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Une vue aérienne montre la peinture géante éphémère biodégradable de 11.000 mètres carrés intitulée

Inauguration d'une fresque géante de Saype à l'ONU, pour inspirer les dirigeants du monde à construire un monde meilleur

Valentin Flauraud pour Saype
Une vue aérienne montre la peinture géante éphémère biodégradable de 11.000 mètres carrés intitulée

Inauguration d'une fresque géante de Saype à l'ONU, pour inspirer les dirigeants du monde à construire un monde meilleur

À l’ONU

À quelques jours du débat général des Nations Unies, une gigantesque fresque éphémère de l'artiste suisse Saype a été inaugurée samedi au Siège de l'Organisation à New York, en présence du Secrétaire général, António Guterres, et du ministre suisse des Affaires étrangères, Ignazio Cassis. 

L'œuvre, qui mesure 11.000 mètres carrés et qui s'intitule « World in Progress II » [Le monde en marche II], montre deux enfants qui construisent ensemble leur monde idéal. On ne les perçoit qu’avec beaucoup de recul, voir d’une vue aérienne. La peinture renvoie au premier chapitre de la fresque, « World in Progress I », réalisée en juin 2020 au Palais des Nations à Genève.

Selon António Guterres, tant l’échelle ‘monumentale’, comme le sujet, l’impermanence et la biodégradabilité de la peinture sur la grande pelouse de l’ONU, en font une œuvre « parfaitement adaptée à notre époque et à notre lieu ».  

« Notre mission aux Nations Unies va également bien au-delà de ce que nous voyons autour de nous. La plupart des choses sont hors de notre vue. Notre travail est multilatéral et multigénérationnel. Et chacun d'entre nous joue un rôle essentiel dans la création de l'ensemble », a fait valoir le chef de l’ONU.

« Les enfants représentés dans « World in Progress II » dessinent notre avenir commun. Le débat général de cette année reprendra ce thème, en se concentrant sur le monde que nous construisons ensemble », a ajouté M. Guterres, rappelant que le nouveau Programme commun qu’il a lancé cette semaine propose aux décideurs de nouvelles façons de mieux servir les jeunes et les générations futures. 

Né sous le nom de Guillaume Legros, l'artiste « Saype »,  dont le nom est un jeu de mots sur les mots anglais « Say » [dites] et  « Peace » [paix], a été reconnu par Forbes comme l'un des trente jeunes les plus influents du monde en 2019.

Pour en savoir plus sur l’œuvre et l’artiste, ONU Info a tendu son micro à Saype. Entretien édité.

Une vue aérienne de la peinture éphémère géante
Valentin Flauraud pour Saype
Une vue aérienne de la peinture éphémère géante

ONU Info : Saype, qu’êtes-vous venu faire ici au Siège de l'ONU à New York, à l’avant-veille de l'ouverture de l'Assemblée générale ?

Saype : Je suis connu pour avoir inventé un procédé de peinture éco-responsable qui me permet de peindre de gigantesques fresques directement au sol, qui sont relativement réalistes je dirais. Donc, parfois on donne un peu l'illusion que ce sont des énormes choses qui sont posées en ville et puis généralement j'essaie de passer des messages avec ça.  

Ici, je suis invité pour deux choses : par la Suisse, pour représenter la Suisse qui est candidate au Conseil de sécurité de l'ONU et pour le lancement du « Common Agenda » [Programme commun ] que le Secrétaire général a lancé.

ONU Info : Qu’avez-vous peint sur la pelouse de l'ONU ? 

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Saype : J'ai peint deux enfants qui construisent leur monde idéal. Mais pour comprendre l'œuvre qui est ici, il faut comprendre un peu toute l'histoire et l'histoire a débuté à Genève l'année dernière, lorsque j'ai eu la chance d'être invité pour les 75ans de la création de l'ONU, au Siège européen de l'ONU, à Genève.

Là-bas, j’avais peint deux enfants qui dessinaient à la craie leur monde idéal. Il y avait une farandole universelle. Les humains, les animaux et la nature étaient intimement liés et créaient ce monde idéal. Et ici, de ces dessins qui sont planifiés à Genève, ils se mettent à les construire en 3D, avec des Origami.

On a au centre une colombe qui symbolise la paix.  L'idée de fond, finalement, c'est de dire que, de un, en parlant des enfants on se demande quelle responsabilité on a vis-à-vis d’eux; et de deux, c’est eux qui auront le monde de demain entre leurs mains et cette farandole universelle, pour moi, elle signifie qu'on doit apprendre vraiment à vivre ensemble dans un monde qui est en plus hyper connecté.  

Toutes les solutions,à mon avis, que l'on doit trouver sont communes dans le respect de la nature avec cette idée de garder la paix au centre de tout ce travail.  

ONU Info :  Parlons un peu du côté technique, vous avez parlé de peinture durable ?

Saype : La peinture que j'utilise est éco-responsable et en fait on doit d'ailleurs la préparer sur place. C'est l’une des technicités de mon travail. C’est le procédé que j'ai inventé.

J'ai passé plus d'une année à trouver des pigments qui soient éco responsables et puis un procédé qui fait que la peinture finalement fixe suffisamment sur l'herbe pour ne pas que, quand il pleuve, la fresque disparaisse mais qu’elle disparaisse quand même. C'est assez éphémère. 

