L'actualité mondiale Un regard humain

Russie : des experts de l'ONU préoccupés par l'équité du procès de l'historien du Goulag, Yuri Alexeevich Dmitriev

Une vue générale de Moscou, incluant la rivière Moscova.
Photo : ONU / Paulo Filgueiras
Une vue générale de Moscou, incluant la rivière Moscova.

Russie : des experts de l'ONU préoccupés par l'équité du procès de l'historien du Goulag, Yuri Alexeevich Dmitriev

Droits de l'homme

Des experts des Nations Unies en matière de droits de l'homme ont demandé lundi à la Russie de garantir un procès équitable à l'historien et défenseur des droits de l'homme, Yuri Alexeevich Dmitriev, alors que les poursuites engagées contre lui sont motivées par des raisons politiques, un tribunal ayant ordonné qu'il cesse d'utiliser son propre avocat et engage un avocat désigné par l'État.

« Nous sommes sérieusement préoccupés par le fait qu'il s'agit d'une violation de son droit à un procès équitable, dans le cadre de procédures judiciaires en cours qui semblent viser à le réduire au silence et à délégitimer son travail », ont déclaré les experts* .

M. Dmitriev a consacré sa vie à la recherche de la vérité et à la commémoration des victimes de la grande purge de Staline des années 1930, notamment en identifiant les lieux d'exécution et les fosses communes, et en nommant les personnes qui y sont enterrées. Il a reçu une reconnaissance et des prix internationaux pour son travail.

« Contrairement aux efforts inlassables de M. Dmitriev pour faire la lumière sur cette période sombre, aucun organisme officiel n'a jamais été mandaté pour établir, de manière ouverte et transparente, un registre public complet, et donc la mémoire publique, des atrocités », ont déclaré les experts.

Nombre des tombes de plus d'un million de disparus n'ont jamais été recensées, préservées ou protégées.

« En réponse à la recherche incessante de la vérité par M. Dmitriev, les autorités russes ont cherché à le réduire au silence en attaquant son intégrité personnelle, et donc la légitimité de son travail historique », ont déclaré les experts. « Ce faisant, elles empêchent des millions de membres de familles dont les proches ont été emprisonnés ou ont péri dans les goulags de trouver des réponses sur ce qui est arrivé à leurs proches ».

Empêcher des recherches légitimes

« Non seulement les autorités russes ne respectent pas le droit à la vérité dû aux victimes, à leurs familles et à la société en général, mais elles tentent d'empêcher des recherches légitimes et de réécrire les livres d'histoire pour minimiser la véritable étendue des crimes commis pendant la Grande Purge », font valoir les experts.

M. Dmitriev fait l'objet de poursuites judiciaires depuis 2016 qui ne semblent pas être raisonnablement établies et étayées par les preuves, ont déclaré les experts. Il a été initialement acquitté en avril 2018 sur ces accusations avant que d'autres accusations ne soient portées.

Le 25 janvier 2021, la Cour suprême de Carélie a confirmé une décision du tribunal de la ville de Petrozavodsk de fournir un avocat désigné par l'État, en remplacement de l'avocat que M. Dmitriev avait choisi et qui l'avait défendu tout au long de la procédure.

« Bien que les allégations contre M. Dmitriev soient extrêmement graves et doivent faire l'objet d'une enquête approfondie et indépendante, ces enquêtes doivent être menées de bonne foi et sans parti pris, et dans le cadre de procédures qui respectent pleinement les normes d'un procès équitable tout au long de la procédure, y compris le droit à un avocat de son choix », ont déclaré les experts.

Ils ont écrit au gouvernement pour lui faire part de leurs préoccupations, notamment en ce qui concerne les poursuites engagées contre M. Dmitriev et l'absence d'enquêtes sur les disparitions et les meurtres de la période de la Grande Purge.

* Les experts : Agnès Callamard, Rapporteure spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires ; Tae-Ung Baik (Président-Rapporteur), Henrikas Mickevičius (Vice-président), Aua Baldé, Bernard Duhaime, et Luciano Hazan, du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires ; Mary Lawlor, Rapporteure spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l'homme ; Fabian Salvioli, Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, des réparations et des garanties de non-récurrence ;et Diego Garcia-Sayan, Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats.

Note : 

Les Experts indépendants des Nations Unies font partie de ce qui est désigné sous le nom des « procédures spéciales » du Conseil des droits de l’homme. Les procédures spéciales, l’organe le plus important d’experts indépendants du Système des droits de l’homme de l’ONU, est le terme général appliqué aux mécanismes d’enquête et de suivi indépendants du Conseil qui s’adressent aux situations spécifiques des pays ou aux questions thématiques partout dans le monde. Les experts des procédures spéciales travaillent à titre bénévole. Ils ne font pas partie du personnel de l’ONU et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants des gouvernements et des organisations et ils exercent leurs fonctions à titre indépendant.