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La trêve au Yémen tient, mais des mesures sont nécessaires pour une mise en œuvre intégrale, selon l’ONU

Une famille partage un repas au Yémen avec de la nourriture par le PAM.
© WFP/Saleh Hayyan
Une famille partage un repas au Yémen avec de la nourriture par le PAM.

La trêve au Yémen tient, mais des mesures sont nécessaires pour une mise en œuvre intégrale, selon l’ONU

Paix et sécurité

La trêve entre le gouvernement et les rebelles houthis au Yémen tient depuis plus de deux mois et a entraîné une réduction des combats, s’est félicité mardi l’envoyé de l’ONU dans ce pays devant Conseil de sécurité.

Il a toutefois jugé que des mesures sont nécessaires pour une mise en œuvre intégrale de la trêve qui a été récemment renouvelée pour deux mois supplémentaires et pour répondre aux besoins humanitaires croissants et à l'insécurité.

« La trêve tient maintenant au Yémen depuis deux mois et demi, quelque chose de sans précédent pendant cette guerre, et quelque chose qui semblait inimaginable au début de cette année », a déclaré Hans Grundberg, Envoyé spécial de l'ONU pour le pays, saluant les parties prenantes.

Réduction des combats

Il n'y a eu aucune frappe aérienne confirmée au Yémen, ni aucune attaque transfrontalière émanant du pays, depuis que la trêve a été annoncée pour la première fois en avril. Les pertes civiles ont également connu une « réduction significative », a-t-il rapporté.

Cependant, les victimes des mines terrestres et des munitions non explosées augmentent à mesure que les gens s'aventurent dans des zones contaminées qui étaient auparavant inaccessibles.

Malgré la réduction globale des combats, l'ONU continue également de recevoir des informations faisant état de violations présumées des deux parties, notamment des bombardements, des attaques de drones, des survols de reconnaissance et le redéploiement des forces.

Des affrontements armés ont également été signalés, principalement dans les gouvernorats de Ma'rib, Taiz et Hodeïda.

Un comité de coordination militaire composé de représentants des deux parties et des forces de la coalition soutenant le gouvernement se réunira tous les mois pour régler les problèmes en temps opportun.

Hans Grundberg, Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, devant le Conseil de sécurité.
Photo ONU/Eskinder Debebe
Hans Grundberg, Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, devant le Conseil de sécurité.

Réouverture de l'aéroport de Sanaa

Après six ans de fermeture, des vols commerciaux ont décollé de l'aéroport de la capitale, Sanaa, vers Amman, en Jordanie, et Le Caire, en Égypte. Le carburant a également continué à circuler régulièrement dans le port crucial de Hodeïda.

Plus de 480.000 tonnes de carburant ont passé les douanes du port en avril et mai – plus que la quantité qui est entrée pendant toute l'année 2021.

« La livraison régulière de carburant a allégé la pression sur les services vitaux, réduit considérablement les files d'attente dans les stations-service des rues de Sanaa et a permis aux Yéménites de voyager plus facilement dans tout le pays », a déclaré M. Grundberg.

Une question cruciale en suspens est l'ouverture des routes vers Taiz et d'autres gouvernorats. Les routes actuellement ouvertes sont « longues et ardues », a-t-il dit, rappelant un trajet de six heures d'Aden à la ville de Taiz qui aurait pris la moitié du temps avant le conflit de sept ans entre les forces rebelles houthies et le gouvernement internationalement reconnu.

Réouvrir les routes

À la suite d'une réunion à Amman avec les deux parties, l'envoyé de l'ONU a présenté une proposition sur la réouverture progressive des routes qui comprend également un mécanisme de mise en œuvre et des engagements en faveur de la sécurité des voyageurs civils. Il a reçu une « réponse positive » du gouvernement et attend une réponse des Houthis, officiellement connus sous le nom de mouvement Ansar Allah.

