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Les femmes, au cœur de la tourmente syrienne

Dans le nord-ouest de la Syrie, 1,7 million de déplacés vivent dans des camps.
UNOCHA/Ahmad Alito
Dans le nord-ouest de la Syrie, 1,7 million de déplacés vivent dans des camps.

Les femmes, au cœur de la tourmente syrienne

Aide humanitaire

Devant le Conseil de sécurité, Najat Rochdi, Envoyée spéciale adjointe de l’ONU pour la Syrie, a déploré mercredi la persistance des hostilités qui mettent en doute la possibilité d’accords politiques visant à un véritable cessez-le-feu national, et a dépeint le sort douloureux des populations, en particulier des femmes et des filles syriennes, en butte aux conflits et à une crise économique dévastatrice.

Fin août, l’ONU avait appelé à la retenue les parties au conflit en Syrie. « Mais en dépit de ces deux semaines de calme relatif, les civils syriens sont toujours tués, mutilés, détenus, déplacés de force ou privés des moyens de retourner chez eux en sécurité », a déclaré Najat Rochdi. « Leurs infrastructures et leurs moyens de subsistance subissent toujours des attaques destructrices et les échanges de tirs et de frappes par des drones en divers points du Nord du pays se poursuivent ».

Malgré les efforts de divers participants internationaux pour préserver des accords de cessez-le-feu, tenter tant bien que mal d’assurer une désescalade des conflits et la protection des civils, en présence de groupe terroristes, une cruelle évidence se confirme : aucun processus politique menant à un cessez-le-feu d’ampleur nationale n’est possible tant que les violences ne connaissent pas d’accalmie.

Najat Rochdi, Envoyée spéciale adjointe du Secrétaire général pour la Syrie, devant le Conseil de sécurité.
Photo ONU/Jaclyn Licht
Najat Rochdi, Envoyée spéciale adjointe du Secrétaire général pour la Syrie, devant le Conseil de sécurité.

Des besoins humanitaires de plus en plus criants

Najat Rochdi s’inquiète particulièrement des obstacles qui perturbent l’aide humanitaire destinée aux civils, alors que les besoins sont plus criants que jamais et que les ressources s’amenuisent.

Des propos confirmés par Martin Griffiths, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, lui aussi présent devant le Conseil de sécurité, qui a rappelé que le Plan de riposte humanitaire pour la Syrie, requérant 4,4 milliards de dollars, représente le plus grand appel de fonds de l’année 2022, mais n’a pour l’instant reçu qu’un quart de cette somme par les donateurs. Par ailleurs, seuls 20% des 6,1 milliards promis sur le plan régional pour les réfugiés et la résilience ont été effectivement versés.

Préoccupée par les besoins urgents des populations, Najat Rochdi a appelé aussi à travailler en amont sur les origines de leur détresse et de leurs migrations forcées : autant que les conflits armés, l’effondrement économique de la Syrie, dont les causes sont multiples. 

Dix ans de violences, la mauvaise gouvernance et les sanctions contre la Syrie sont aggravées par la division du pays, la crise financière libanaise, la pandémie de Covid-19 et les contrecoups de la guerre en Ukraine, et cette situation, a martelé l’Envoyée spéciale adjointe, ne peut être résolue que par des mesures progressives menant au retour de la confiance, dans un processus politique aux facettes multiples.

Les femmes syriennes souvent seules pour nourrir leurs familles

Le sort des détenus, des personnes enlevées et disparues est tous les mois à notre ordre du jour, a-t-elle déclaré, « mais la souffrance de leurs proches et de leurs familles, en particulier les mères, les épouses et les filles, mérite une attention prioritaire, car ce sont elles qui subissent le poids de cette situation, tant financièrement qu’émotionnellement ainsi que l’exploitation, les harcèlements, les stigmatisations, l’extorsion pour des rançons ou des pots-de-vin qui jalonnent la recherche douloureuse de leurs proches disparus ».

Si elles aussi peuvent être victimes de détention, de torture et d’enlèvements, les femmes syriennes, souvent seules pour nourrir leurs familles, subissent aussi de plein fouet les conséquences de la crise économique quand elles ne peuvent obtenir ni emploi, ni avancement.

Une raison de plus de leur donner un rôle actif dans l’élaboration des solutions politiques et de l’effort sur le terrain, a proposé Najat Rochdi, rappelant ses rencontres si constructives et approfondies avec le Conseil consultatif féminin pour le dialogue inter-syrien, basé à Genève. Etabli en 2016 par le bureau de l’Envoyé spécial, il comprend 17 femmes syriennes issues de mouvances diverses du pays, engagées dans des dialogues promouvant les droits des femmes et un accord politique équitable juste et durable en Syrie.

Avec émotion, l’Envoyée spéciale adjointe a fait part de ces rencontres, où sont évoquées le sort des réfugiés et des enfants privés d’éducation, de soins et de subsistance sur fond d’incertitude criante sur leur avenir, mais où, aussi, se dessine une convergence entre les points de vue de la société civile, « preuve que le progrès est vraiment possible, et que les Syriens peuvent s’unir pour sauver leur pays et regarder ensemble son avenir ».