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Alors que les écoles rouvrent lentement dans certaines régions d'Afghanistan, il est important de veiller à ce que les filles et les garçons puissent y retourner en toute sécurité.

En marge de l’Assemblée de l'ONU, des pays se demandent comment continuer à soutenir les femmes et filles afghanes

© UNICEF
Alors que les écoles rouvrent lentement dans certaines régions d'Afghanistan, il est important de veiller à ce que les filles et les garçons puissent y retourner en toute sécurité.

En marge de l’Assemblée de l'ONU, des pays se demandent comment continuer à soutenir les femmes et filles afghanes

Femmes

Depuis que les Talibans ont pris le pouvoir en Afghanistan le mois dernier, ils se sont engagés à respecter les droits humains, mais leurs actions « contredisent tristement » ces promesses, a déclaré mardi la cheffe des droits de l'homme des Nations Unies lors d'un événement en marge du débat général annuel à l'Assemblée générale.

L’événement ministériel, organisé par l’Italie avec plusieurs autres pays et organisations, avait pour objectif d’évaluer la situation sur le terrain, ainsi que les principaux défis et risques auxquels sont actuellement confrontées les femmes et les filles afghanes, afin de déterminer comment la communauté internationale peut répondre a leurs besoins immédiats et à moyen terme.

La réunion visait également la sauvegarde des acquis des deux dernières décennies qui ont vu le taux d’alphabétisme des femmes afghanes tripler et leur espérance de vie augmenter de 9 ans.

La cheffe des droits de l'homme, Michelle Bachelet, a indiqué que les femmes ont été récemment « progressivement exclues de la sphère publique », qu'il leur est par endroit interdit de paraître sans un tuteur masculin et que leur droit au travail est de plus en plus restreint.

« Le ministère qui promouvait autrefois les droits des femmes a été dissous et ses locaux ont été repris par un ministère de la propagation de la vertu et de la prévention du vice - un bureau exclusivement masculin qui appliquera des directives sur les tenues et les comportements appropriés », a déclaré la Haut-Commissaire aux droits de l'homme.

En outre, les Talibans ont démantelé de nombreux autres anciens bureaux gouvernementaux chargés des affaires féminines, accédant à des dossiers sensibles, menaçant le personnel et accusant les groupes de femmes de la société civile de diffuser des idées « anti-islamiques », a-t-elle précisé.

Dans tout l'Afghanistan, l'éducation des enfants est interrompue depuis maintenant deux années scolaires à cause de la pandémie de Covid-19
UNICEF/Sayed Bidel
Dans tout l'Afghanistan, l'éducation des enfants est interrompue depuis maintenant deux années scolaires à cause de la pandémie de Covid-19

Une crainte réelle et palpable chez les femmes afghanes d'un retour à la répression brutale

« Il existe une crainte réelle et palpable chez les femmes afghanes d'un retour à la répression brutale et systémique des femmes et des filles par les Talibans dans les années 1990 », a déclaré la haute responsable. Une possibilité inacceptable, selon elle.

Mme Bachelet a souligné que ces droits font partie de l'évolution de la société afghane et sont indispensables au développement et à la croissance économique du pays, soulignant que les femmes et les jeunes filles représentant la moitié de la population afghane, le pays bénéficierait de l'utilisation de leurs talents et de leurs capacités.

La Haut-Commissaire a déclaré que « d'abord et avant tout », les femmes et les filles doivent avoir un accès total et égal aux services essentiels, notamment aux soins de santé et à l'éducation, pouvoir travailler dans tous les secteurs de l'économie, être libres de se déplacer sans restriction et vivre à l'abri de toute violence liée au genre.

Des propos largement partagés par divers hauts responsables onusiens, dont la Directrice par interim d’ONU Femmes, Pramila Patten, la Directrice exécutive de l’UNICEF, Henrietta Fore, et la Sous-Directrice de l’UNESCO pour l’éducation, Stefania Giannini, qui ont participé à l’événement et rendu compte de la situation.

Des droits humains fondamentaux et inaliénables

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Parmi les ministres à se prononcer face à la situation, le ministre des Affaires étrangères de la France, Jean Yves Le Drian, a évoqué une responsabilité « double ».

Les droits conquis par les Afghanes au cours de ces deux dernières décennies « sont des droits humains fondamentaux et pour cette raison, ils sont inaliénables et doivent impérativement être respectés », a affirmé M. Le Drian, soulignant qu’il fallait en faire une exigence.

« Nous devons d'abord être intraitables sur le sens même de ces droits et la nature des obligations qui en découlent, en dénonçant les équivoques de la propagande taleb », a dit le ministre français, précisant que les droits des femmes et des filles, sont les droits tels qu'ils sont spécifiés dans le droit international et dans beaucoup de conventions signées par le gouvernement afghan « et nous ne saurions transiger sur ce sujet ».

Deuxièmement, nous devons tout faire pour accompagner et soutenir les femmes et les filles d'Afghanistan dans la crise humanitaire que traverse leur pays, a ajouté M. Le Drian, évoquant la contribution de 100 millions d'euros annoncée par la France pour lutter contre la crise humanitaire afghane. 

« Nous devons aussi accompagner [les femmes et filles afghanes] qui partent. Celles qui ont trouvé refuge dans un pays voisin de l’Afghanistan. Celles qui demandent l’asile, par exemple, en France ou en Europe. Celles qui demandent d’être accueillies dans nos universités. Ce serait notre honneur de le faire », a continué M. Le Drian.

Ne vous laissez pas tromper par les masques des Talibans

« Ne vous laissez pas tromper par les masques que portent les Talibans devant les médias », a pour sa part décrié l’activiste afghane et rappeuse Sonita Alizadeh, qui a échappé au mariage forcé à l’âge de 16 ans.

Selon elle, en un mois seulement les Talibans ont violé les 30 articles de la Déclaration universelle des droits de l'homme « remplissant les prisons vidées des meurtriers et des violeurs avec des chanteurs, des peintres, des traducteurs, des journalistes et des enseignants ».

Elle a appelé la communauté internationale à prendre cinq actions : ne pas reconnaitre les Talibans, garantir les droits des femmes et des enfants, faire en sorte que le peuple afghan ait accès à l'Internet, inviter davantage d'Afghans à s'asseoir à la table où se prennent les décisions et assurer la scolarisation des filles « Sinon août 2021 marquera le début d'une nouvelle génération d'analphabétisme et de pauvreté ».

« Rappelez-vous qu'hier les Talibans ont interdit aux femmes de travailler, sauf pour nettoyer les salles de bain pour femmes ; aujourd'hui, ils ont interdit aux filles d'aller à l'école ; et demain, ils essaieront de fermer l'Internet pour que le peuple afghan n'y ait pas accès et pour que le monde n’entende pas les cris des petites filles qui se font enlever », a averti la jeune activiste rescapée.

« Il semble que nous savons tous ce qui doit être fait. Mais la question est de savoir qui va agir aujourd'hui ? », a conclu Sonita.