.322 civils tués et 9.634 autres blessés qui ont été enregistrés depuis le début de l’invasion russe le 24 février 2022. « Les chiffres réels sont probablement considérablement plus élevés », a-t-elle ajouté. 

Elle a rappelé que les attaques russes lancées le 10 octobre sur des villes et leurs infrastructures de première nécessité ont causé ce jour-là la mort de 20 civils et fait plus d’une centaine de blessés à Kyïv, Dnipro et Zaporijjia. 38 autres décès de civils et 117 blessés ont été dénombrés depuis cette date à la suite d’attaques de missiles et de drones par la Russie.  

La Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques a souligné l’inquiétude de l’ONU à la suite des bombardements qui ont touché 30% des centrales électriques du pays depuis le 10 octobre particulièrement à Kyïv, Dnipropetrovsk, Lviv, Kharkiv et Sumy, exposant la population, au moment où les prix du gaz et du charbon montent en flèche, à des conditions extrêmes, voire létales, durant l’hiver qui approche. 

« Soyons clairs : en vertu du droit international humanitaire, les attaques visant des civils et des infrastructures civiles sont interdites », a martelé Mme DiCarlo. « Il en va de même pour les attaques contre des objectifs militaires qui risquent de causer aux civils des dommages excessifs par rapport à l’avantage militaire concret et direct attendu ». 

La cheffe des affaires politiques de l'ONU, Rosemary DiCarlo (sur l'écran), fait un exposé devant les membres du Conseil de sécurité.
Photo ONU/Eskinder Debebe
La cheffe des affaires politiques de l'ONU, Rosemary DiCarlo (sur l'écran), fait un exposé devant les membres du Conseil de sécurité.

Etablir les responsabilités

Rappelant le soutien de l’ONU à tous les efforts pour établir les responsabilités, elle a demandé instamment que le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) bénéficie d’un accès complet à toutes les zones de l’Ukraine et rappelé qu’au vu du rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante sur l’Ukraine déposé cette semaine, il existe des motifs raisonnables de conclure que des crimes de guerre et des violations des droits humains et du droit humanitaire international ont été commis, dans leur grande majorité par les troupes russes en Ukraine, depuis le 24 février. 

Ces crimes et abus incluent l’usage d’armes explosives à large rayon d’action dans des zones habitées qui ont blessé des civils en grand nombre et dévasté des quartiers entiers, ainsi que le recours aux exécutions sommaires, aux détentions illégales, à la torture, aux mauvais traitements et aux violences sexuelles par les forces armées russes.  

« L’impact de ces violations sur la population ukrainienne est immense, tout comme la nécessité de rendre des comptes. À cet égard, la Commission a appelé à une bonne coordination des multiples initiatives nationales et internationales de reddition des comptes en Ukraine. L’obligation de rendre des comptes reste cruciale alors que de nouvelles allégations d’atrocités ont émergé dans des zones qui sont récemment revenues sous le contrôle du gouvernement ukrainien. Nous ne devons pas laisser l’impunité prévaloir », a-t-elle assuré. 

Mme DiCarlo a néanmoins salué l’annonce, lundi dernier, d’un échange de prisonniers de guerre entre l’Ukraine et la Russie durant lequel 110 captifs russes ont été échangés contre 108 Ukrainiens, qui pour la première fois étaient toutes des femmes, incluant des civiles, des militaires et des gardes-frontières. 

Dans cet esprit constructif, elle a appelé une nouvelle fois la Russie à garantir l’accès du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) aux prisonniers, conformément au droit humanitaire international, et regretté que la mission de l’ONU chargée d’enquêter sur l’incident d’Olevnika du 29 juillet n’ait toujours pas été autorisée à se rendre sur les lieux.

Dans la banlieue de Kharkiv, en Ukraine, un homme inspecte les dégâts causés par des tirs d'artillerie et des bombardements.
© UNICEF/Ashley Gilbertson
Dans la banlieue de Kharkiv, en Ukraine, un homme inspecte les dégâts causés par des tirs d'artillerie et des bombardements.

Sur la voie d'une nouvelle escalade

Abordant l’impact mondial, substantiel et croissant, de la guerre, la Secrétaire générale adjointe a décrit l’effet positif de l’Initiative céréalière de la mer Noire qui a permis de réduire et de stabiliser les prix alimentaires, permettant l’exportation de près de 8 millions de tonnes de grains vers les régions en demande. « Pour maintenir la sécurité alimentaire au niveau mondial, il est essentiel que cette initiative soit prolongée après le mois de novembre, y compris pour l’approvisionnement en engrais russes », a-t-elle assuré. 

