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Télétravail : la Covid-19 annonce d’un bouleversement du monde du travail

Susan Hayter, de l'OIT, a fait du télétravail pendant la pandémie de coronavirus.
Photo OIT
Susan Hayter, de l'OIT, a fait du télétravail pendant la pandémie de coronavirus.

Télétravail : la Covid-19 annonce d’un bouleversement du monde du travail

Développement économique

Des centaines de milliers d’employés en Europe, et ailleurs dans le monde, ont découvert le télétravail pendant la pandémie de coronavirus Covid-19. Cette expérience, dans des circonstances exceptionnelles, va « changer la donne pour longtemps », estime des spécialistes du travail à distance.

Pendant le confinement en France, environ 5 millions de personnes ont travaillé de chez elles, selon la ministre du Travail, Muriel Penicaud, qui les a invitées à continuer à télétravailler au moins jusqu’à l’été.

En Belgique, où près de 62% de la population active a télétravaillé pendant le confinement, 9 travailleurs sur 10 ont plébiscité le télétravail et souhaitent le poursuivre d’une certaine façon dans le futur, selon une étude menée par E.Bloom, une start-up belge. 

« Je dis depuis des années que le télétravail est l’avenir. Avec le confinement, il s’est imposé de façon brutale et souvent sans préparation. Et malgré tout, on constate que ça fonctionne ! », se réjouit Jon Messenger, spécialiste des conditions de travail à l’Organisation internationale du Travail (OIT) et auteur de plusieurs études sur le télétravail.

Pour lui, il ne fait aucun doute que ce télétravail « forcé » va contribuer à « briser les résistances » qui existaient dans les organisations et les entreprises à proposer de travailler en dehors des bureaux. 

« La plus grande barrière, la résistance à la généralisation du télétravail, quand il est possible bien sûr, vient des managers. Il faut un vrai changement dans la culture de l’organisation ou de l’entreprise, dans la façon de superviser », explique Jon Messenger.

« Certains managers se basent sur la présence, le nombre de chaises occupées dans un bureau, mais le seul fait d’être là n’est pas un critère pour mesurer des résultats. Il faut abandonner la politique du présentéisme et être très clair sur les objectifs et la mesure des résultats », poursuit-il. 

A la tête de la société LBMG Worklabs, une société qui apporte des conseils en télétravail aux entreprises du privées ou du public depuis plus de 10 ans, Nathanaël Mathieu espère aussi que cette expérience, un peu « brutale », va permettre de débloquer des obstacles au télétravail. « Je pense que cette période un peu spéciale va engendrer de profonds changements. C’est une opportunité à saisir pour bon nombre d’entreprises ». 

Du soutien et de la confiance

Dès le début du confinement en Europe, Jon Messenger a posté sur le site de l’OIT une vidéo qui résume quelques règles simples pour réussir son télétravail. 

La réussite du travail à distance réside aussi dans la préparation - Jon Messenger, OIT

Pour ce spécialiste, il y a deux maîtres mots, le soutien, que le management doit apporter aux travailleurs et la confiance. « Le soutien est la clé et la confiance est le ciment du télétravail. C’est important entre les managers et les employés, les employés et leurs superviseurs et aussi entre les membres de l’équipe », indique-t-il. 

La réussite du travail à distance réside aussi dans la préparation, note Jon Messenger, qui va bientôt publier un guide pour aider les entreprises et les salariés. 

« Alors qu’entreprises et salariés ont dû s’adapter au télétravail en « mode crise », il est apparu que le premier défi a été d’assurer la connectivité et que « chacun ait à disposition les outils nécessaires au télétravail et sache s’en servir », indique M. Messenger.

Pour lui, il faut laisser aux travailleurs la possibilité de travailler aux heures et aux endroits qui leur conviennent le mieux, afin qu’ils puissent être le plus productifs possible. Cependant il faut veiller à maintenir un équilibre entre travail et vie privée. « L’avantage du télétravail réside dans sa très grande flexibilité, mais il faut savoir déconnecter », poursuit-il.

Apprendre à déconnecter 

« Contrairement à l’idée reçue que le télétravail diminue la productivité, on se rend compte que les gens ont tendance à travailler plus lorsqu’ils sont à distance, notamment parce qu’ils économisent sur les temps de transports et parce qu’ils veulent montrer qu’ils sont aussi efficaces qu’au bureau », constate-t-il. 

« On peut voir des burn-out chez des gens qui télétravaillent, la tendance est plutôt à en faire plus que moins », note Nathanaël Mathieu.

« Cela peut être aussi difficile pour des employés qui se rendent compte que leur travail n’était pas très utile. Le télétravail révèle très vite des dysfonctionnements que l’on ne voyait pas au bureau », ajoute ce jeune chef d’entreprise qui gère aussi des espaces de co-working en France.

Réduire les temps de trajets, c’est plus de temps pour soi, parfois pour le travail, mais c’est aussi moins de stress et une moindre empreinte carbone - Nathanaël Mathieu, chef d'entreprise

« Travailler plus près de chez soi, ou d’où on veut , comme dans des espaces de travail partagé, va se développer aussi », estime Jon Messenger, co-auteur d’une étude intitulée « Working anytime, anywhere » (Travailler n’importe quand, de n’importe où ) pour l’Union européenne. 

« Réduire les temps de trajets, c’est plus de temps pour soi, parfois pour le travail, mais c’est aussi moins de stress et une moindre empreinte carbone », explique Nathanaël Mathieu.

Comme Jon Messenger, il estime cependant qu’en général il vaut mieux limiter le télétravail à maximum trois jours par semaine. « Si on ne va jamais au bureau, on peut se sentir déconnecté de l’équipe, isolé, rater des informations, celles par exemple qui ne sont pas écrites mais qui circulent dans les couloirs, comme des opportunités de poste, de promotion, etc. » 

« Il y a aussi des gens qui sont plus autonomes, qui s’adaptent très bien à travailler à distance et sont mêmes plus performants. La clé est la flexibilité, que chacun se sente à l’aise et dans les meilleures conditions pour effectuer les tâches assignées », conclut M. Messenger.