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Plus de 20.000 civils tués ou blessés en 2019 dans seulement 10 conflits (ONU)

La ville de Wau, au Soudan du Sud, après des violences. Des milliers de Sud-Soudanais ont été contraints de fuir cette ville en 2017 en raison du conflit
MINUSS/Nektarios Markogiannis
La ville de Wau, au Soudan du Sud, après des violences. Des milliers de Sud-Soudanais ont été contraints de fuir cette ville en 2017 en raison du conflit

Plus de 20.000 civils tués ou blessés en 2019 dans seulement 10 conflits (ONU)

Paix et sécurité

Le Conseil de sécurité des Nations Unies a tenu mercredi un débat public consacré à la protection des civils en période de conflit armé. Ces derniers, déjà affaiblis par des années de violence, sont particulièrement vulnérables à la pandémie de Covid-19, a alerté le chef de l’ONU.

La protection des civils est une responsabilité collective. « (Elle) doit être le fruit d’un effort conjoint des gouvernements, de la société civile, des organisations internationales et des autres parties concernées », a déclaré le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, lors de son intervention devant le Conseil.

Un tel effort conjoint est d’autant plus nécessaire à l’heure de la pandémie de Covid-19, a rappelé le Secrétaire général. « Alors que l’accès aux services et à la sécurité est réduit, et que certains dirigeants profitent de la pandémie pour adopter des mesures répressives, il est encore plus difficile d’assurer la protection des personnes les plus vulnérables, a fortiori dans les zones de conflit, où les civils étaient déjà très exposés », a-t-il déploré, soulignant notamment la vulnérabilité des réfugiés et des personnes déplacées chez qui des cas de Covid-19 ont été recensés au Bangladesh et au Soudan du Sud.

En mars, le chef de l’ONU avait lancé un appel à un cessez-le-feu mondial afin de lutter efficacement contre un coronavirus qui ne connaît aucune frontière. Deux mois après son appel, il n'a pu que constater que les témoignages de soutien au cessez-le-feu « n’ont pas été suivis d’effets ».

Dans certains cas, la pandémie peut même inciter les parties belligérantes à consolider leur avantage ou à frapper fort alors que l’attention de la communauté internationale est tournée ailleurs. « Ces deux scénarios pourraient entraîner un regain de violence, et ce sont toujours les civils qui en paient le prix », a déploré M. Guterres, citant, chiffre à l’appui, l’exemple des 58 civils morts et 190 autres blessés en Libye entre le 1er avril et le 18 mai.

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La protection des civils est un mandat essentiel pour de nombreuses opérations de maintien de la paix des Nations Unies, notamment en République centrafricaine.
Photo : ONU/Hervé Serefio
La protection des civils est un mandat essentiel pour de nombreuses opérations de maintien de la paix des Nations Unies, notamment en République centrafricaine.

Le maintien de la paix, outil de protection des civils dans les zones de conflit

Devant le Conseil de sécurité, le chef de l’ONU a souligné que les opérations de maintien de la paix des Nations Unies sont « l’un des moyens les plus efficaces » de protéger les civils dans les zones de conflit du monde entier.

« Nos Casques bleus aident désormais les autorités nationales à lutter contre la pandémie, en protégeant le personnel de santé et les travailleurs humanitaires et en facilitant l’accès aux dispositifs d’aide et de protection », a ainsi rappelé M. Guterres.

Le Secrétaire général a ainsi cité en exemple le travail de la Mission des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUSCO) qui a contribué au succès de la lutte contre l’épidémie d’Ebola dans l’est de la RDC. Il a également mentionné les efforts de la MINUSCA en République centrafricaine (RCA) et de la MINUSMA au Mali - deux opérations de paix onusiennes qui collaborent avec les autorités nationales pour endiguer la propagation du coronavirus tout en s’acquittant de leurs mandats de protection des civils.

« Mais les perspectives sont peu réjouissantes », a reconnu M. Guterres. Son dernier rapport sur la protection des civils en période de conflit armé montre que peu de progrès ont été réalisés en faveur de la protection des civils et le respect du droit international en 2019. Plus de 20 000 civils ont été tués ou blessés l’année dernière dans seulement 10 conflits : en Afghanistan, en RCA, en Iraq, en Libye, au Nigéria, en Somalie, au Soudan du Sud, en Syrie, en Ukraine et au Yémen. « Or ce chiffre, qui ne porte que sur des cas vérifiés par l’ONU, ne représente qu’une fraction du nombre total de victimes », a dit le Secrétaire général.

En 2019, des dizaines de milliers d’enfants ont été forcés de prendre part à des conflits armés qui ont entraîné le déplacement de millions de personnes et demeurent la cause première de la faim dans le monde.

Garantir le respect du droit international et contrer l’utilisation malveillante des technologies

Le chef de l’ONU a, de nouveau, demandé aux États de renforcer la protection des civils en période de conflit armé qui doit être axée autour de quatre actions :

1/ Revoir et repenser leur approche des combats urbains, en s’engageant en faveur de la protection des civils dans leur doctrine, leur stratégie et leurs tactiques. Cela implique notamment de conditionner les exportations d’armes au respect du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme.

2/ Alors que les drones armés sont de plus en plus utilisés pour mener des attaques dans de nombreux conflits armés, notamment en Libye et au Yémen, les Etats doivent réaffirmer la prépondérance du droit international sur leur utilisation.

3/ Se pencher sur les implications juridiques, morales et éthiques du développement de systèmes d’armes létaux autonomes. « Mon intime conviction est que les machines qui ont la capacité et la liberté de tuer sans qu’aucun être humain n’intervienne doivent être interdites par le droit international », a dit M. Guterres.

4/ Combattre l’utilisation malveillante des technologies numériques contre des infrastructures civiles essentielles. Plusieurs pays font état d’une augmentation des cyberattaques contre des établissements de santé, en pleine pandémie de Covid-19. « Nous devons faire davantage pour prévenir et mettre fin à ces nouvelles formes d’agression, qui peuvent gravement nuire aux populations civiles », a dit le chef de l’ONU.

Selon M. Guterres, « la protection des civils exige que nous fassions bien davantage pour faire appliquer le droit international et traduire en justice ceux qui agissent en violation de ce droit. Nous devons également faire plus pour prévenir, endiguer et résoudre les conflits ». Le Secrétaire général demeure convaincu que les solutions politiques durables restent le seul moyen de s’assurer que les civils sont à l’abri du danger.