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Syrie : il faut poursuivre l'aide humanitaire via le seul poste frontière autorisé (Commission d'enquête)

Un camp de déplacés dans la province d'Idlib, dans le nord-ouest de la Syrie.
OCHA
Un camp de déplacés dans la province d'Idlib, dans le nord-ouest de la Syrie.

Syrie : il faut poursuivre l'aide humanitaire via le seul poste frontière autorisé (Commission d'enquête)

Aide humanitaire

C’est actuellement le seul poste frontière par lequel l’ONU et les autres organismes humanitaires peuvent acheminer de l’aide dans le nord-ouest de la Syrie : Bab al-Hawa offre un lien entre la province d’Idlib et la Turquie. Mais la résolution onusienne permettant son utilisation par les agences onusiennes arrive à expiration ce 10 juillet.

La Commission d’enquête des Nations Unies sur la Syrie a averti ce jeudi que ce serait un échec de premier ordre si le Conseil de sécurité n’étendait pas l’aide transfrontalière actuelle à la Syrie.

« Il est inadmissible d’envisager la fermeture du dernier poste frontalier alors que les besoins sont les plus importants », ont alerté dans un communiqué les enquêteurs onusiens.

La semaine dernière, les membres du Conseil de sécurité ont exprimé de manière inquiétante des points de vue opposés sur la nécessité de prolonger cette autorisation, qui garantit l’accès à une aide désespérément nécessaire à des millions de Syriens depuis 2014. Une situation qui intervient alors que le pays est confronté à sa « pire crise économique et humanitaire » depuis le début du conflit.

Trois passages frontaliers exclus du champ d’application de la résolution depuis 2020

Pour la Commission, la communauté internationale doit préserver l’aide transfrontalière existante, qui permet de sauver des vies.

« C’est une abomination morale qu’une résolution du Conseil de sécurité ait été en soi jugée nécessaire pour faciliter l’aide transfrontalière face à des violations constantes - par le gouvernement syrien et d’autres parties - de leurs obligations en vertu du droit international d’autoriser et de faciliter l’aide humanitaire pour les civils dans le besoin », a déclaré dans un communiqué, Paulo Pinheiro, Président de la Commission d’enquête de l’ONU sur la Syrie.

Les enquêteurs onusiens ont également souligné la « trajectoire alarmante du rétrécissement constant de l’acheminement transfrontalier de l’aide humanitaire ». Le Conseil de sécurité a d’abord adopté une résolution en 2014, autorisant l’acheminement de l’aide dans le nord de la Syrie par quatre points de passage frontaliers, même sans le consentement du gouvernement syrien.

Depuis 2020, trois passages ont été exclus du champ d’application de la résolution, laissant Bab al-Hawa comme seul passage frontalier autorisé restant. « Il est inadmissible que la discussion semble se concentrer sur la question de savoir s’il faut fermer le dernier point de passage autorisé pour l’aide, plutôt que sur la manière d’élargir l’accès à l’aide vitale à travers le pays et par toutes les voies appropriées », a fait valoir l’un des membres de la Commission, Hanny Megally.

Des responsables humanitaires de l'ONU arrivent de Turquie dans la province syrienne d'Idlib pour évaluer les besoins des communautés déplacées (photo d'archives).
OCHA
Des responsables humanitaires de l'ONU arrivent de Turquie dans la province syrienne d'Idlib pour évaluer les besoins des communautés déplacées (photo d'archives).

12 millions de personnes confrontées à une insécurité alimentaire aiguë

« Tous les obstacles à l’aide humanitaire doivent être levés. Cela inclut ceux causés par les sanctions, même si ce n’est pas intentionnel », a plaidé pour sa part Lynn Welchman.

Le vote du Conseil de sécurité intervient alors que les besoins humanitaires dans toute la Syrie sont à leur plus haut niveau depuis le début du conflit dévastateur qui dure depuis 11 ans. Selon l’ONU, 14,6 millions de Syriens dépendent désormais de l’aide humanitaire, soit le chiffre le plus élevé jamais enregistré. Dans toute la Syrie, 12 millions de personnes sont confrontées à une insécurité alimentaire aiguë - une augmentation stupéfiante de 51% depuis 2019.

Dans le nord-ouest de la Syrie, dans ces zones encore contrôlées par les groupes d’opposition, les conditions humanitaires se détériorent en raison des hostilités en cours et d’une crise économique qui s’aggrave. Plus de 4 millions de personnes dont 80 % d’entre elles sont des femmes et des enfants, y dépendent de l’aide.

L’impact diplomatique et socio-économique du conflit ukrainien

Grâce aux opérations transfrontalières autorisées par le Conseil de sécurité, l’aide parvient à environ 2,4 millions d’entre elles chaque mois. Selon les enquêteurs onusiens, cette ligne de vie est vitale pour la population du nord-ouest de la Syrie.

Sur un autre plan, Paulo Pinheiro et son équipe s’inquiètent de l’impact du conflit ukrainien en Syrie. Tout en portant atteinte aux « relations diplomatiques et aux canaux de communication sur la Syrie au sein du Conseil de sécurité », il est également à l’origine de difficultés économiques sans précédent pour la Syrie et son peuple.

Les enquêteurs onusiens font ainsi état d’une montée en flèche des prix, mais aussi des pénuries de blé et d’autres produits de base. « La hausse rapide du chômage plonge des pans de plus en plus importants de la population dans une pauvreté abjecte », ont-ils fait valoir, regrettant par ailleurs le déficit de financement des opérations humanitaires en Syrie.

« La communauté internationale ne peut pas maintenant abandonner le peuple syrien. Ils ont enduré 11 ans d’un conflit dévastateur qui leur a infligé des souffrances indicibles. Ils n’ont jamais été aussi appauvris et ont besoin de notre aide », a conclu M. Pinheiro.