« Nous sommes sur la voie d’une nouvelle escalade, qui ne peut causer que plus de souffrances aux peuples de l’Ukraine, de la Russie et du reste du monde. Cette trajectoire doit être inversée », a-t-elle rappelé. « Toute suggestion d’utilisation possible d’armes nucléaires ou d’autres armes non classiques ne fait qu’accroître encore les tensions et pourrait conduire à une spirale dangereuse ». 

Madame DiCarlo s’est aussi alarmée des dommages subis par la centrale nucléaire de Zaporijjia et de leurs conséquences potentielles catastrophiques, demandant l’arrêt immédiat de toute activité militaire sur ce site. 

Rappelant que les référendums imposés dans les territoires revendiqués par la Fédération de Russie n’ont « aucune valeur au regard du droit international », Mme DiCarlo s’est dite gravement préoccupée par l’annonce de la loi martiale dans les régions de l’Ukraine sous contrôle militaire russe, suivie par l’évacuation annoncée à Kherson dans un contexte d’intensification des combats sur le terrain. Elle a appelé à une conclusion de la guerre fondée sur le droit international et la Charte, « le moyen le plus sûr de faire en sorte que cessent les souffrances immenses des civils en Ukraine ». 

L'hiver approche

La Coordinatrice humanitaire de l'ONU en Ukraine, Denise Brown, devant le Conseil de sécurité.
Photo ONU/Eskinder Debebe
La Coordinatrice humanitaire de l'ONU en Ukraine, Denise Brown, devant le Conseil de sécurité.

De son côté, la Coordinatrice humanitaire des Nations Unies en Ukraine, Denise Brown, a déclaré devant les membres du Conseil de sécurité que « l’ampleur de la catastrophe humanitaire est stupéfiante ». 

Elle a rappelé que près de 18 millions de personnes, soit plus de 40% de l’ensemble population ukrainienne a besoin d’aide humanitaire. Quelque 14 millions de personnes ont été forcées de fuir leur foyer, dont 6,2 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays et près de 7,7 millions de réfugiés. 

Quant à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), elle dénombre plus de 630 attaques contre les établissement de santé, interdisant aux malades l’accès aux médicaments et aux traitements.  

A l’approche des mois d’hiver, et vu la destruction des centrales fournissant de l’énergie, Mme Brown a décrit la priorité donnée par les organisations humanitaires et les autorités locales aux réparations des centres collectifs et des logements, ainsi qu’à la fourniture de couvertures, de matelas, de vêtements, de nourriture, de générateurs pour les hôpitaux, saluant particulièrement l’effort de plus de 590 partenaires humanitaires, d’organisations d’aide nationales et locales souvent dirigées par des femmes, qui a permis d’aider déjà 13 millions de personnes dans le pays.  

La Coordinatrice humanitaire s’est dit soulagée que des zones du pays soient enfin accessibles pour apporter une aide aux populations, mais elle a rappelé que dans les zones accessibles de Kharkiv, Kherson et Donetsk, la menace des mines terrestres et de la contamination par les munitions non explosées entrave encore les opérations humanitaires, appelant à une action prioritaire pour en réduire les dangers. 

Denise Brown a particulièrement insisté sur la nécessité urgente d’une aide psychosociale à quelque 10 millions de civils traumatisés par cette guerre, dont les femmes et les filles victimes de violences sexuelles et sexistes, et d’approcher au plus vite les habitants des régions dont l’Ukraine a repris le contrôle et qui ont subi des abus et la violence du conflit.  

Elle s’est dit préoccupée par la situation des civils que le personnel humanitaire n’a pas pu encore approcher dans certaines zones de Donetsk, Kherson, Louhansk et Zaporijjia et a rappelé les obligations internationales des parties au conflit à garantir un accès.  

« Le droit international humanitaire, qui incarne déjà un exercice d’équilibriste entre l’humanité et la nécessité militaire, exige clairement que les parties facilitent le passage rapide et sans entrave de l’aide humanitaire », a-t-elle dit. 

Denise Brown a exprimé sa satisfaction devant le soutien sans précédent de la part des donateurs au fonds d’aide à l’Ukraine, avec une somme de 2,9 milliards de dollars déjà reçue pour des besoins estimés à 4,3 milliards de dollars pour cette année. 

« Il s’agit du  pays le plus financé dans l’histoire de l’ONU derrière les 3,6 milliards de dollars fournis au Yémen en 2019 », a-t-elle précisé, notant que le Fonds humanitaire ukrainien a également  plus de 230 millions de dollars en contributions et promesses de dons, dont 117 millions de dollars ont déjà été décaissés et 20 millions de dollars seront destinés à des organismes bénévoles locaux en Ukraine.