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Haïti : l’ONU s’inquiète de l’aggravation de la violence des gangs et demande aux autorités d’agir

La violence des gangs à Port-au-Prince, en Haïti, terrorise la population.
PNUD Haiti/Borja Lopetegui Gonzalez
La violence des gangs à Port-au-Prince, en Haïti, terrorise la population.

Haïti : l’ONU s’inquiète de l’aggravation de la violence des gangs et demande aux autorités d’agir

Paix et sécurité

Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) s’est déclaré samedi profondément préoccupé par l'aggravation de la violence à Port-au-Prince ainsi que par l'augmentation des violations des droits humains commises par des gangs lourdement armés contre la population locale.

« Nous demandons instamment aux autorités de veiller à ce que tous les droits humains soient protégés et placés au centre de leur réponse à la crise. La lutte contre l'impunité et les violences sexuelles, ainsi que le renforcement de la surveillance et de l’établissement de rapports en matière de droits de l’homme, doivent rester une priorité », a dit un porte-parole du HCDH, Jeremy Laurence, dans une déclaration à la presse publiée à Genève.

De janvier à fin juin, l’ONU a recensé 934 meurtres, 684 blessés et 680 enlèvements dans la capitale haïtienne Port-au-Prince.

Sur une période de cinq jours, du 8 au 12 juillet, au moins 234 personnes ont été tuées ou blessées dans le cadre des violences liées aux gangs dans le quartier de Cité Soleil. La plupart des victimes n'étaient pas directement impliquées dans des gangs et ont été directement visées par des éléments de gangs. « Nous avons également reçu des informations faisant état de nouvelles violences sexuelles », a dit le porte-parole.

Dans ce contexte, le HCDH appelle « les responsables, et ceux qui soutiennent cette violence armée, à la cesser immédiatement, ainsi qu’à respecter la vie et les moyens de subsistance de tous les Haïtiens, dont la plupart vivent dans une extrême pauvreté ».

Début 2022, l'ONU a aidé à réinstaller des personnes déplacées par la violence des gangs à Port-au-Prince, en Haïti (photo d'archives).
© IOM Haiti/Monica Chiriac
Début 2022, l'ONU a aidé à réinstaller des personnes déplacées par la violence des gangs à Port-au-Prince, en Haïti (photo d'archives).

Des attaques de plus en plus sophistiquées

Le Haut-Commissariat note que les gangs lourdement armés sont de plus en plus sophistiqués dans leurs actions, menant des attaques simultanées, coordonnées et organisées dans différentes zones. « Le droit à la vie est le droit suprême en vertu du droit international des droits humains et l'État a le devoir de protéger ce droit, y compris contre les menaces émanant de personnes et d'entités privées », a souligné le porte-parole.

Dans le cadre de leurs tactiques, certains gangs ont empêché la population locale d'accéder à des biens de première nécessité, tels que l'eau potable et la nourriture. Cela a encore aggravé la prévalence de la malnutrition aiguë dans les zones touchées, notamment chez les enfants.

La violence a également exacerbé les pénuries de carburant, le principal dépôt de carburant étant situé à Cité Soleil, et les coûts de transport ont fortement augmenté. La situation socio-économique critique a déclenché des manifestations de rue, contribuant à détériorer davantage la situation sécuritaire. Alors que beaucoup des résidents se sont barricadés l’intérieur, de nombreux commerces ont fermé, par peur des représailles.

Le HCDH rappelle que selon le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ratifié par Haïti, toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé et son bien-être, notamment en ce qui concerne l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux et les services sociaux nécessaires.

Depuis le début du mois de juin, des gangs ont également attaqué des institutions clés à Port-au-Prince, comme le Palais de justice et l'administration portuaire. Des menaces d'attaques ont aussi été signalées contre le Parlement, les services pénitenciers, la Banque nationale, la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif. « Les autorités de l'État semblent dépassées par la situation : les institutions sont paralysées par le manque de ressources, la corruption et la violence, ce qui favorise l'impunité. Bien que la Police nationale haïtienne ait réagi rapidement et autant que possible, ses ressources limitées n’ont pas permis d’endiguer la violence », a déclaré le porte-parole du HCDH.

De l'aide alimentaire d'urgence est préparée pour être distribuée à des Haïtiens.
© WFP
De l'aide alimentaire d'urgence est préparée pour être distribuée à des Haïtiens.

