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La production de combustibles fossiles doit diminuer de 6% par an pour limiter le réchauffement de la planète (PNUE)

Un parc éolien au Monténégro. L'énergie propre, comme l'énergie éolienne, est un élément clé pour atteindre l'objectif de zéro émission nette.
Unsplash/Appolinary Kalashnikova
Un parc éolien au Monténégro. L'énergie propre, comme l'énergie éolienne, est un élément clé pour atteindre l'objectif de zéro émission nette.

La production de combustibles fossiles doit diminuer de 6% par an pour limiter le réchauffement de la planète (PNUE)

Climat et environnement

Les pays prévoient d'augmenter leur production de combustibles fossiles au cours de la prochaine décennie alors que les recherches indiquent que le monde doit diminuer cette production de 6% par an afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius, selon un nouveau rapport publié mercredi par l’agence onusienne pour l’environnement.

« Les gouvernements doivent saisir l'occasion d’éloigner leurs économies et leurs systèmes énergétiques des combustibles fossiles et de reconstruire en mieux pour un avenir plus juste, plus durable et plus résistant aux chocs futurs », a déclaré la Directrice exécutive du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), Inger Andersen.

Les pays prévoient de produire en 2030 une quantité de combustibles fossiles plus de deux fois supérieure à celle qui serait compatible avec une limite de la hausse des températures à 1,5 degré Celsius

Le rapport mesure l’écart entre les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat et la production de charbon, de pétrole et de gaz prévue par les pays. 

Selon le PNUE, « le déficit de réduction de la production » reste important : les pays prévoient de produire en 2030 une quantité de combustibles fossiles plus de deux fois supérieure à celle qui serait compatible avec une limite de la hausse des températures à 1,5 degré Celsius.

« Les feux de forêt, les inondations, les sécheresses et les autres phénomènes météorologiques extrêmes dévastateurs de cette année nous rappellent avec force les raisons pour lesquelles nous devons réussir à lutter contre la crise climatique », a ajouté Mme Andersen. 

Le rapport examine les implications de la pandémie de Covid-19 et des mesures de relance et de relèvement prises par les gouvernements en ce qui concerne la production de charbon, de pétrole et de gaz. 

L’étude invite à investir dans les énergies et les infrastructures à faible teneur en carbone, soulignant que cela sera bon pour l'emploi, pour les économies, pour la santé et pour l'air pur au moment de relancer les économies à la suite de la pandémie de Covid-19.

Un tournant potentiel

Le rapport de cette année est publié à un moment qui marque un tournant potentiel, alors que la pandémie suscite une action gouvernementale sans précédent et que les principales économies, dont la Chine, le Japon et la Corée du Sud, se sont engagées à atteindre zéro émission nette de gaz à effet de serre.

Selon les auteurs du rapport, les recherches montrent « clairement » que « nous sommes confrontés à de graves perturbations climatiques si les pays continuent à produire des combustibles fossiles aux niveaux actuels, sans parler de leurs augmentations prévues ».

« La recherche est tout aussi claire sur les solutions à adopter : des politiques gouvernementales qui réduisent à la fois la demande et l’offre de combustibles fossiles et soutiennent les communautés qui en dépendent actuellement », affirme l'un des principaux auteurs du rapport, Michael Lazarus. Il souligne que le rapport propose des mesures que les gouvernements peuvent prendre dès aujourd'hui « pour une transition juste et équitable vers l’abandon des combustibles fossiles ».

Les principales conclusions du rapport sont les suivantes :

  • Pour suivre la trajectoire d’un réchauffement limité à 1,5 °C, le monde devra réduire la production de combustibles fossiles d’environ 6% par an entre 2020 et 2030. Les pays planifient et prévoient plutôt une augmentation annuelle moyenne de 2%, ce qui, d’ici 2030, se traduirait par une production plus de deux fois supérieure à la limite de 1,5 °C.

  • Entre 2020 et 2030, la production mondiale de charbon, de pétrole et de gaz devrait diminuer de 11%, 4% et 3% par an, respectivement, pour être conforme à la trajectoire de 1,5 °C.

  • La pandémie de Covid-19 et les mesures de confinement pour enrayer sa propagation ont entraîné une baisse à court terme de la production de charbon, de pétrole et de gaz en 2020. Mais les plans pré-Covid et les mesures de relance post-Covid indiquent que l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction de la production de combustibles fossiles dans le monde continue de se creuser, ce qui risque de perturber gravement le climat.

