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Impact du coronavirus sur la lutte contre le VIH : ONUSIDA craint un bond en arrière de 10 ans

La Directrice exécutive d'ONUSIDA, Winne Byanyima.
Photo : ONU/Amanda Voisard
La Directrice exécutive d'ONUSIDA, Winne Byanyima.

Impact du coronavirus sur la lutte contre le VIH : ONUSIDA craint un bond en arrière de 10 ans

Santé

La riposte au sida pourrait connaître un bond en arrière de 10 ans si la pandémie de Covid-19 interrompt gravement les services de lutte contre le VIH, a prévenu lundi le Programme commun des Nations Unies contre le VIH/sida (ONUSIDA) lors de la publication de son dernier rapport mondial.

La pandémie de Covid-19 a lourdement perturbé la riposte au sida et pourrait continuer sur sa lancée. Une interruption totale de six mois du traitement contre le VIH entraînerait plus de 500.000 morts supplémentaires en Afrique subsaharienne l’année prochaine (2020-2021). Ce revers ramènerait le taux de mortalité lié au sida dans la région à celui de 2008. Une interruption, ne serait-ce que de 20%, provoquerait 110.000 morts supplémentaires.

Pour lutter contre les épidémies conjuguées de VIH et du coronavirus, l’ONUSIDA et ses partenaires mènent une campagne mondiale en faveur d’un vaccin universel contre la Covid-19. L’appel a déjà reçu la signature de 150 responsables et spécialistes du monde entier. Il exige que tous les vaccins, traitements et tests soient libres de brevet, produits en masse et distribués gratuitement et équitablement à l’ensemble de la population.

L’ONUSIDA presse également les pays à augmenter leurs investissements pour combattre ces deux maladies. Les investissements pour riposter au VIH ont chuté de 7% entre 2017 et 2019 et représentent 18,6 milliards de dollars. Ce revers signifie qu’il manque 30% au budget de 26,2 milliards de dollars nécessaire à une riposte efficace au VIH pour 2020.

« Nous ne laisserons pas les pays pauvres passer en dernier. La protection contre ces virus mortels ne doit pas dépendre de votre compte en banque ni de la couleur de votre peau », insiste Winnie Byanyima, Directrice exécutive de l’ONUSIDA. « Nous ne pouvons pas puiser dans les financements d’une maladie pour en soigner une autre. Le VIH et la Covid-19 doivent bénéficier de financements exhaustifs pour éviter la perte massive de vies humaines ».

De grands écarts dans l’accès à la thérapie antirétrovirale

Depuis 2015, 3,5 millions d’infections au VIH et 820.000 morts supplémentaires liés au sida sont imputables à des objectifs non atteints. Elles auraient été évitées si les objectifs fixés pour 2020 avaient été réalisés, estime ONUSIDA.

Le nouveau rapport de l’agence onusienne relate des avancées notables, mais marquées par de grands écarts, en particulier dans le déploiement de l’accès à la thérapie antirétrovirale. Le rapport souligne l’urgence pour les pays de redoubler d’efforts et d’agir sans tarder pour soigner les millions de personnes laissées de côté.

« Nous devrons mener des actions efficaces chaque jour de la décennie à venir pour remettre le monde sur la voie des objectifs 2030 et mettre fin à l’épidémie du sida », a déclaré Mme Byanyima. « Des millions de vies ont été sauvées, en particulier des vies de femmes en Afrique. Les nombreuses avancées enregistrées doivent être partagées avec toutes les communautés du monde. La stigmatisation et la discrimination ainsi que les inégalités généralisées sont autant d’obstacles à surmonter pour mettre fin à l’épidémie de sida. Les pays doivent écouter les preuves apportées, prendre leurs responsabilités et défendre les droits humains ».

Quatorze pays ont atteint le triple objectif 90-90-90 du traitement contre le VIH (90% des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut sérologique ; 90% des personnes se sachant séropositives suivent un traitement antirétroviral ; 90% des personnes sous traitement antirétroviral présentent une charge virale indétectable).

Alors qu’il affiche l’un des taux de prévalence parmi les plus élevés au monde, 27% en 2019, l’Eswatini fait partie de ces pays et a même déjà dépassé ces objectifs pour atteindre le suivant : 95-95-95.

Le déploiement de la thérapie antirétrovirale a sauvé des millions de vies et évité des millions de nouvelles infections. Pourtant, 690.000 personnes sont mortes de maladies liées au sida l’an dernier. 12,6 millions sur les 38 vivant avec le VIH n’avaient pas accès au traitement vital.

Grand retard dans la prévention de nouvelles infections au VIH

Le monde a accumulé un grand retard dans la prévention de nouvelles infections au VIH. 1,7 million de personnes a contracté le virus, soit plus du triple de l’objectif mondial. On constate des progrès en Afrique orientale et australe, où les nouvelles infections au VIH ont reculé de 38%, depuis 2010. Ces chiffres contrastent avec ceux d’Europe de l’Est et d’Asie centrale où les nouvelles infections au VIH ont explosé de 72% depuis 2010. Leur nombre a également bondi de 22% au Moyen-Orient et en Afrique du Nord et de 21% en Amérique latine.

L’ONUSIDA fait état d’avancées disparates aux dépends des personnes vulnérables. 62% environ des nouvelles infections au VIH concernent les gays et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, les professionnel-les du sexe, les consommatrices et consommateurs de drogues et la population incarcérée, alors même qu’ils ne représentent qu’une très faible part de la population globale.