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Au Myanmar, la prise du pouvoir par les militaires porte un coup dur aux réformes démocratiques (ONU)

Une pagode à l'aube dans le centre-ville de Yangon, la principale ville du Myanmar.
Unsplash/Kyle Petzer
Une pagode à l'aube dans le centre-ville de Yangon, la principale ville du Myanmar.

Au Myanmar, la prise du pouvoir par les militaires porte un coup dur aux réformes démocratiques (ONU)

Paix et sécurité

Les Nations Unies ont exprimé leur préoccupation sur la situation au Myanmar après la prise du pouvoir, lundi, par les militaires dans ce pays d’Asie du Sud-Est.

« Des nouvelles très inquiétantes, que beaucoup craignaient, se déroulent bel et bien au Myanmar », a déploré Tom Andrews, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme dans ce pays, sur Twitter.

L’armée s’est emparée du pouvoir, lundi, dans cet Etat d’Asie du Sud-Est, où la junte militaire avait pourtant décidé, dix ans plus tôt, de s’auto-dissoudre et de laisser place à une transition démocratique.

Dans les premières heures du 1er février, les militaires ont arrêté plusieurs dirigeants de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti d’Aung San Suu Kyi, Prix Nobel de la paix 1991 et aujourd’hui dirigeante de ce pays.

« Le Secrétaire général (des Nations Unies, António Guterres,) condamne fermement la détention du Conseiller d’État Daw Aung San Suu Kyi, du Président U Win Myint et d’autres dirigeants politiques à la veille de la séance d’ouverture du nouveau parlement du Myanmar », a dit son porte-parole, Stéphane Dujarric, dans une déclaration de presse publiée lundi matin. Le Président de l’Assemblée générale des Nations Unies, Volkan Bozkir, s’est déclaré profondément préoccupé par les récents événements au Myanmar. « J’appelle à la libération immédiate des dirigeants politiques détenus », a-t-il dit sur Twitter.

L'expert Tom Andrews a qualifié sur Twitter ces détentions de « scandaleuses ».

Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), des dizaines de dirigeants politiques, défenseurs des droits de l'homme, journalistes, militants sont actuellement détenus arbitrairement au Myanmar par les militaires. « Je suis alarmée par les informations suggérant qu'au moins 45 personnes sont détenues - y compris des parlementaires élus en détention - et j'appelle à leur libération immédiate », a déclaré Michelle Bachelet, la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, dans un communiqué.

Après ces arrestations et la destitution du gouvernement civil, l’armée a proclamé l’Etat d’urgence au Myanmar pour une période d’un an. Selon les informations rapportées par les médias, le chef de l’armée, le général Min Aung Hlaing dispose désormais de tous les pouvoirs, tandis qu’un autre général, Myint Swe, a été désigné président par intérim du pays.

Les tentatives de saper la démocratie et l'Etat de droit sont inacceptables - Volkan Bozkir, Président de l’Assemblée générale des Nations Unies

M. Guterres a exprimé sa profonde préoccupation concernant la déclaration du transfert de tous les pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires aux mains des militaires. « Ces développements portent un coup dur aux réformes démocratiques au Myanmar », a déclaré son porte-parole. « Les tentatives de saper la démocratie et l'Etat de droit sont inacceptables », a, pour sa part, dénoncé le Président de l’Assemblée générale.

« Il existe également des informations inquiétantes faisant état de harcèlement ou d'attaques de journalistes et de restrictions sur Internet et les médias sociaux qui restreindront l'accès à l'information et la liberté d'expression en cette période critique et effrayante pour le peuple du Myanmar », a alerté Mme Bachelet. 
Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Myanmar a également signalé la coupure « délibérée » des communications dans le pays.

Compte tenu de la présence sécuritaire dans les rues de la capitale, Nay Pyi Taw, ainsi que dans d'autres villes du pays, le HCDH relève des « craintes profondes » de voir une violente répression des voix dissidentes. « Je rappelle aux dirigeants militaires que le Myanmar a l’obligation de respecter le droit international relatif aux droits de l'homme, y compris le respect du droit de réunion pacifique, et de s'abstenir de recourir à une force inutile ou excessive », a dit la Haute-Commissaire.

Respecter la volonté du peuple du Myanmar

Les élections générales du 8 novembre 2020 ont donné une large victoire au parti d’Aung San Suu Kyi. « (Ces élections) confèrent un mandat fort à la Ligue nationale pour la démocratie (LND), reflétant la volonté claire du peuple du Myanmar de continuer sur la voie durement acquise de la réforme démocratique », a rappelé le porte-parole du chef de l’ONU.

« Le Secrétaire général exhorte les dirigeants militaires à respecter la volonté du peuple du Myanmar et à adhérer aux normes démocratiques, tout différend devant être résolu par un dialogue pacifique », a ajouté M. Dujarric. Un avis partagé par la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme qui a également appelé les militaires à respectent le résultat des élections.

« Les dirigeants militaires doivent adhérer aux normes démocratiques et respecter les institutions publiques et l'autorité civile », a, pour sa part, rappelé le Président de l’Assemblée générale.

Par la voix de son porte-parole, M. Guterres a souligné que tous les dirigeants doivent agir « dans le plus grand intérêt de la réforme démocratique du Myanmar ». Il a appelé ces derniers à s'engager dans un dialogue constructif, s'abstenir de toute violence et respecter pleinement les droits de l'homme et les libertés fondamentales. « Le Secrétaire général réaffirme le soutien indéfectible de l’ONU au peuple du Myanmar dans sa quête de la démocratie, de la paix, des droits de l’homme et de l’Etat de droit », a dit son porte-parole.

Mme Bachelet a exhorté la communauté internationale à se montrer solidaire du peuple du Myanmar. Elle a demandé à « tous les États influents » de prendre des mesures pour « empêcher l'effondrement des fragiles acquis démocratiques et en matière de droits de l'homme » réalisés par le Myanmar durant sa transition depuis la dissolution de la junte militaire il y a 10 ans. 

Le Conseil de sécurité des Nations Unies tiendra une réunion d’urgence mardi 2 février sur la situation au Myanmar, a annoncé le Royaume-Uni qui préside l’organe onusien au mois de février. « Ce qui est important, c'est que la communauté internationale parle d'une seule voix », a souligné le porte-parole du Secrétaire général lors d'un point de presse en réponse à la question d'un journaliste.