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Afghanistan : il faut se focaliser sur la crise humanitaire, déclare l’envoyée de l’ONU au Conseil de sécurité

Un agent de santé s'occupe d'un jeune garçon dans la province de Parwan, en Afghanistan, en novembre 2020.
PAM / Massoud Hossaini
Un agent de santé s'occupe d'un jeune garçon dans la province de Parwan, en Afghanistan, en novembre 2020.

Afghanistan : il faut se focaliser sur la crise humanitaire, déclare l’envoyée de l’ONU au Conseil de sécurité

Aide humanitaire

Près d’un mois après la prise de pouvoir par les Talibans en Afghanistan, la communauté internationale doit rester unie et se concentrer sur la réponse à la crise humanitaire qui s’aggrave dans le pays, a déclaré jeudi la Représentante spéciale du Secrétaire général pour l’Afghanistan, Deborah Lyons, devant le Conseil de sécurité.

« La nouvelle réalité est que la vie de millions d'Afghans dépendra de la façon dont les Talibans choisiront de gouverner. Mais nous devons aussi nous demander : que pouvons-nous faire et que devons-nous faire ? Les réponses que j'ai pour vous ne sont pas confortables. Elles présentent de réels dilemmes et nécessiteront une direction unie de la part du Conseil de sécurité, des États membres qui composent le Conseil, des pays voisins et de la communauté internationale en général », a prévenu Mme Lyons dans son exposé devant les quinze membres du Conseil.

Il y a deux jours, un gouvernement de facto a été annoncé par les Talibans et « ceux qui espéraient et demandaient l'inclusivité seront déçus », a-t-elle noté. Il n'y a pas de femmes dans les noms indiqués. Il n'y a pas de membres non talibans, pas de personnalités du gouvernement précédent, ni de dirigeants de groupes minoritaires.

Au lieu de cela, il contient bon nombre des mêmes personnes qui faisaient partie de la direction des Talibans de 1996 à 2001, quand ceux-ci étaient à la tête de l’Afghanistan. Sur les 33 noms présentés, beaucoup figurent sur la liste des sanctions des Nations Unies, y compris le Premier ministre, les deux Vice-premiers ministres et le ministre des Affaires étrangères. « Vous devrez tous décider des mesures à prendre concernant la liste des sanctions et l'impact sur l'engagement futur », a souligné l’envoyée de l’ONU aux membres du Conseil.

Deborah Lyons, Représentante spéciale du Secrétaire général pour l'Afghanistan.
MANUA/Fardin Waezi
Deborah Lyons, Représentante spéciale du Secrétaire général pour l'Afghanistan.

Une crise humanitaire qui s'aggrave

Le plus important, selon elle, est la nécessité de se concentrer sur la crise humanitaire préexistante, principalement dans les zones rurales, « qui s'aggrave effectivement à l'heure où nous parlons ». « La résolution de cette crise ne peut pas attendre les décisions politiques concernant la levée des sanctions. Des millions d'Afghans ordinaires ont désespérément besoin d'aide », a-t-elle dit.

Mme Lyons estime que des mécanismes appropriés doivent être trouvés rapidement pour permettre aux agences des Nations Unies et aux ONG de fournir l'aide humanitaire nécessaire. Elle a dit attendre avec impatience la réunion ministérielle humanitaire de haut niveau convoquée par le Secrétaire général de l’ONU le 13 septembre à Genève.

Elle a noté qu’il existait un besoin immédiat et pressant de fournir, à grande échelle, une aide humanitaire essentielle dans des domaines tels que la santé, la sécurité alimentaire, les articles non alimentaires et l'assainissement.

L’envoyée l’ONU a également souligné une crise supplémentaire imminente : des milliards d'avoirs et de fonds de donateurs ont été gelés par des membres de la communauté internationale pour refuser ces fonds au gouvernement de facto des Talibans. Mais l'effet inévitable « sera un grave ralentissement économique qui pourrait plonger des millions de personnes dans la pauvreté et la faim, générer une vague massive de réfugiés afghans et, en fait, faire reculer l'Afghanistan pour des générations ».

Selon Mme Lyons, « un modus vivendi doit être trouvé, et rapidement, qui permette à l'argent d'affluer vers l'Afghanistan pour éviter un effondrement total de l'économie et de l'ordre social ».

Préoccupation concernant les droits des femmes

S’agissant des droits des femmes afghanes, elle a noté que malgré les nombreuses assurances fournies par les Talibans qu'ils respecteraient ces droits dans le cadre de l'islam, « nous recevons de plus en plus de rapports selon lesquels les Talibans ont interdit aux femmes d'apparaître dans les lieux publics sans chaperons masculins et ont empêché les femmes de travailler ». Ils ont limité l'accès des filles à l'éducation dans certaines régions et ont démantelé les départements des affaires féminines dans tout l'Afghanistan, tout en ciblant les ONG de femmes.

« Nous sommes également extrêmement préoccupés par la violence croissante utilisée contre les Afghans qui protestent contre le régime taliban. Cette violence comprend des tirs au-dessus de la foule, des passages à tabac, l'intimidation des médias et d'autres mesures répressives », a-t-elle ajouté.

Malgré ces inquiétudes, l’envoyée de l’ONU estime que la communauté internationale peut « peut-être encore aider à façonner la nouvelle réalité dans une direction plus positive ». « Lors de nos contacts initiaux avec les dirigeants talibans au cours de l'année écoulée et au cours des dernières semaines, nous avons reçu un message clair selon lequel ils ont besoin et veulent une assistance internationale », a-t-elle dit. « Notre engagement à aider le peuple afghan signifie que nous devons dialoguer avec les Talibans sur les questions opérationnelles et de sécurité ».

Selon elle, « le moment est venu pour les Talibans de démontrer visiblement aux Afghans, à tous les Afghans, qu'ils sont déterminés à garantir à chacun d'entre eux leur sécurité, leurs libertés, leur santé, leur éducation et leur prospérité future ».