  • À ce jour, les gouvernements du G20 ont engagé plus de 230 milliards de dollars dans le cadre de mesures de réponse à la Covid-19 en faveur des secteurs responsables de la production et de la consommation de combustibles fossiles, soit bien plus que pour l'énergie propre (environ 150 milliards de dollars). Les décideurs politiques doivent inverser cette tendance pour atteindre les objectifs climatiques.

Diversification économique et transition vers une énergie propre 

« Le choc de la demande dû à la pandémie et à la chute des prix du pétrole cette année ont une fois de plus démontré la vulnérabilité des nombreuses régions et communautés qui dépendent des combustibles fossiles », a ajouté l'auteure principal du rapport, Ivetta Gerasimchuk.

Selon l’experte, la seule façon de sortir de ce piège est de « diversifier ces économies et de dépasser les combustibles fossiles ». Or « de nombreux gouvernements ont multiplié leur consommation de combustibles fossiles par deux et renforcé ainsi ces vulnérabilités », signale-t-elle.

Elle prône plutôt l’orientation des fonds de relance vers la diversification économique et de les canaliser pour une transition vers une énergie propre qui offre un meilleur potentiel économique et d'emplois à long terme. 

« C'est peut-être l'une des entreprises les plus difficiles du XXIe siècle, mais elle est nécessaire et réalisable », a affirmé Mme Gerasimchuk.

Des voitures électriques garées devant le Siège des Nations Unies à New York (archives). Photo ONU/JC McIlwaine
Photo ONU/JC Mcllwaine
Des voitures électriques garées devant le Siège des Nations Unies à New York (archives). Photo ONU/JC McIlwaine

Une réduction équitable des combustibles fossiles 

Le rapport examine également comment le monde peut s’affranchir des combustibles fossiles de manière équitable, la réduction progressive la plus rapide étant nécessaire dans les pays ayant une capacité financière et institutionnelle plus élevée et étant moins dépendants de la production de combustibles fossiles. 

Certains des plus grands producteurs de combustibles fossiles de ce groupe de pays, comme l’Australie, le Canada et les États-Unis, sont actuellement les pays qui cherchent à accroître considérablement leur approvisionnement en combustibles fossiles.

Les pays qui dépendent fortement des combustibles fossiles et dont les capacités sont limitées auront besoin d'un soutien international pour assurer une transition équitable. Le rapport explore les moyens de faciliter cette coopération.

« La réduction de la production de combustibles fossiles à un rythme conforme aux objectifs de Paris nécessite à la fois une coopération et un soutien international », déclare Cleo Verkuijl, autre auteure principale du rapport. 

« Alors que les pays communiquent des engagements climatiques plus ambitieux dans le cadre du processus des Nations Unies sur le climat en prévision de la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique de 2021 à Glasgow, ils ont la possibilité d'intégrer dans ces plans, ou CDN, des objectifs et des mesures visant à réduire la production de combustibles fossiles », ajoute Mme Verkuijl.

Six domaines d'action pour réduire les combustibles fossiles

Le rapport énumère six domaines d'action, offrant aux décideurs politiques des solutions pour commencer à réduire progressivement les combustibles fossiles à mesure qu'ils mettent en œuvre les plans de relance à la suite de la Covid-19, tels que : réduire les aides publiques existantes en faveur des combustibles fossiles, introduire des restrictions à la production et veiller à ce que les fonds de relance soient affectés à des investissements verts (tout en assortissant toute aide à forte teneur en carbone de conditions favorisant l'alignement à long terme sur les objectifs climatiques).

Le rapport met en lumière l'action des gouvernements qui risque de nous enfermer dans des filières d'énergie fossile et offre des solutions et des exemples pour dépasser la production de charbon, de pétrole et de gaz.

Le rapport est le fruit des efforts conjoints de l'Institut de l'environnement de Stockholm (SEI) ; de l'Institut international du développement durable (IISD); de l’Overseas development Institute (ODI), de l’E3G, du PNUE, ainsi que de dizaines de chercheurs qui ont contribué à l'analyse et à l’examen, en provenance de nombreuses universités et d'autres organismes de recherche.