ONU Info : Elle dure combien de temps ? 

Saype : Je pense que dans 2 semaines il n'y aura plus rien. C'est la repousse de l'herbe, finalement, qui fait que l'œuvre disparaît, plus que la pluie. Comme ça pousse assez vite, dans 2 semaines il n’y aura plus rien. 

ONU Info : En tant qu'artiste, vous êtes passé des murs de métro à des fresques sur des pelouses, qu'est-ce qui vous a fait évoluer en ce sens ? 

Saype : Je dirais que le déclic, ça a été, l'impression que mes graffitis ou mes fresques murales, n’impactent pas les gens comme j'aurais aimé. C'est à dire que j'ai l'impression qu'on est tellement pollué par, justement, de la pollution visuelle partout, que finalement personne ne regardait mes fresques, ou pas suffisamment à mon goût.

Je crois que c'est le sens même de l'art, de capter l'attention pour passer des messages ou des émotions. Et comme je vivais à la campagne et je lisais beaucoup de littérature autour de l'écologie, je me suis dit « tiens, je vais peindre sur l'herbe ». J'avais la chance justement d'être entouré de champs et c'est le moment où les drones arrivent en Europe et démocratisent les vues aériennes.

Donc j'ai mélangé un peu tout ça et je me suis dit « tiens, je vais peindre sur l’herbe et on va voir ce que ça donne.

L'artiste franco-suisse Saype (Guillaume Legros) travaille sur sa peinture géante éphémère.
Valentin Flauraud pour Saype
L'artiste franco-suisse Saype (Guillaume Legros) travaille sur sa peinture géante éphémère.

ONU Info : Comment faites-vous justement pour faire un dessin et le transposer sur un espace aussi grand ?

Saype : C'est marrant parce que souvent ce qui fascine les gens, c'est purement le côté technique, alors que moi je la plus grosse difficulté généralement, c'est déjà qu'est-ce que je raconte et comment j’intègre mon œuvre dans l'espace qui l'entoure ?

Ici c'est urbain, mais parfois c'est la nature. Parce que je cherche vraiment faire interagir l'œuvre avec son paysage et voir avec l'histoire du lieu. Ici c'est un peu les deux : c'est la symbolique que représente le lieu et du coup c'est la plus grosse partie de mon travail généralement c'est ça.

Ensuite, techniquement, l'outil qui m’aide le plus c'est le mapping au sol. On dit une mise à l'échelle en peinture, ou je vais faire des carrés au sol avec des petits piquets, généralement c'est des carrés 3 mètres par 3 mètres, qui me permettent de me repérer plus ou moins dans l'espace.

Après les gens pensent souvent que j'utilise un drone, mais en fait j'utilise le drone que pour faire les photos finales. Ici, d'ailleurs, c'est marrant parce que pour faire le drone à New York, c'est hyper compliqué. On avait des créneaux hyper serrés pour le drone. Donc en fait, j'ai découvert l'œuvre au moment des photos finales. Stressant.

ONU Info :  J'imagine que oui.  Parce que vous n’avez pas pu voir le progrès ?

Saype : Rien. J’étais 'stress' à l’infini. J’espère que je n’ai pas fait un massacre, parce que comme vous avez vu tout à l'heure, peut-être, on ne voit rien au sol.

Moi je sais un petit peu, je veux dire, mais on ne voit rien.

L'artiste franco-suisse Saype (Guillaume Legros) pose dans sa fresque géante éphémère intitulée "World in Progress II" sur la pelouse du Siège de l'ONU à New York.
Valentin Flauraud pour Saype
L'artiste franco-suisse Saype (Guillaume Legros) pose dans sa fresque géante éphémère intitulée "World in Progress II" sur la pelouse du Siège de l'ONU à New York.

ONU Info : Qu'est-ce que ça signifie pour vous d'avoir fait cette œuvre ici à l'ONU ? 

Saype : Pour moi, il y a deux choses. J'ai le sentiment d'être à la fois vraiment honoré. Je trouve que c’est presque la concrétisation d'un rêve parce que finalement, il y a une énorme partie de mon travail qui parle, j'ai un projet d'ailleurs qui est complètement dédié à ce thème, de l'importance de trouver des solutions communes et globales, dans un monde qui est hyper connecté.

Donc quand on m'a dit que je pouvais venir peindre à l'ONU, qui à mon avis représente complètement ça, j’étais vraiment tout excité un peu comme un gosse, mais à la fois honoré. Je me suis aussi senti très responsabilisé finalement parce que c'est quand même à la fois un honneur mais aussi une vraie responsabilité de venir s'exprimer dans un lieu qui est autant symbolique. Et donc voilà, pour moi, c'est vraiment ici une sorte de table ronde où les chefs d'État viennent discuter de leur problématique, mais surtout trouver des solutions en commun. Je trouve juste pour ça, c'est assez incroyable quand même.

ONU Info : Ils pourront garder les enfants en tête ?

Saype : J'espère. En tout cas c'est le but. J'espère. Dans ma démarche j’ai vraiment une partie où j'essaie d'être inspirant pour les gens. Mais je dirais que je ne donne jamais de leçons. C'est à dire que je fais mon travail, je propose des idées et puis après les gens font ce qu'ils en veulent.