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L'héritage des essais nucléaires est la plus cruelle des injustices environnementales, met en garde un expert des droits de l'homme

Un essai nucléaire en Polynésie française en 1971.
Photo OTICE
Un essai nucléaire en Polynésie française en 1971.

L'héritage des essais nucléaires est la plus cruelle des injustices environnementales, met en garde un expert des droits de l'homme

Droits de l'homme

Le dangereux héritage des essais d'armes nucléaires continue de toucher de nombreuses communautés, a déclaré jeudi un expert en droit, à l'occasion du 75ème anniversaire des essais aux États-Unis, qui ont annoncé l'ère nucléaire.

Dans un appel aux gouvernements du monde entier pour qu'ils se débarrassent des armes de destruction massive, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les substances toxiques, Baskut Tuncak, a déclaré que les essais de Trinity au Nouveau Mexique, le 16 juillet 1945, ont été le prélude à « deux horribles explosions subies par (le) peuple innocent du Japon », pendant la Seconde Guerre mondiale.

Ces essais ont également été suivis par la détonation de centaines de bombes nucléaires au-dessus de communautés vulnérables dans le Pacifique, et par l'élimination de déchets radioactifs sur les terres et territoires des peuples autochtones.

Paradis perdu

Cela a créé un héritage d'essais nucléaires qui « est l'un des exemples les plus cruels d'injustice environnementale dont on ait été témoin » dans « ce qui devrait être un paradis insulaire pacifique », a déclaré M. Tuncak, qui présentait son rapport au Conseil des droits de l'homme à Genève.

De 1946 à 1958, 67 bombes nucléaires ont explosé sur les îles Marshall, soit l'équivalent de plus de 1,5 « explosion de la taille d'Hiroshima chaque jour pendant 12 ans », a-t-il déclaré.

Les communautés « ont souffert de façon inimaginable » de la contamination radioactive et cela continue aujourd'hui « avec un héritage de contamination, de maladie et d'angoisse », a insisté l'expert.

La double catastrophe environnementale a aggravé la situation, a-t-il ajouté, en faisant référence à l'élévation du niveau de la mer induite par le changement climatique et aux déchets nucléaires concentrés dans une « tombe » radioactive.

200 tests en 30 ans

De même, en Polynésie française, plus de 200 essais nucléaires ont été effectués sur une période de 30 ans, de 1966 à 1996, soumettant les habitants à des dommages sanitaires et environnementaux associés, a déclaré le Rapporteur spécial.

Du Groenland aux territoires autochtones des États-Unis, il a averti que les populations continuaient à souffrir de l'ère des essais nucléaires.

« Au cours des dernières décennies, de nombreuses tribus amérindiennes ont reçu des fonds pour stocker des déchets nucléaires indésirables sur leurs terres », a-t-il déclaré. « Ceux de Point Hope, en Alaska, ont reçu des sols radioactifs et des taux de cancer plus élevés qui sont censés en être le résultat prévisible. Et les habitants du Groenland ont découvert des déchets radioactifs laissés par l'armée américaine, à leur insu, alors que la glace continue de fondre dans l'Arctique ».

Cette approche discriminatoire devrait être abordée par tous les Etats dans le cadre de la discussion sur le « racisme systémique » et le désarmement nucléaire, a insisté M. Tuncak.

« Si l'on n'y remédie pas, les dangers de la contamination radioactive persisteront pendant des siècles, tout comme l'héritage néfaste du racisme qui entoure ce chapitre tragique de l'humanité », a-t-il ajouté.

NOTE :

Les Rapporteurs spéciaux de l'ONU font partie de ce que l'on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Les procédures spéciales, le plus grand organe d'experts indépendants du système des droits de l'homme des Nations Unies, est le nom général des mécanismes indépendants d'enquête et de surveillance du Conseil qui s'occupent soit de situations de pays spécifiques soit de questions thématiques dans toutes les régions du monde.

Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire. Ils ne font pas partie du personnel des Nations Unies et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et travaillent à titre individuel.