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Ukraine : une enquête des droits de l'homme de l'ONU met en lumière la détresse des civils 

Une femme récupère des biens dans sa maison bombardée dans le village de Novoselivka, près de Tchernihiv, en Ukraine.
PNUD Ukraine/Oleksandr Ratushnia
Une femme récupère des biens dans sa maison bombardée dans le village de Novoselivka, près de Tchernihiv, en Ukraine.

Ukraine : une enquête des droits de l'homme de l'ONU met en lumière la détresse des civils 

Droits de l'homme

Près de 76 jours après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, d'innombrables civils restent pris dans l'horreur et la destruction de la guerre, ont déclaré mardi des enquêteurs des droits de l'homme de l'ONU.

La Mission de surveillance des droits de l'homme des Nations Unies en Ukraine a confirmé que plus de 3.380 civils ont été tués depuis le 24 février, et plus de 3.680 blessés.

« Nous avons entendu parler de tireurs d'élite sur les toits qui tiraient au hasard sur les civils lorsqu'ils traversaient la route. Je suppose que c'était une façon de garder les gens chez eux et de les décourager de sortir », a déclaré la cheffe de la mission, Matilda Bogner. 

Exécutions sommaires

Une fois que les observateurs des droits de l'homme pourront accéder en toute sécurité aux sites de la ligne de front, le nombre réel de victimes devrait s'élever à plusieurs milliers, notamment dans la ville portuaire dévastée de Marioupol, dans le sud du pays, a ajouté Mme Bogner.

« Lors de ma récente visite dans des villes au nord de Kyïv, nous avons documenté un certain nombre de cas de violences sexuelles. Dans une ville [...] une femme a été violée et tuée, prétendument par un soldat russe. Le même soldat a ensuite tenté de violer sa voisine. Le mari de cette femme est intervenu mais a été abattu par le soldat. Il est mort par la suite », a dit la cheffe de mission.

À Boutcha et dans d'autres villes de banlieue au nord de la capitale, qui ont été envahies par les troupes russes, les enquêteurs des droits de l'homme ont enregistré le meurtre illégal de plus de 300 hommes, femmes et enfants.

« Il s'agit notamment d'exécutions sommaires et de personnes abattues soit dans des véhicules, soit en traversant des routes, etc », a déclaré Mme Bogner.

Boutcha a fait l'objet d'une attention internationale au début du mois d'avril, après que des images ont montré des corps de civils étendus dans la rue, certains avec les mains attachées dans le dos.

Dormir debout

Avant de s'adresser aux journalistes à Genève, Mme Bogner et son équipe ont passé la semaine dernière à visiter 14 villes des régions de Kyïv et de Tchernihiv qui ont été occupées par les forces armées russes jusqu'à la fin du mois de mars.

« Les gens nous ont parlé de parents, de voisins et d'amis tués, blessés, détenus et disparus », a-t-elle déclaré.

« À Makariv (oblast de Kyïv), une famille de cinq personnes a été prise pour cible par les forces armées russes alors qu'elle tentait de partir en voiture avec ses voisins. Malheureusement, seuls deux d'entre eux ont survécu », a partagé la défenseure des droits de l’homme.

Dans le village de Yahidne, dans la région de Chernihiv, au centre de l'Ukraine, Mme Bogner a décrit sa rencontre avec un homme de 70 ans, qui avait passé 24 jours à s'abriter dans le sous-sol d'une école. 

« Il nous a dit, les larmes aux yeux, qu'il partageait une pièce de 76 mètres carrés avec 138 personnes, dont la plus jeune n'avait que deux mois. L'espace était si encombré qu'il devait dormir debout et s'attachait donc à des rails en bois pour ne pas tomber », a-t-elle raconté.

Matilda Bogner, cheffe de la mission de surveillance des droits de l'homme en Ukraine, à l'ONU à Genève.
ONU Genève/Siyao Yang
Matilda Bogner, cheffe de la mission de surveillance des droits de l'homme en Ukraine, à l'ONU à Genève.

Recherche des disparus

De nombreux Ukrainiens continuent de rechercher des parents et des amis disparus - principalement des jeunes hommes - dont certains pourraient avoir été emmenés au Bélarus puis en Russie, a indiqué la responsable de l'ONU. 

Elle a également pris note des informations crédibles reçues sur la torture, les mauvais traitements et la détention de soldats ukrainiens par les forces armées russes et les groupes affiliés.

Le nombre élevé de victimes non-combattantes et la destruction massive d'infrastructures civiles indiquent clairement que les attaques sont menées sans discrimination, ce qui constitue une violation des règles de la guerre, a affirmé Mme Bogner. 

Elle a noté que des écoles, des hôpitaux, des maisons privées et des immeubles résidentiels à plusieurs étages avaient été détruits et que des centaines d'établissements scolaires et médicaux avaient été endommagés ou rasés.

« Dans de nombreuses régions, les forces armées des deux camps ont utilisé les écoles comme bases et ont placé des équipements militaires lourds dans les environs », a ajouté la responsable des droits de l'homme.

Prochaine session spéciale sur les droits de l'homme

Les commentaires de Mme Bogner ont été faits avant une session spéciale du Conseil des droits de l'homme sur l'Ukraine, prévue jeudi à Genève.

Le Conseil a convoqué 34 sessions spéciales à ce jour.

Lors d'un débat d'urgence sur l'invasion de l'Ukraine par la Russie au cours de la dernière session ordinaire, les membres ont décidé de créer une commission d'enquête internationale indépendante chargée d'enquêter sur toutes les violations présumées des droits de l'homme entourant cette agression.