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Une « tempête » en gestation en Syrie déchirée par la guerre et confrontée au coronavirus

Une jeune fille dans une tente d'un camp de Syriens déplacés dans le nord d'Idlib, en Syrie.
© UNICEF/Omar Albam
Une jeune fille dans une tente d'un camp de Syriens déplacés dans le nord d'Idlib, en Syrie.

Une « tempête » en gestation en Syrie déchirée par la guerre et confrontée au coronavirus

Droits de l'homme

Une « tempête » se prépare maintenant que la région syrienne d’Idlib déchirée par la guerre est confrontée à la pandémie mondiale de Covid-19, a alerté mardi la Commission d’enquête de l’ONU sur la Syrie qui dénonce aussi les violations des droits de l’homme et les crimes de guerre commis dans cette région.

« Il est tout à fait odieux qu’après plus de 9 ans, des civils continuent d’être attaqués sans discernement, voire pris pour cible, alors qu’ils vaquent à leurs occupations quotidiennes », a déclaré mardi le Président de la Commission, Paulo Pinheiro.

Sur le terrain, près d’un million de civils déplacés sont maintenant confrontés « à un avenir incertain ». Comme si les souffrances qu’ils ont endurées n’étaient pas suffisantes, l’émergence de la pandémie du nouveau coronavirus a amplifié la situation humanitaire déjà désastreuse en Syrie, notamment à Idlib et dans l’ouest d’Alep.

En écho à l’appel du Secrétaire général pour un cessez-le-feu durable et à la lumière de la pandémie de Covid-19, la Commission d’enquête recommande à toutes les parties d’assurer la protection des personnes déplacées qui souhaitent retourner dans leurs foyers. Il s’agit surtout d’empêcher « le pillage ou la destruction des biens civils, en protégeant la jouissance sur une base non discriminatoire des droits socio-économiques et culturels fondamentaux tels que la santé et l’éducation.

En pleine pandémie de Covid-19, les enquêteurs indépendants invitent les différentes parties à garantir le respect des droits civils et politiques, y compris la protection contre la détention arbitraire. « Aujourd’hui plus que jamais, les civils ont besoin d’un accès soutenu et sans entrave à l’aide humanitaire, qui ne doit être ni politisée par les États membres ni instrumentalisée par les parties au conflit », a affirmé l’un des membres de la Commission, Hanny Megally. « Les pandémies ne connaissent pas de frontières, pas plus que l’aide qui sauve des vies ».

A la date du 6 juillet, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a recensé près de 358 cas confirmés de Covid-19 dont13 décès.

En plus de l’impact du nouveau coronavirus, ce nouveau rapport de 29 pages publié mardi a couvert la période de novembre 2019 à juin 2020 dans la région d’Idlib. Une période au cours de laquelle la Commission d’enquête a fait état de 52 attaques emblématiques de toutes les parties qui ont fait des victimes civiles ou causé des dommages aux infrastructures civiles.

Des raids aériens du gouvernement ont visé les enfants à l’école, des marchés et des hôpitaux

Parmi ces attaques, 17 ont touché des hôpitaux et des installations médicales, 14 des écoles, 9 des marchés et 12 des maisons. « Des enfants ont été bombardés à l’école, des parents au marché, des patients à l’hôpital..., et des familles entières ont été bombardées même pendant leur fuite », a fustigé M. Pinheiro. « Ce qui ressort clairement de la campagne militaire, c’est que les forces pro-gouvernementales et les terroristes désignés par l’ONU ont violé de manière flagrante les lois de la guerre et les droits des civils syriens », a-t-il poursuivi.

Le bombardement généralisé et aveugle effectué par les forces pro-gouvernementales sur Ma’arrat al-Nu’man et Ariha (gouvernorat d’Idlib) ainsi que sur Atarib et Darat Azza (ouest d’Alep) à partir de la deuxième quinzaine de décembre et de la mi-février, a vraisemblablement entraîné des déplacements massifs, les civils n’ayant d’autre choix que de fuir. Les enquêteurs onusiens estiment que cela peut constituer « un crime contre l’humanité sous forme de transfert forcé, de meurtre et d’autres actes inhumains ». 

« Les enfants, les femmes et les hommes syriens ont enduré des souffrances insondables pendant la campagne militaire lancée fin 2019 par les forces pro-gouvernementales pour reprendre les dernières zones encore sous le contrôle des groupes armés en Syrie », ont-ils fait valoir. Une façon de rappeler ces « dangers mortels » qui attendaient les civils à chaque tournant de leur vie : des bombardements aériens et terrestres aveugles, aux arrestations et tortures, aux pillages et aux conditions de déplacement désastreuses à la frontière.

Les crimes de guerre de Hayat Tahrir al-Sham

Lors de cette campagne militaire pour reprendre Idlib et certaines parties de l’ouest d’Alep, les forces du gouvernement syrien, aux côtés des forces aériennes russes, ont ainsi mené des attaques aériennes et terrestres qui ont « décimé les infrastructures civiles, dépeuplé les villes et les villages et coûté la vie à des centaines de femmes, d’hommes et d’enfants syriens ».

« De nombreux hôpitaux, écoles, marchés et maisons ont été détruits par des attaques aériennes et terrestres, ces dernières incluant l’utilisation de bombes à sous-munitions, dans des actes équivalant à des crimes de guerre consistant à lancer des attaques sans discrimination, et des attaques délibérées contre des objets protégés », a dénoncé la Commission d’enquête.

Lorsque les civils ont fui, les groupes terroristes de Hayat Tahrir al-Sham (HTS) ont pillé leurs maisons. Au fil des combats, les groupes djihadistes ont détenu, torturé et exécuté des civils exprimant des opinions dissidentes, y compris des journalistes.

De plus, HTS a bombardé sans discernement des zones civiles densément peuplées, semant la terreur parmi les civils vivant dans les zones gouvernementales. « Les actes commis par les membres de HTS constituent des crimes de guerre », a déclaré Karen Koning AbuZayd, membre de la Commission.

En conclusion, les enquêteurs indépendants onusiens ont exhorté la communauté internationale à s’inscrire dans une politique de reddition des comptes pour ces crimes décrits dans ce rapport, qui sera présenté les 14 et 15 juillet à Genève lors d’un dialogue interactif de la 44e session du Conseil des droits de l’homme.