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Syrie : plus de 306.000 civils tués en dix ans de conflit, selon l’ONU

Des garçons errent au milieu des décombres des bâtiments détruits à Idlib, en Syrie. (archive)
© UNICEF/Giovanni Diffidenti
Des garçons errent au milieu des décombres des bâtiments détruits à Idlib, en Syrie. (archive)

Syrie : plus de 306.000 civils tués en dix ans de conflit, selon l’ONU

Paix et sécurité

Plus de 306.000 civils ont été tués en dix ans dans le conflit en Syrie, a annoncé mardi le Bureau des droits de l’homme de l’ONU, soulignant que ces chiffres sont le fruit « d’une évaluation rigoureuse et une analyse statistique des données disponibles sur les victimes civiles ».

Au total, il s’agit exactement de 306.887 civils tués entre le 1er mars 2011 et le 31 mars 2021 en Syrie en raison du conflit.

Selon l’ONU, c’est « l’estimation la plus élevée » à ce jour des décès de civils liés au conflit en Syrie. Mais ce bilan inclut les personnes tuées en conséquence directe des opérations de guerre et non celles qui sont mortes par manque de soins de santé ou d’accès à la nourriture ou à l’eau potable.

Les décès civils sont principalement survenus dans des affrontements, embuscades et massacres (35,1%), viennent ensuite les morts dues aux armes lourdes (23,3%), selon l’ONU. « L’impact de l’assassinat de chacun de ces 306.887 civils aurait eu des répercussions profondes sur la famille et la communauté auxquelles ils appartenaient », a déclaré dans un communiqué Michelle Bachelet, Haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme.

83 civils victimes quotidiennement de morts violentes

Le rapport estime également que 306.887 signifie qu’en moyenne, chaque jour, au cours des dix dernières années, 83 civils ont subi des morts violentes en raison du conflit. « Les chiffres des victimes du conflit figurant dans ce rapport ne sont pas simplement une série de chiffres abstraits, mais représentent des êtres humains individuels », a ajouté Mme Bachelet.

Le rapport note que « l’ampleur des pertes civiles au cours des dix dernières années représente le chiffre stupéfiant de 1,5 % de la population totale syrienne au début du conflit ». Cela suscite de « graves inquiétudes » quant au non-respect par les parties au conflit des normes du droit humanitaire international relatives à la protection des civils.

Deux enfants portent de l'eau dans un camp de déplacés à Idlib, en Syrie (photo d'archives).
OCHA/Bilal al Hamoud
Deux enfants portent de l'eau dans un camp de déplacés à Idlib, en Syrie (photo d'archives).

Le rapport, mandaté par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, fait référence à 143.350 décès de civils qui ont été documentés individuellement par diverses sources avec des informations détaillées, comprenant au moins leur nom complet, la date et le lieu du décès. « Et laissez-moi être clair : ce sont les personnes tuées en conséquence directe des opérations de guerre. Cela n’inclut pas les très nombreux autres civils qui sont morts en raison de la perte d’accès aux soins de santé, à la nourriture, à l’eau potable et à d’autres droits de l’homme essentiels, qui restent à évaluer », a souligné Mme Bachelet.

Un processus centré sur la victime et la reddition des comptes

En outre, des techniques d’estimation statistique d’imputation et d’estimation de systèmes multiples ont été utilisées pour établir des rapprochements avec des éléments d’information manquants. Grâce à ces techniques, 163.537 décès civils supplémentaires ont été estimés, ce qui porte le nombre total de décès civils estimés à 306.887.

Pour produire le rapport, le Bureau a utilisé huit sources d’information se rapportant à différentes périodes au cours des dix années couvertes. Il s’agit du Centre d’études des droits de l’homme de Damas, du Centre de statistiques et de recherche sur la Syrie, du Réseau syrien des droits de l’homme, de l’Observatoire syrien des droits de l’homme, du Centre de documentation des violations, des registres de Syria Shuhada, des registres gouvernementaux et des registres du Bureau des droits de l’homme des Nations unies.

« Le processus est centré sur la victime, plaçant les individus, leurs familles et leurs communautés au centre en veillant à ce que les personnes tuées ne soient pas oubliées, et que les informations soient disponibles pour les processus liés à la responsabilité et pour accéder à une série de droits de l’homme », indique le rapport.

La Commission d’enquête lance un document décrivant comment les civils sont tués

De son côté, la Commission d’enquête de l’ONU pour la Syrie lance un document d’orientation spécial décrivant comment les civils ont été attaqués tout au long de la guerre syrienne et proposant une voie à suivre pour prévenir de nouveaux dommages aux civils.

Selon les enquêteurs indépendants onusiens, le gouvernement syrien et les groupes armés non étatiques ont eu recours à des moyens et méthodes de guerre illégaux tout au long du conflit, ce qui a encore exacerbé les souffrances de la population syrienne.

D’une manière générale, les tensions militaires restent élevées sur le territoire syrien, avec des forces gouvernementales, des groupes armés non étatiques, y compris des groupes terroristes désignés par les Nations Unies, et au moins cinq armées étrangères, tous toujours actifs.

La Commission d’enquête avertit que le risque d’une nouvelle escalade exige une attention et des efforts constants pour empêcher la répétition de certaines des pires violations et crimes commis dans l’un des conflits les plus longs et les plus désastreux de ces dernières décennies.

« L’absence de reddition des comptes a encouragé les parties à d’autres conflits à reproduire ce genre de comportement illégal au-delà des frontières de la Syrie », a fait remarquer la Commission, insistant sur l’incapacité à prendre des mesures pour renforcer le respect du cadre juridique international applicable ne peut plus être toléré.

A noter que l’équipe dirigée par Paulo Sergio Pinheiro présentera, demain mercredi, son rapport oral au Conseil des droits de l’homme sur les dernières violations en Syrie, suivi d’un dialogue interactif avec les États Membres.