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Des enfants de 8 ans posent parmi les décombres de leur école primaire à Buzova, en Ukraine, en août 2022.

La Russie a « massivement utilisé » des armes à sous-munitions en Ukraine, selon un observatoire indépendant

© UNICEF/Olena Hrom
Des enfants de 8 ans posent parmi les décombres de leur école primaire à Buzova, en Ukraine, en août 2022.

La Russie a « massivement utilisé » des armes à sous-munitions en Ukraine, selon un observatoire indépendant

Droits de l'homme

Au moins 689 civils ont été victimes de bombes à sous-munitions au cours du premier semestre de cette année en Ukraine, a indiqué, ce jeudi, le dernier Observatoire des bombes à sous-munitions. L’organe a relevé que la Russie avait massivement utilisé ces armes, causant des centaines de victimes civiles et endommageant des habitations, des écoles ainsi que des hôpitaux.

Selon cet organisme de surveillance, les progrès réalisés dans l’élimination des armes à sous-munitions ont été ainsi éclipsés par le bilan humain dévastateur de son utilisation généralisée dans la guerre en Ukraine. Avec au moins 689 civils tués (215) ou blessés (474), il s’agit d’une hausse de plus de 300% par rapport au total mondial observé en 2020, qui comprenait à la fois les victimes d’attaques et des restes d’armes à sous-munitions.

Le nombre réel de victimes est probablement plus élevé en raison des difficultés à rassembler les informations. Et étant donné que jusqu’à 40% des sous-munitions n’explosent pas, la contamination par des restes explosifs de guerre constitue une menace majeure pour la population civile ukrainienne.

Publié chaque année, ce document évalue la mise en œuvre de la Convention d'Oslo, qui interdit l'utilisation, la production, le transfert et le stockage des sous-munitions. La période s'étend de janvier à décembre 2021. Elle inclue également le premier semestre de 2022 lorsque les informations sont disponibles.

Il est élaboré par des experts de la Coalition internationale contre les bombes à sous-munitions (Cluster Munition Coalition ou CMC) sur la base de faits collectés dans le monde entier.

« Un mépris flagrant pour la vie humaine »

Ce nouveau rapport annuel de la CMC documente ainsi une « utilisation massive d’armes à sous-munitions par la Russie » depuis son invasion de l’Ukraine le 24 février. Des centaines d’attaques d’armes à sous-munitions menées par les forces russes ont été documentées, signalées ou auraient eu lieu en Ukraine cette année.

« L’utilisation massive par la Russie en Ukraine d’armes à sous-munitions internationalement interdites démontre un mépris flagrant pour la vie humaine, les principes humanitaires, et les normes juridiques », a déclaré Mary Wareham, l’une des auteurs du rapport.

L’utilisation d’armes à sous-munitions a surtout eu lieu dans des zones peuplées. En plus de tuer et de blesser des civils, ces arsenaux endommagent des maisons, hôpitaux, écoles, usines, terrains de jeux, etc.  Selon la CMC, les attaques aux armes à sous-munitions ont également menacé les personnes déplacées internes et les populations vulnérables qui recherchent une aide humanitaire.

Les forces ukrainiennes aussi épinglées

De leur côté, les forces ukrainiennes semblent également avoir utilisé « l’arme à plusieurs reprises dans le conflit en cours », indique l’Observatoire dans son rapport annuel. A noter que ni la Russie ni l’Ukraine n’ont adhéré à la convention interdisant ces armes, qui a 110 États parties et 13 autres signataires.

« Une condamnation sans équivoque de l’utilisation en cours d’armes à sous-munitions en Ukraine est cruciale pour renforcer la stigmatisation de ces armes et mettre fin à la menace qu’elles représentent », a ajouté Mme Wareham.

Au moins 26 pays et trois autres zones restent contaminés par des sous-munitions non explosées.

Plus globalement, 12 pays ont achevé la dépollution des terrains contaminés par des armes à sous-munitions. Aucun État n’a achevé la dépollution des armes à sous-munitions au cours de l’année écoulée.

La Syrie a enregistré le nombre annuel de victimes le plus élevé

Par ailleurs, la Syrie a enregistré le nombre annuel de victimes le plus élevé de tous les pays. Cependant, le nombre de victimes enregistrées en Syrie a diminué, l’année 2021 ayant vu son plus faible total annuel enregistré depuis 2012.

La dernière utilisation d’armes à sous-munitions signalée en Syrie remonte à mars 2021. Mais selon l’Observatoire, des attaques pourraient ne pas avoir été enregistrées.

Dans ce contexte difficile, la mise en œuvre de la convention a connu des évolutions positives, les opérations de déminage revenant à un niveau proche de la normale dans de nombreux pays.

Une équipe de démineurs s'active dans un champ cultivé, en Iraq (archives)
DMA/RMAC-S Iraq
Une équipe de démineurs s'active dans un champ cultivé, en Iraq (archives)

Les États parties à la Convention d'Oslo se réunissent à Genève du 30 août au 2 septembre

En 2021, les États parties ont déclaré avoir dépollué au moins 61 km2 de terres contaminées, ce qui a entraîné la destruction de quelque 81.000 sous-munitions, deux résultats similaires à ceux de l’année précédente.

Ce rapport d’une centaine de pages est publié alors que les États parties à la Convention d'Oslo se préparent pour leur réunion annuelle, qui aura lieu du 30 août au 2 septembre, à l’Office des Nations Unies à Genève. À ce jour, 123 États ont signé la Convention.

Depuis son entrée en vigueur le 1er août 2010, 35 États ont détruit 1,5 million de stocks d’armes à sous-munitions, soit un total de 178 millions de sous-munitions. Cela représente 99% de toutes les armes à sous-munitions déclarées par les Etats parties. Au total, 26 Etats et trois régions restent contaminés par des restes de sous-munitions dans le monde.