Les agences humanitaires de l'ONU prêtes à porter secours

De leur côté, les agences humanitaires de l'ONU se sont déclarées « prêtes à porter secours » aux communautés touchées par la violence des gangs en Haïti.

« Alors que les souffrances continuent à Cité Soleil, l'insécurité empêche les agences humanitaires d'entrer dans Cité Soleil », a déclaré Ulrika Richardson, Coordinatrice humanitaire de l'ONU. « L'ONU est prête à porter secours aux nombreux enfants, femmes et hommes pris entre deux feux par la violence de gang, dès que les partenaires humanitaires pourront accéder aux zones touchées ».

« Les habitants de Cité Soleil sont parmi les plus touchés par les vagues de violence actuelles en Haïti », a-t-elle ajouté, « et ils ont désespérément besoin de soutien en ces temps difficiles, en particulier le nombre croissant d’enfants souffrant de malnutrition aiguë, les nombreuses femmes et filles qui sont violées ainsi que les garçons qui sont recrutés de force par les gangs ».

Cité Soleil n'est pas le seul quartier où les gangs opèrent en toute impunité. Le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) estime qu’environ 1,5 million de personnes, soit près de 50% de la population de la capitale, sont directement touchés par la violence, et voient leur liberté de mouvement et d’accès aux services de base restreints.

Selon le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF), un demi-million d'enfants de la capitale seraient déscolarisés en raison de l'insécurité.

Les agences des Nations Unies continuent à venir en aide aux Haïtiens les plus vulnérables à Port-au-Prince. En 2022, le Programme alimentaire mondial (PAM) a soutenu plus de 62.000 personnes avec une aide d'urgence en espèces de 4,1 millions de dollars, destinée à 207.000 personnes au total dans la zone métropolitaine. Depuis la mi-mai, le PAM a servi 44.000 repas chauds aux populations déplacées. L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a fourni une assistance à environ 19.000 personnes.

L'UNICEF a soutenu le Ministère de l'Education en vue de la réouverture des écoles dans les zones vulnérables telles que Martissant, La Saline, Cité Soleil, Bas-Delmas, Bel et Tabarre en distribuant des milliers de kits et matériels scolaires aux élèves, et en facilitant les cours de rattrapage pour les lycéens des zones sensibles afin de compenser les nombreux mois de cours perdus.

Prorogation du mandat du BINUH

Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme s’est félicité de la décision du Conseil de sécurité de l’ONU, de prolonger le mandat du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH). Cela « permettra de renforcer la réponse internationale collective à la crise des droits humains qui se déroule dans le pays, ainsi que de faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire », a dit M. Laurence.

Par une résolution adoptée vendredi à l’unanimité, le Conseil de sécurité a prorogé pour un an le mandat du BINUH, jusqu’au 15 juillet 2023.

Dans ce texte, présenté par les États-Unis et le Mexique, le Conseil réaffirme la nécessité pour toutes les parties prenantes haïtiennes de parvenir, avec l’appui du BINUH, à un accord urgent sur un cadre pérenne, assorti de délais et communément accepté, en vue d’un processus politique dirigé par les Haïtiens qui permette d’organiser des élections présidentielle et législatives inclusives, pacifiques, libres, régulières et transparentes dès que les conditions de sécurité seront réunies et que la préparation logistique le permettra.

Le Conseil exige, dans les 90 jours, la cessation immédiate de la violence en bande organisée et des activités criminelles et se déclare disposé à prendre des mesures appropriées qui pourraient recouvrir le gel des avoirs et l’interdiction de voyager, contre quiconque participerait à la violence en bande organisée et à des activités criminelles ou à des atteintes aux droits humains ou appuierait de tels actes ou agirait de manière à compromettre la paix, la stabilité et la sécurité d’Haïti et de la région.

Le Conseil demande à tous les États d’interdire le transfert des armes légères et de petit calibre et de leurs munitions à des acteurs non étatiques et d’empêcher le trafic et le détournement illicites de ces armes et munitions. À cet égard, il encourage la coopération, notamment par la fourniture et l’échange en temps utile de données actualisées afin de répertorier et de combattre les sources et les chaînes d’approvisionnement du trafic illicite.

Le Conseil prie enfin le Secrétaire général de l’ONU de consulter le gouvernement haïtien, les pays concernés et les organisations régionales au sujet des options envisageables en vue d’un renforcement de l’appui à la sécurité, concernant les efforts faits par la Police nationale d’Haïti pour combattre des niveaux élevés de violence en bande organisée.