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Libye : l’ONU exhorte les parties à respecter l’accord de cessez-le-feu

Stephanie Turco Williams, Représentante spéciale par intérim du Secrétaire général et chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye, lors d'une conférence de presse à Genève
MANUL
Stephanie Turco Williams, Représentante spéciale par intérim du Secrétaire général et chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye, lors d'une conférence de presse à Genève

Libye : l’ONU exhorte les parties à respecter l’accord de cessez-le-feu

Paix et sécurité

Devant le Conseil de sécurité, la Représentante spéciale par intérim du Secrétaire général et cheffe de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), Stéphanie Williams, a exhorté jeudi le Gouvernement d’entente nationale et les Forces armées arabes libyennes (LAAF) à respecter l’accord de cessez-le-feu signé à Genève le 23 octobre .

« La responsabilité de l’application de l’accord de cessez-le-feu n’incombe pas à la Commission militaire conjointe mais bien aux dirigeants politiques et militaires des deux parties », a déclaré la Représentante spéciale par intérim.

« Il en va de même pour les partenaires régionaux et internationaux » , a-t-elle ajouté.

Selon Mme Williams, la coopération déterminée et constructive entre les parties libyennes au sein de la Commission militaire conjointe a ouvert la voie à la reprise des pourparlers politiques.

Elle a fait valoir que depuis le dialogue de Tunis, après plus de 50 heures de discussions virtuelles, le Forum de dialogue politique libyen a mis en place un comité consultatif temporaire pour sortir de l’impasse sur le mécanisme de sélection pour le pouvoir exécutif.

Sur la base d’une proposition élaborée de manière consensuelle par ce comité consultatif, le 19 janvier, le Forum a approuvé à 73% des suffrages le mécanisme de sélection proposé pour une nouvelle autorité exécutive qui gouvernera la Libye lors de la préparation des élections nationales, a précisé la cheffe de la MANUL.

« La période d’une semaine prévue pour nommer des candidats aux postes d’un conseil de la Présidence composé de trois membres et du Premier Ministre se termine aujourd’hui », a-t-elle souligné, précisant que le Forum se réunira en dehors de Genève, pour le processus de vote du 1er au 5 février, une réunion à laquelle Mme Williams va assister. Elle a appelé la communauté internationale à se rallier à ce processus qui est conforme au processus de Tunis.

Bâtiments détruits à Tripoli, en Libye (photo d'archives).
Photo OCHA/Giles Clarke
Bâtiments détruits à Tripoli, en Libye (photo d'archives).

Premier anniversaire de la Conférence de Berlin

Stéphanie Williams a salué le premier anniversaire, ce mois-ci, de la Conférence de Berlin, même si les ingérences étrangères n’ont pas cessé en Libye.

Elle a rappelé que le communiqué en 55 points approuvé par les États Membres et les organisations partenaires à Berlin avait défini un cadre global pour aborder l’ensemble des problèmes qui alimentent le conflit libyen. Son approbation ultérieure par le Conseil de sécurité, par le biais de la résolution 2510 (2020), a ancré les efforts de la communauté internationale pour amener les parties libyennes à la table des négociations.

Un an plus tard, les dialogues intralibyens, facilités par la MANUL à travers les voies politique, militaire et économique complémentaires, ont produit des progrès tangibles : un cessez-le-feu est en place; la Feuille de route de Tunis, adoptée à la mi-novembre, a tracé la voie du rétablissement de la légitimité démocratique en fixant une date claire pour les élections nationales et pour la mise en place d’un pouvoir exécutif unifié et temporaire; et les réformes économiques et financières attendues depuis longtemps sont en cours.

Pour Mme Williams il ne fait pas de doute que le processus de Berlin est à la hauteur de ses promesses. Il a créé un cadre international pour que les Nations Unies travaillent directement avec les parties libyennes, les officiers militaires, les forces politiques et les leaders d’opinion afin de rechercher une solution intralibyenne.

Les contours de l’unité et de la réconciliation sont aujourd’hui un peu plus palpables, a affirmé la Représentante spéciale par intérim, constatant que les Libyens veulent tourner la page et sont déterminés à prendre leur avenir en main. Ce mouvement doit être soutenu par le Conseil de sécurité afin d’ouvrir une nouvelle voie pour la Libye vers la démocratie, le respect des droits de l’homme, la responsabilité et la justice dans le cadre de l’Etat de droit, a-t-elle recommandé.

