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Le témoignage d'un jeune Haïtien : « Je me réveille au son des coups de feu »

Edwin (le prénom a été changé) est un jeune leader de sa communauté de Cité Soleil, à Port-au-Prince.
UN Haiti/Daniel Dickinson
Edwin (le prénom a été changé) est un jeune leader de sa communauté de Cité Soleil, à Port-au-Prince.

Le témoignage d'un jeune Haïtien : « Je me réveille au son des coups de feu »

Paix et sécurité

 Un jeune homme dont la communauté se trouve à l'épicentre de la violence entre bandes rivales dans le quartier agité de Cité Soleil, dans la capitale haïtienne Port-au-Prince, affirme qu'il s'endort et se réveille le matin au son des coups de feu. Edwin*, un jeune leader de sa communauté, fait partie d'un groupe soutenu par le Fonds pour la consolidation de la paix des Nations Unies.

« Depuis le 8 juillet, il y a eu une intensification de la violence à Cité Soleil et surtout dans le quartier où je vis, qui s’appelle Brooklyn. Il y a de violents combats dans les rues et tout le monde est très stressé. Nous ne pouvons pas quitter nos maisons la plupart du temps et il n'y a pas de circulation dans le quartier.

Cela cause beaucoup de problèmes, notamment le manque de nourriture et d'eau. Je peux parfois partager la nourriture avec des voisins, mais beaucoup de gens ont faim. Le prix de la maigre quantité d'eau potable disponible a triplé.

Nous avons une formule de salutation dans notre langue, le créole, lorsque quelqu'un quitte la maison, nous lui disons d'être "pridan" ou prudent, mais cette expression a perdu son sens maintenant parce que notre vie est si dangereuse. On aimerait se croire en sécurité chez soi, mais les balles connaissent tous les chemins et les ruelles de notre quartier.

« Ma vie est un cycle de peur, de stress et de désespoir »

Si un ami ou un membre de la famille quitte la maison pour la journée, nous commençons à craindre qu'il ait été tué si nous n'avons pas de nouvelles de lui pendant quelques heures. Cela ajoute encore plus d'inquiétude à notre vie déjà traumatisante.

Une rue de Port-au-Prince, en Haïti.
PNUD Haiti/Borja Lopetegui Gonzalez
Une rue de Port-au-Prince, en Haïti.

Je me couche et je me réveille au son des coups de feu, ce qui est très stressant, mais, même si les tirs me terrifient, j'essaie d'utiliser le rythme des coups de feu pour m'endormir ; c'est la seule façon de survivre à cette période difficile. Parfois, vous pouvez utiliser de la musique pour échapper au bruit constant des tirs, mais pas lorsque ceux-ci sont tirés près de votre maison ; le son est tout simplement trop fort.

Ma vie est maintenant un cycle de peur, de stress et de désespoir. Je ressens toujours au moins l'un de ces sentiments et je veux juste qu'ils cessent, pour que je puisse revenir à la normale.

Se battre pour une vie simple mais normale

Malgré tout, j'ai de l'espoir et je reste positif la plupart du temps. Le travail que je fais avec mon groupe de jeunes, le Comité consultatif des jeunes, m'aide à traverser cette période difficile.

Le groupe organise des activités réunissant des jeunes de Cité Soleil et de deux autres quartiers, Saint-Martin et Bel-Air, qui sont contrôlés par des gangs rivaux. Nous réunissons des centaines d'enfants pour faire du sport, de la musique ou jouer à des jeux de société comme les échecs.

Des jeunes de Cité Soleil se tiennent à l'écart de la violence en jouant aux échecs.
UN Haiti/Daniel Dickinson
Des jeunes de Cité Soleil se tiennent à l'écart de la violence en jouant aux échecs.

Nous travaillons avec des jeunes femmes et des jeunes hommes pour créer des amitiés et des réseaux de soutien dans l'ensemble de la communauté. D'une certaine manière, alors que les combats se poursuivent autour de nous, nous nous battons pour une vie simple mais normale, où l'on peut se promener dans les rues avec des amis, trouver un emploi ou lancer une petite entreprise. Bien entendu, il n'a pas été possible de mener à bien l'une ou l'autre de ces activités au cours des deux dernières semaines.

« Faire entendre nos voix »

Je m'engage à travailler avec les jeunes pour améliorer leur vie et je me vois comme un leader. Faire partie du comité me donne confiance et contribue à nous responsabiliser, moi et les neuf autres membres.

Nous voulons que nos voix soient entendues en dehors de Cité Soleil, car si personne ne nous entend, rien ne changera. Si les habitants du reste de Port-au-Prince ou du monde entier nous entendent, alors nous ne pouvons pas être oubliés et nous pouvons travailler ensemble pour améliorer nos vies. »

*Le nom a été changé pour conserver l’anonymat.

Le Comité consultatif des jeunes

  • Le Comité consultatif des jeunes fait partie du projet Semans Lapè (semences de paix), mis en place par l'organisation non gouvernementale Concern Worldwide.
  • Il est financé par le Fonds pour la consolidation de la paix des Nations unies, conformément au programme des Nations unies pour la jeunesse, la paix et la sécurité, qui appelle à la pleine participation des jeunes aux questions de paix et de sécurité dans leurs communautés.