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Situation « désespérée » au Yémen, l’ONU demande un cessez-le-feu et un financement humanitaire immédiats

Des millions de Yéménites dépendent de l'aide humanitaire pour survivre, comme cette femme d'Abs dans le nord du Yémen.
OCHA/Giles Clarke
Des millions de Yéménites dépendent de l'aide humanitaire pour survivre, comme cette femme d'Abs dans le nord du Yémen.

Situation « désespérée » au Yémen, l’ONU demande un cessez-le-feu et un financement humanitaire immédiats

Aide humanitaire

Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a alerté, vendredi, sur « la situation désespérée au Yémen, où le système de santé est au bord de l’effondrement ».

« Nous craignons que d’innombrables vies soient perdues non seulement à cause de la Covid-19 mais aussi à cause du paludisme, du choléra, de la dengue et d’autres maladies », a déclaré le porte-parole du HCDH, Rupert Colville, lors d’un point de presse depuis Genève. Les services de la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, demandent aux donateurs internationaux d’apporter une aide immédiate aux millions de personnes qui ont déjà enduré cinq années de conflit dans ce pays du Moyen-Orient.

Le Haut-Commissariat indique avoir reçu des informations faisant état d’hôpitaux refusant des personnes malades, dont certaines avaient du mal à respirer et souffraient d’une forte fièvre. « Il n’y a tout simplement pas de lits, peu d’équipement, peu de personnel et pratiquement pas de médicaments », a détaillé M. Colville. De nombreux centres de santé en activité manquent d’équipements de base pour traiter le nouveau coronavirus. « Les travailleurs de la santé n’ont pas d’équipement de protection et la plupart ne reçoivent pas de salaire, ce qui fait que les travailleurs de la santé ne se présentent pas au travail », a ajouté le porte-parole du HCDH.

Les services de Mme Bachelet prônent donc « un cessez-le-feu immédiat », une meilleure protection des Yéménites et l’accès aux traitements médicaux et aux informations afin de contenir la propagation de foyers mortels actuels au Yémen. « Et nous exhortons aux parties en conflit à permettre un accès sans entrave et l’acheminement de l’aide humanitaire dont les civils ont tant besoin dans tout le Yémen », a plaidé le porte-parole du Haut-Commissariat.

595 cas confirmés de Covid-19 dont 137 décès (OMS)

Le 2 juin dernier, le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, avait déjà tiré la sonnette d’alarme sur la situation au Yémen engagé « dans une course contre la montre ». Dans ce pays du sud de la péninsule arabique, quatre personnes sur cinq - soit 24 millions de personnes au total - ont besoin d’une aide vitale dans ce qui demeure « la plus grande crise humanitaire au monde ». « Plus de 30 des 41 programmes soutenus par les Nations Unies au Yémen seront suspendus dans les prochaines semaines si des fonds supplémentaires ne sont pas obtenus », a insisté M. Colville, rappelant que le pays a besoin, plus que jamais aujourd’hui, de l’aide internationale.

Selon un bilan établi ce vendredi par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Yémen compte 595 cas confirmés de Covid-19 dont 137 décès. « Le taux de létalité est alarmant et se situe autour de 24 % », a précisé le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de des Nations Unies (OCHA). L’agence onusienne note qu’à la date du 6 juin, la majorité des infections confirmées se trouvait à Aden, où 130 cas ont été signalés, dont 5 décès. Vient ensuite Hadramaout où 126 cas, dont 48 décès, ont été signalés.

« Les rapports continuent d’indiquer que beaucoup plus de personnes sont symptomatiques et meurent avec des symptômes de type Covid-19 », a affirmé Jens Laerke, porte-parole d’OCHA à Genève. Les personnes présentant des symptômes légers ou modérés ne cherchent souvent pas à se faire soigner et ne se font soigner que lorsqu’elles sont gravement malades. « La crainte de la stigmatisation, les inquiétudes concernant la sécurité, l’impossibilité d’accéder aux tests et les risques perçus de la recherche de soins peuvent expliquer pourquoi les personnes ne cherchent pas à se faire soigner plus tôt », a-t-il ajouté.

Face à cette situation humanitaire alarmante, les organismes d’aide intensifient la réponse sur le terrain. La priorité est de miser sur la suppression de la transmission du virus par le biais de l’engagement communautaire et de campagnes d’information publique.

« Les enfants au cœur de la pire catastrophe humanitaire du monde ont besoin d’aide » - UNICEF

Mais pour les agences humanitaires, il est difficile de poursuivre leur travail sur le terrain en l’absence de financement. À ce jour, l’appel de 479 millions de dollars lancé par le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) n’est financé qu’à hauteur de 38%. « Au Yémen, les besoins humanitaires n’ont jamais été aussi importants, ni des financements aussi limités », a regretté Marixie Mercado, porte-parole de l’UNICEF. Ce déficit de financement impacte déjà les opérations d’urgence en matière d’eau, d’assainissement et d’hygiène. La réponse à la pandémie de Covid-19 est également gravement sous-financée. À ce jour, seuls 10 % des 53 millions de dollars dont l’UNICEF a besoin ont été reçus.

Or ce manque de fonds obligerait l’agence onusienne à suspendre dès le mois de juillet les services d’eau, d’assainissement et d’hygiène Un dispositif pourtant important pour prévenir à la fois le choléra et le nouveau coronavirus dans un contexte où des millions de personnes n’ont pas accès à des installations de lavage des mains. « Si elle ne dispose pas des 48 millions de dollars immédiatement, l’UNICEF ne sera pas en mesure de fournir des articles de protection individuelle et un soutien opérationnel à 25.000 travailleurs de première ligne, y compris le personnel de santé », a fait valoir Mme Mercado.

Depuis le début de l’épidémie, l’UNICEF a expédié plus de 33.000 respirateurs N95, 33.000 écrans faciaux et 18.000 blouses - un équipement de protection individuelle essentiel dont ont besoin les travailleurs de première ligne. Mais cela ne représente que 5 % des fournitures de Covid dont l’agence onusienne a besoin.  « Les enfants au cœur de la pire catastrophe humanitaire du monde ont besoin d’aide. Le financement des opérations au Yémen dont celle contre la Covid-19 est essentiel à leur survie », a insisté la porte-parole de l’UNICEF, appelant « les donateurs à s’engager et à aller encore plus loin pour soutenir ce travail qui sauve des vies ».