Le cessez-le-feu signé à Genève le 23 octobre dernier continue à être respecté et la Commission militaire conjointe 5+5 reste active, a poursuivi Mme Williams. Rappelant la date limite du 23 janvier fixée par l’accord de cessez-le-feu pour que les combattants et mercenaires étrangers quittent la Libye, les 5+5 ont affirmé au Groupe de travail sur la sécurité du Comité international de suivi qu’ils poursuivraient leurs travaux pour mettre en œuvre toutes les dispositions de l’accord.

Mme Williams reste cependant préoccupée par le maintien des fortifications et des positions défensives créées par les Forces armées arabes libyennes (LAAF) à l’intérieur de la base aérienne de Gardabiya à Syrte et le long de l’axe Syrte-Joufra dans le centre de la Libye. De plus, les activités de fret aérien se sont poursuivies avec des vols à destination de la région occidentale de la Libye et des bases militaires et aériennes du Gouvernement d’entente national.

Dans la région sud, il y a eu une augmentation des activités dans les bases aériennes, apparemment visant à renforcer la présence et le contrôle des Forces armées arabes libyennes. Ces activités sapent le processus et les efforts de la Commission 5+5, a regretté Mme Williams.

Des garçons marchent la vieille ville de Benghazi en Libye.
OCHA/Giles Clarke
Des garçons marchent la vieille ville de Benghazi en Libye.

Élections nationales le 24 décembre 2021

La MANUL a également soutenu la réunion de la Commission constitutionnelle, qui a convenu de modifier la loi référendaire et d’organiser des élections nationales le 24 décembre 2021. La Haute Commission électorale nationale a déjà alloué 50 millions de dinars à l’organisation de ces élections.

Le Président de la Commission, M. Al-Sayeh, a indiqué que celle-ci est prête à organiser ces élections dès qu’elle dispose de ressources suffisantes et que la nouvelle loi électorale est en vigueur. Après avoir salué la tenue de huit élections municipales, Mme Williams a invité toutes les parties à respecter l’inclusivité, l’intégrité et l’uniformité du processus électoral en Libye.

Passant aux progrès réalisés sur le volet économique, Mme Williams a fait état de réformes, qui, si appliquées, devraient permettre notamment la gestion transparente des recettes pétrolières, la réactivation de la Banque centrale libyenne, l’unification du taux de change ou encore le lancement de l’audit de l’Autorité libyenne d’investissement.

Il faut cependant encore consolider le budget national pour 2021. Les deux ministres des finances ont élaboré un budget unifié et la MANUL a aidé la Banque mondiale à organiser deux réunions en janvier entre les ministères pour travailler à l’unification des comptes. Grace aux médiations de la MANUL, les parties libyennes concernées sont parvenues à un accord sur les éléments du budget et ont organisé la réunion d’un groupe de travail pour finaliser un budget de deux mois.

Sur le plan humanitaire, la cheffe de la MANUL a fait état de la découverte de nouveaux charniers à Tarhouna, et a appelé à traiter les causes profondes des tensions sur place à travers une approche multiforme combinant la protection des droits de l’homme et l’Etat de droit, la réforme du secteur de la sécurité et les mécanismes de réconciliation et de justice transitionnelle.

Depuis la suspension des combats en juin 2020, les familles déplacées ont continué de rentrer à Tripoli, soit environ 114.000 personnes. Dans toute la Libye, le nombre de personnes déplacées a diminué de 26%, passant de 426.000 personnes en juin à 316.000 personnes. La MANUL continue en outre de travailler avec les autorités pour leur offrir des solutions dignes et œuvrer à la fermeture des centres de détention des migrants et des réfugiés. En 2020 plus de 11.900 migrants ont été interceptés en mer et renvoyés en Libye, a rappelé Mme Williams.

Elle a également souligné l’impact de la Covid-19 sur les plus vulnérables en Libye, les prix des produits de base et des denrées alimentaires étant encore plus élevés qu’avant la pandémie. En 2020, 1,3 million de personnes ont eu besoin d’une forme quelconque d’aide humanitaire, a-t-elle signalé. Pour y répondre, l’ONU et les partenaires humanitaires, par le biais du Plan de réponse humanitaire 2021 publié ce mois-ci, demandent 189 millions de dollars pour apporter de la nourriture, des soins de santé, des abris, de services éducatifs, de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène à 451.000 personnes.

Avant de conclure, la cheffe de la MANUL a demandé aux membres du Conseil de sécurité de manifester leur soutien clair au nouveau gouvernement unifié libyen par l’adoption d’une résolution appelant également à la dissolution de toutes les autres entités exécutives parallèles.