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Myanmar : des experts de l’ONU s’alarment de la décision de la junte de procéder à des exécutions

Des manifestants contre le coup d'Etat militaire au Myanmar.
Unsplash/Pyae Sone Htun
Des manifestants contre le coup d'Etat militaire au Myanmar.

Myanmar : des experts de l’ONU s’alarment de la décision de la junte de procéder à des exécutions

Droits de l'homme

La décision annoncée par la junte du Myanmar d’appliquer des condamnations à mort à l’encontre de quatre personnes, dont deux militants de premier plan, marque le début de ce qui pourrait être une série de condamnations à mort, surtout en l’absence d’une augmentation de la pression internationale sur le régime militaire, ont averti vendredi deux experts des Nations Unies.

La junte militaire au pouvoir au Myanmar a annoncé le 3 juin son intention de procéder aux exécutions de quatre hommes condamnés à mort lors de procès à huis clos manifestement injustes, et dont les appels ont été rejetés.

L’activiste Kyaw Min Yu, connu sous le nom de « Ko Jimmy », et l’ex-député de l’opposition Phyo Zeya Thaw ont été condamnés à mort le 21 janvier dernier par un tribunal militaire, en vertu de la loi antiterroriste en vigueur depuis 2014 dans ce pays.

Si les exécutions ont lieu, il s’agira des premières exécutions judiciaires au Myanmar depuis 1988.

« La décision annoncée par la junte d’exécuter les militants illustre la manière dont les militaires cherchent à utiliser tous les appareils de l’État pour persécuter ceux qui s’opposent à leur tentative de ramener le Myanmar à un régime militaire autoritaire », ont déclaré dans un communiqué Thomas Andrews, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, et Morris Tidball-Binz, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires.

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Plus de 114 personnes condamnée à mort dont 41 par contumace depuis février 2021

Les quatre personnes ont été jugées et condamnées par des tribunaux militaires, et n’auraient pas eu accès à un avocat lors des appels rejetés - en violation du droit international relatif aux droits humains.

Selon les experts indépendants onusiens, l’application de la peine de mort s’accompagnait d’exécutions extrajudiciaires de civils par l’armée, dont le nombre est actuellement estimé à près de 2.000.

A noter que l’ordonnance de loi martiale 3/2021, décrétée par la junte du Myanmar en mars 2021, prévoit l’application de la peine de mort pour 23 infractions vagues et largement définies.

Plus particulièrement, l’ordonnance prévoit que la peine de mort peut être appliquée pour des dispositions de trahison, ce qui signifie en pratique toute critique de l’armée.

Depuis le coup d’État militaire de février 2021, des tribunaux militaires du Myanmar ont condamné à mort 114 personnes, dont 41 par contumace.

« Le pouce de la junte est fermement placé sur la balance de la justice »

Or dans le Myanmar d’aujourd’hui, « les garanties de procès équitable et de procédure régulière n’existent tout simplement pas ». « Le pouce de la junte est fermement placé sur la balance de la justice et, dans ces circonstances, l’imposition et l’application de la peine de mort sont particulièrement odieuses », ont-ils fustigé.

Face à l’augmentation des violations des droits de l’homme, les experts ont exhorté la communauté internationale à exercer une pression accrue sur l’armée du Myanmar. Faute de quoi, il faut s’attendre « à un nombre croissant de ces condamnations à mort prononcées par la junte ».

Pour les deux experts, la communauté internationale - principalement les États membres et le Conseil de sécurité - doit montrer que ces actions ne resteront pas impunies et faire davantage pour cibler les besoins de l’armée en argent, en armes et en légitimité.

« Le monde ne doit pas perdre de vue que ces condamnations à mort sont prononcées dans un contexte où l’armée assassine des civils presque chaque jour dans le cadre de son attaque généralisée et systématique contre le peuple du Myanmar », ont conclu les experts.

L’ONU condamne le meurtre d’un employé de l’OMS au Myanmar et demande une « enquête impartiale »

L’ONU a dénoncé hier jeudi le meurtre d’un membre du personnel de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans l’est du Myanmar, le dernier en date d’une série de meurtres qui ont mis en évidence l’agitation du pays depuis le coup d’État de février dernier.

Selon l’ONU, Myo Min Htut a été abattu alors qu’il circulait à vélo sur Thanlwin Uyin Road le 8 juin. Elle ajoute que le défunt a travaillé pour l’OMS en tant que chauffeur pendant près de cinq ans et que la raison exacte de son assassinat n’est toujours pas claire.

Le Coordonnateur résident et Coordonnateur humanitaire, Ramanathan Balakrishnan, a indiqué aujourd’hui que l’équipe de pays des Nations Unies au Myanmar est profondément attristée par la mort de Myo Min Htut, chauffeur de l'OMS pendant près de cinq ans.  

Dans une déclaration, il a appelé toutes les parties à respecter la neutralité de l’ONU et des agents humanitaires. Il dit compter sur une enquête impartiale et la traduction en justice des auteurs de l’incident. M. Balakrishnan a ajouté que durant ces temps difficiles, l’équipe des Nations Unies est toujours présente et fournit un appui humanitaire et au développement essentiel, au profit du peuple du Myanmar.

NOTE : 

Le mandat de l'Expert indépendant sur la protection contre la violence et la discrimination fondées sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre compte parmi les 45 « procédures spéciales » nommées par le Conseil des droits de l’homme pour l’aider à accomplir ses tâches dans des domaines aussi divers que la défense des droits des personnes d’ascendance africaine, la lutte contre la discrimination envers les femmes et les filles, ou encore les droits des migrants et la lutte contre l’extrême pauvreté. Les titulaires des mandats – Rapporteurs spéciaux, Experts indépendants et membres de groupes de travail, considérés comme « les yeux et les oreilles » du Conseil – rendent compte de la situation des droits de l’homme et donnent des conseils en la matière du point de vue d’un thème ou d’un pays particulier. Ils ne font pas partie du personnel des Nations Unies et ne reçoivent pas de salaire.