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L’impact environnemental de la double explosion à Beyrouth suscite l’inquiétude (PNUD)

 Une vue de la zone portuaire dévastée par l'explosion qui a eu lieu le 4 août à Beyrouth, au Liban.
© UNOCHA
Une vue de la zone portuaire dévastée par l'explosion qui a eu lieu le 4 août à Beyrouth, au Liban.

L’impact environnemental de la double explosion à Beyrouth suscite l’inquiétude (PNUD)

Aide humanitaire

L'impact sur l'environnement de la double explosion survenue le 4 août dans le port de Beyrouth, au Liban, est une préoccupation majeure, d'autant plus que la situation précédant l'explosion était déjà désastreuse, selon le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).

Outre les victimes directement liées à l’explosion (le dernier bilan fait état de 190 morts et plus de 6.500 blessés), les conséquences à long terme pourraient être sévères, a expliqué Jihan Seoud, chargée du programme environnement et énergie au sein du PNUD au Liban lors d’un point de presse à Genève.

Ainsi, suite à la destruction du port de Beyrouth, d'énormes quantités de déchets ont été produites, entre 100.000 et 800.000 tonnes.

Certains de ces déchets sont dangereux étant donné les types de matériaux stockés dans un port comme celui de Beyrouth, notamment des pesticides, des produits pharmaceutiques, des produits chimiques industriels, et divers types de métaux lourds. « Ces produits chimiques peuvent nuire à la santé des gens si ceux-ci y sont exposés et ils peuvent contaminer le sol et l'eau », a mis en garde Mme Seoud.

De plus, le Liban a peu de terres disponibles pour la mise en décharge et ne dispose d'aucune installation de stockage ou de traitement des déchets dangereux, a-t-elle continué. « Pour aggraver les choses, l'explosion a gravement endommagé l'une des deux déchetteries municipales qui desservent Beyrouth et le Mont-Liban. Cela signifie que plus de déchets vont directement dans les décharges et une a presque atteint sa capacité de stockage. Nous pourrions bientôt être confrontés à une autre crise des déchets solides municipaux si cela n'est pas résolu ».

Beyrouth pourrait aussi être exposée est à la contamination du milieu marin par des infiltrations de produits chimiques si les déchets dans le port ne sont pas contenus et traités correctement.

La pollution atmosphérique initialement signalée est maintenant considérée comme limitée. Cependant, la contamination chimique des particules dispersées par l'explosion peut redevenir en suspension dans l'air et constituer une menace pour la santé publique.

Des travailleurs au Liban évaluent les dégâts au port de Beyrouth après une explosion mortelle le 4 août 2020.
Photo : OCHA
Des travailleurs au Liban évaluent les dégâts au port de Beyrouth après une explosion mortelle le 4 août 2020.

Réponse immédiate

L’ONU et l'Union européenne travaillent ensemble pour garantir que l'enlèvement des débris et la gestion des déchets soient effectués correctement et d'une manière écologiquement rationnelle.

De plus, des évaluations préliminaires des déchets et de l'environnement pour la zone située à l'extérieur du port de Beyrouth et des évaluations spécialisées d'impact chimique à l'intérieur du port ont commencé. 

La Banque mondiale a également publié une évaluation rapide des dommages et des besoins qui met en évidence toutes ces préoccupations. Ces données permettront de concevoir des plans de gestion technique des déchets, a expliqué l’experte du PNUD. 

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« Mais ces plans prendront un certain temps à être mis en place étant donné les différents types de produits chimiques impliqués et les limites en termes d'installations locales de traitement des déchets », a-t-elle dit.

Les déchets dangereux dans le port doivent être traités séparément. « Ils ne doivent pas être transférés dans le pays sans confinement et traitement appropriés pour éviter une contamination supplémentaire ou poser un risque pour la santé publique », a-t-elle mis en garde.

Les travaux sur les débris provenant de l'extérieur du port ont commencé ; cela inclut le nettoyage, le tri et le recyclage des déchets dans la mesure du possible. Par exemple, le béton et les pierres peuvent être broyés en plus petites dimensions et réutilisés dans le pavage des trottoirs ou des routes ou pour réhabiliter les sites de carrière abandonnés. Des experts internationaux et locaux étudient ces options en coordination avec les autorités libanaises.

Les évaluations d'impact sur la pollution de l'air et les écosystèmes marins ont commencé, mais un soutien important est nécessaire pour améliorer les systèmes de surveillance et remédier aux dommages si nécessaire.

Il est important que la coordination avec les acteurs nationaux qui travaillent sur le terrain, y compris l'armée et les ministères libanais ainsi que les ONG, soit bien gérée. Dans certains cas, des interventions bien intentionnées pourraient avoir des conséquences environnementales négatives si elles ne sont pas basées sur des données et des techniques spécialisées et si les attentes en termes de ce qui peut ou ne peut pas être fait ne sont pas claires, a expliqué Jihan Seoud.

Une reconstruction plus verte

Le coût de la restauration et de la récupération environnementale résultant de la double explosion est estimé à plus de 100 millions de dollars. Cela s'ajoute au coût de la dégradation de l'environnement au Liban, estimé à 2,35 milliards de dollars en 2018.

Jihan Seoud suggère que la reconstruction soit plus verte en intégrant l'énergie solaire, des mesures en matière d'efficacité énergétique, des matériaux isolants et une conception résiliente au climat dans la reconstruction des bâtiments.

Elle rappelle que les fournitures nécessaires à la reconstruction, telles que le ciment, les carreaux et le verre, sont importées car les approvisionnements locaux sont limités et ont un coût environnemental élevé. De plus, les carrières non contrôlées et illégales sont une préoccupation majeure au Liban.

Jusqu'à présent, seul un petit financement d'urgence a été obtenu des donateurs ; beaucoup plus reste à faire et très rapidement, a conclu Jihan Seoud.