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Ethiopie : l'ONU demande un accès au Tigré pour enquêter sur de possibles crimes de guerre

Des personnes déplacées dans la ville d'Adigrat, dans la région du Tigré, en Ethiopie.
© UNICEF/Zerihun Sewunet
Des personnes déplacées dans la ville d'Adigrat, dans la région du Tigré, en Ethiopie.

Ethiopie : l'ONU demande un accès au Tigré pour enquêter sur de possibles crimes de guerre

Droits de l'homme

La cheffe des droits de l’homme des Nations Unies, Michelle Bachelet, a demandé jeudi à l’Ethiopie d’autoriser des observateurs de l’ONU à accéder à la région du Tigré pour enquêter sur les rapports faisant état de meurtres et de violences sexuelles qui pourraient constituer des crimes de guerre.

Face à ces rapports « persistants et crédibles faisant état de graves violations », elle a souligné l’urgence d’une évaluation objective et indépendante des faits sur le terrain dans cette région d'Ethiopie.

« Une analyse préliminaire des informations reçues indique que de graves violations du droit international, pouvant constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, pourraient avoir été commises par de multiples acteurs du conflit », a déclaré dans un communiqué, Michelle Bachelet, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme.

Plusieurs parties au conflit sont ainsi identifiées comme des auteurs possibles. Et ses services pointent notamment du doigt « les forces de défense nationale éthiopiennes, le Front populaire de libération du Tigré, les forces armées érythréennes, et les forces régionales d’Amhara et des milices affiliées ».

« Avec la multiplicité des acteurs du conflit, les dénégations générales et les accusations », il est clairement nécessaire de procéder à une évaluation objective et indépendante de ces rapports.

Exécutions extrajudiciaires, destruction et pillage généralisés de biens publics et privés

En attendant, le Bureau des droits de l’homme des Nations Unies a reçu des informations sur les combats en cours dans toute la région, en particulier dans le centre du Tigré, ainsi que sur des incidents de pillage par divers acteurs armés. « Des sources fiables ont partagé des informations sur le meurtre de huit manifestants par les forces de sécurité entre les 9 et 10 février à Adigrat, Mekelle, Shire et Wukro », a détaillé Mme Bachelet. 

Plus de 136 cas de viols ont également été signalés dans les hôpitaux de Mekelle, Ayder, Adigrat et Wukro, dans l’est de la région du Tigré, entre décembre et janvier. « Et il semblerait qu’il y ait beaucoup plus de cas non signalés de ce type », a-t-elle ajouté, relevant que le gouvernement a déclaré que des enquêtes sont en cours sur les cas de violence sexuelle.

Plus largement, des informations crédibles continuent d’apparaître concernant de graves violations du droit international et du droit humanitaire par toutes les parties au conflit du Tigré en novembre de l’année dernière. 

Les services de Mme Bachelet continuent également de recevoir « des rapports profondément affligeants sur les violences sexuelles et sexistes, les exécutions extrajudiciaires, la destruction et le pillage généralisés de biens publics et privés par toutes les parties, ainsi que des rapports sur la poursuite des combats dans le centre du Tigré en particulier ». 

Des rapports « de massacre dans le centre du Tigré par les forces armées érythréennes »

Les services de Mme Bachelet ont réussi à corroborer des informations sur certains des incidents survenus en novembre de l’année dernière, indiquant des bombardements aveugles dans les villes de Mekelle, Humera et Adigrat. Il y a aussi « des rapports de graves violations et abus des droits de l’homme, y compris des massacres à Axum, et à Dengelat dans le centre du Tigré par les forces armées érythréennes ».

Dans ces conditions, si des enquêtes rapides, impartiales et transparentes ne sont pas menées et si les responsables ne sont pas tenus de rendre des comptes, Mme Bachelet redoute une poursuite « en toute impunité » des abus. « Et la situation reste instable pendant longtemps », a-t-elle mis en garde, rappelant que les victimes et les survivants de ces violations ne doivent pas être privés de leur droit à la vérité et à la justice.

« Nous demandons instamment au gouvernement éthiopien d’autoriser mon bureau et d’autres observateurs indépendants à se rendre dans la région du Tigré, afin d’établir les faits et de contribuer à l’établissement des responsabilités, quelle que soit l’affiliation des auteurs des violations » a déclaré Mme Bachelet, qui a également salué les récentes déclarations du gouvernement sur les mesures prises sur l’accès des acteurs humanitaires. 

Elle a donc exhorté Addis Abeba à veiller à ce que ces engagements se traduisent dans la réalité, et a souligné que le Bureau des droits de l’homme des Nations Unies est prêt à soutenir les efforts de la Commission éthiopienne des droits de l’homme visant à garantir la responsabilité.