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Corée du Nord : un Expert de l’ONU préoccupé par « les pénuries alimentaires et une malnutrition généralisées »

Le PAM soutient une usine de produits alimentaires dans le district de Ryongsong, en Corée du Nord.
Photo : ONU/Colin Kampschoer
Le PAM soutient une usine de produits alimentaires dans le district de Ryongsong, en Corée du Nord.

Corée du Nord : un Expert de l’ONU préoccupé par « les pénuries alimentaires et une malnutrition généralisées »

Aide humanitaire

Un Expert indépendant des droits de l’homme des Nations Unies a exprimé mardi son inquiétude face à ce qu’il a appelé « des pénuries alimentaires et une malnutrition généralisées » en République populaire démocratique de Corée (RPDC).

« Le manque de nourriture a eu un impact dévastateur en RPDC dans les années 1990, et les perspectives d’une nouvelle aggravation des pénuries alimentaires et d’une insécurité alimentaire généralisée sont alarmantes », a déclaré Tomas Ojea Quintana, Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme en RPDC.

Il a donc appelé à une action gouvernementale et internationale urgente pour assurer l’approvisionnement alimentaire. « Le gouvernement doit agir rapidement sur cette question en donnant la priorité aux allocations financières et en permettant que l’aide humanitaire soit fournie sur le terrain sans restriction », a-t-il ajouté.

Selon l’Expert indépendant onusien, cette situation a été exacerbée par les mesures anti Covid-19, notamment la fermeture de la frontière avec la Chine pendant près de cinq mois. « La fermeture de la frontière entre la RPDC et la Chine depuis le 21 janvier 2020 a exacerbé la crise alimentaire, dévastant le commerce transfrontalier et sapant les revenus des commerçants », a-t-il fait valoir. «

On a signalé une augmentation du nombre de sans-abri dans les grandes villes - notamment des kotjebi (enfants des rues), et le prix des médicaments serait monté en flèche. Un nombre croissant de familles ne mangent que deux fois par jour, ou ne mangent que du maïs, et certaines sont affamées », a-t-il déclaré dans un communiqué.

M. Quintana demande au Conseil de sécurité de « reconsidérer les sanctions » contre la RPDC

Tomas Ojea Quintana a d’ailleurs demandé au Conseil de sécurité des Nations Unies de « reconsidérer les sanctions » contre la RPDC afin d’assurer la circulation des denrées alimentaires. « Dans un contexte où la pandémie entraîne des difficultés économiques dramatiques pour la RPDC, j’encourage le Conseil de sécurité des Nations unies à reconsidérer les sanctions, à la lumière de l’impact sur les moyens de subsistance des populations et la capacité de réaction du gouvernement », a plaidé le Rapporteur spécial, qui appelle également Pyongyang « à accélérer la levée des restrictions de mouvement pour les acteurs humanitaires ».

« Je prends note des exemptions liées à la Covid-19 faites par le Comité des sanctions de la résolution 1718 du Conseil », a-t-il relevé. Toutefois,  selon lui la crise met en évidence « les difficultés économiques auxquelles sont confrontés les Nord-Coréens et l’impact préjudiciable des sanctions sur le respect des droits socio-économiques fondamentaux ».

En réponse à une question, Elisabeth Byrs, porte-parole du Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies, a déclaré lors d’un point de presse à Genève que la situation humanitaire en Corée du Nord « reste sombre », avec quelque 10 millions de personnes, soit 40 % de la population, ayant besoin d’aide humanitaire. « En cette période de grand besoin, la communauté internationale ne doit pas détourner le regard », a-t-elle plaidé.

Selon l’Agence onusienne, la population nord-coréenne, y compris les 1,7 million d’enfants de moins de 5 ans, vit également sous la menace de catastrophes naturelles récurrentes, et maintenant, de la pandémie mondiale de Covid-19. Si « aucun cas officiel de Covid-19 n’a été recensé en RPDC à ce jour », le PAM rappelle que le système de santé dans ce pays est déjà « confronté à de sérieux défis, en particulier dans les zones rurales et difficiles d’accès ».

Malgré des récoltes céréalières encourageantes, des niveaux de malnutrition toujours élevés

De plus, les mesures préventives imposées, telles que la quarantaine, peuvent également affecter l’accès de ces groupes vulnérables aux aliments nutritifs dont ils ont besoin pour rester en bonne santé. Selon l’Agence onusienne, la malnutrition est persistante et répandue, causant des dommages à long terme à la santé et au développement des enfants, ainsi qu’aux femmes enceintes et allaitantes.  Près d’un enfant de moins de cinq ans sur dix présente une insuffisance pondérale et un enfant sur cinq souffre d’un retard de croissance.

« Une malnutrition de cette ampleur signifie que des dommages irréversibles sont causés à des centaines de milliers d’enfants. En outre, 28,7 % des jeunes enfants et 31,2 % de leurs mères sont anémiques », insiste le PAM. « Des récoltes céréalières favorables sont encourageantes, mais cela ne suffira pas à lui seul pour faire face à des niveaux de malnutrition aussi élevés », a dit Mme Byrs dans une note distribuée aux médias. Dans ces conditions, les interventions du PAM en matière de nutrition sont conçues pour s’attaquer directement à ces problèmes du manque suffisant de nutriments. 

Par ailleurs, l’Agence onusienne note que des progrès ont été réalisés en matière de sécurité alimentaire, de santé et de nutrition des enfants au cours de la dernière décennie. Des améliorations ont été également réalisées dans la réduction de la mortalité et de la malnutrition des nourrissons et des enfants de moins de cinq ans.

« Parallèlement aux avancées réalisées dans l’enseignement primaire et les services de santé, cela signifie que de nombreux enfants en RPDC bénéficient désormais d’un meilleur départ dans la vie », conclut le PAM.

NOTE :
Les experts indépendants font partie de ce qui est désigné sous le nom des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Les procédures spéciales qui constituent le plus grand groupe d’experts indépendants dans le système des Nations unies des droits de l’homme, sont les mécanismes indépendants d’enquête et de surveillance du Conseil qui traitent, soit de situations spécifiques de pays ou de questions thématiques dans toutes les régions du monde.
Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire; ils ne sont pas fonctionnaires de l’ONU et ne reçoivent pas un salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et siègent à titre individuel
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