M. Grundberg a averti que les dernières semaines ont révélé la fragilité de la trêve et que retarder sa mise en œuvre complète pourrait entraîner l'échec de l'accord.

« Recourir aux transactions, menacer de conditionner la mise en œuvre d'un élément de la trêve contre un autre et utiliser une rhétorique médiatique d'escalade, fragilise la trêve. Il appartient en fin de compte aux parties de préserver la trêve et de tenir sa promesse au profit des Yéménites », a-t-il déclaré.

La mise en œuvre a également soulevé « des questions plus controversées avec des implications politiques », par exemple autour de la gestion des revenus, du paiement des salaires du secteur civil, des documents de voyage et d'un cessez-le-feu plus durable.

M. Grundberg a déclaré au Conseil qu'il avancera sur deux fronts au cours des prochaines semaines. Il travaillera avec les parties à la mise en œuvre intégrale de la trêve et à des solutions plus durables aux problèmes économiques et de sécurité urgents du pays, soulignant la nécessité du soutien continu du Conseil.

« C'est cependant aux parties en fin de compte de saisir cette opportunité, de négocier de bonne foi et de faire les compromis nécessaires pour le bénéfice du Yémen dans son ensemble. La trêve offre une rare opportunité de pivoter vers la paix qui ne doit pas être perdue », a-t-il déclaré.

Ghada Mudawi, Directrice adjointe des opérations au Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires.
Nations Unies
Ghada Mudawi, Directrice adjointe des opérations au Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires.

Les besoins humanitaires augmentent

Ghada Mudawi, un haut responsable de la branche humanitaire de l'ONU, OCHA, a également exhorté le Conseil à répondre aux besoins criants dans un pays où 19 millions de personnes souffrent de la faim, dont plus de 160.000 sont au bord de la famine.

« La crise humanitaire au Yémen reste aussi grave aujourd'hui qu'elle l'était avant la trêve. En fait, la crise pourrait bientôt s'aggraver. Permettre que cela se produise irait à l'encontre de l'élan que la trêve a généré et pourrait saper les perspectives de progrès supplémentaires », a-t-elle déclaré.

Les Yéménites subissent la flambée des prix des denrées alimentaires résultant de la guerre de la Russie en Ukraine, et la dépréciation de la monnaie a aggravé la situation, tandis que d'énormes lacunes persistent dans des services tels que l'eau, la santé et l'éducation. Plus de quatre millions de Yéménites ont été déracinés, dont plus de 7.000 qui ont fui au cours des deux derniers mois.

« Les déplacements pendant la période de trêve étaient principalement dus aux personnes à la recherche d'un emploi et d'une alimentation adéquate. Les gens ont également fui en raison des affrontements dans certaines régions malgré la trêve. Nous espérons que la trêve prolongée verra une fin plus complète des combats, y compris des affrontements localisés », a déclaré Mme Mudawi, Directrice par intérim de la division des opérations et du plaidoyer d'OCHA.

Dans le même temps, les agences d'aide sont également confrontées à des contraintes d'accès au Yémen. Il y a en fait eu plus de restrictions sur leurs déplacements ces derniers mois, principalement en raison de réglementations émises par les autorités locales dans plusieurs régions.

L'insécurité est une autre préoccupation pour les humanitaires car les tentatives de détournements de voiture, d'enlèvements et autres attaques se multiplient, les forçant parfois à suspendre leurs opérations. L'ONU a appelé à la libération immédiate de deux employés arrêtés et détenus en novembre dernier à Sanaa, qui est contrôlée par les Houthis, et de cinq employés enlevés dans le gouvernorat d'Abyan en février.

Au milieu de ces défis, les humanitaires continuent de fournir une aide à 11 millions de personnes à travers le Yémen chaque mois, mais le plan de réponse de l'ONU est actuellement sous-financé - une autre menace majeure qui a entraîné une réduction de l'aide alimentaire et une réduction de nombreux programmes essentiels.