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Afrique de l’Ouest et du Centre : les conflits et le Covid-19 menacent des millions de personnes

Des Camerounais déplacés par des attaques de Boko Haram ont été formés à la fabrication d'articles en cuir afin de générer des revenus. (Janvier 2019)
Photo : ONU/Eskinder Debebe
Des Camerounais déplacés par des attaques de Boko Haram ont été formés à la fabrication d'articles en cuir afin de générer des revenus. (Janvier 2019)

Afrique de l’Ouest et du Centre : les conflits et le Covid-19 menacent des millions de personnes

Aide humanitaire

L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) intensifie ses efforts à travers toute l’Afrique de l’Ouest et du Centre pour protéger des millions de personnes vulnérables confrontées à un risque renouvelé des effets combinés du conflit et de la pandémie de coronavirus.

« Il s’agit de soutenir les gouvernements pour les aider à faire face à la détérioration de la crise humanitaire. Notre objectif est de garantir l’accès à la sécurité et d’essayer d’atténuer les effets de la pandémie », a déclaré Babar Baloch, porte-parole du HCR, lors d’une conférence de presse virtuelle ce vendredi à Genève.

La pandémie de Covid-19 a exacerbé les défis dans une région déjà confrontée à l’une des plus grandes crises humanitaires au monde, impliquant plus de neuf millions de personnes déplacées de force. La pandémie a entraîné la fermeture des frontières et a ajouté une pression accrue sur les systèmes de santé fragiles et les économies faibles.

Selon le HCR, 21 pays de la région ont jusqu’ici signalé des cas pour un total de plus de 5.000 cas de Covid-19 et plus de 100 décès depuis la première détection le 28 février dernier. Jusqu’à présent, seules les populations hôtes semblent avoir été touchées et aucun cas de coronavirus n’a été signalé jusqu’à présent parmi les personnes déplacées.

« Toutefois, l’absence d’efforts concertés et coordonnés pour prévenir une épidémie pourrait conduire à une catastrophe humanitaire avec une forte augmentation du nombre de personnes touchées », a mis en garde M. Baloch.

Comme ailleurs dans le reste du monde, ces pays ont officiellement imposé à divers niveaux, des restrictions aux mouvements internationaux qui vont de la fermeture complète ou partielle des frontières jusqu’à l’obligation d’autosurveillance pour les voyageurs débarquant dans le pays.

Bien que les restrictions liées au Covid-19 ne visent pas spécifiquement les réfugiés et les demandeurs d’asile, le HCR redoute les conséquences de telles mesures pour les personnes ayant besoin d’une protection internationale.

La violence et la pandémie limitent l’accès des humanitaires

« Nous sommes également préoccupés par la possibilité que des personnes cherchant la sécurité soient renvoyées dans des régions où règnent le danger », a dit aux médias le porte-parole du HCR.

L’agence onusienne redoute que les mouvements potentiels de Maliens, Nigérians, Nigériens, Camerounais et Soudanais cherchant une protection internationale soient entravés par ces restrictions.

Outre la sécurité précaire (en particulier dans le Sahel et le bassin du lac Tchad), les restrictions imposées par le Covid-19 entravent également les efforts humanitaires visant à soutenir et à aider les personnes dans le besoin.

Nous sommes également préoccupés par la possibilité que des personnes cherchant la sécurité soient renvoyées dans des régions où règnent le danger – Babar Baloch, porte-parole du HCR

Sur le terrain, la situation reste toujours préoccupante. Au Burkina Faso par exemple, les réfugiés maliens ont quitté leur camp de Goudoubo pour fuir les attaques des groupes armés. Certains se sont réfugiés dans les sites surpeuplés initialement réservés aux déplacés internes. Le HCR indique ignorer où se trouvent les autres. Les activités de délivrance de cartes d’identité et d’autres procédures administratives sont également suspendues.

Au Niger, l’accès humanitaire, déjà limité dans les régions du nord de Tahoua, de Tillabery et de Diffa en raison de la violence croissante, est maintenant encore plus restreint à cause de la pandémie. Au Mali, les campagnes de lutte contre les violences sexuelles et les programmes de sensibilisation sur les droits humains et la cohésion sociale sont temporairement suspendus afin de limiter les rassemblements publics.

En République centrafricaine, le personnel du HCR signale que dans certaines localités, des groupes armés forcent les déplacés internes à retourner dans leur lieu d’origine, leur reprochant la propagation potentielle du Covid-19.

Une employée de l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) s'occupe d'un bébé dans un centre de santé soutenu par l'ONU dans la région nord du Burkina Faso (photo d'archives).
OCHA/Giles Clarke
Une employée de l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) s'occupe d'un bébé dans un centre de santé soutenu par l'ONU dans la région nord du Burkina Faso (photo d'archives).

Le HCR adapte ses opérations pour atteindre les personnes dans le besoin

L’Afrique de l’Ouest et du Centre compte l’une des plus importantes populations déplacées en Afrique, avec quelque 5,6 millions de déplacés internes, 1,3 million de réfugiés, 1,4 million de rapatriés et 1,6 million d’apatrides.

Dans la région du Sahel, en Afrique de l’Ouest, les conflits armés et les attaques contre les civils ont déplacé près de 3 millions de personnes, dont près d’un million depuis janvier 2019. Et plus de 5 millions de personnes sont maintenant confrontées à des pénuries alimentaires.

Malgré les difficultés rencontrées dans toute la région, les organismes humanitaires se mobilisent sur le terrain. Le HCR adapte ainsi ses opérations pour atteindre les personnes dans le besoin. Au Burkina Faso, la situation est particulièrement dramatique en raison des niveaux de déplacement sans précédent dans ce pays.

Le HCR étudie actuellement la possibilité de relocaliser une partie des personnes vivant à Dori dans le camp de réfugiés de Goudoubo, qui est actuellement vide mais qui dispose de l’eau, des installations sanitaires et de soins de santé.

Au Mali, les activités se poursuivent à Tombouctou et dans d’autres lieux pour sensibiliser sur les droits de l’enfant et la prévention contre le Covid-19. Au Niger, le HCR identifie les camps surpeuplés et a entamé la planification des sites afin de respecter la distance nécessaire entre les abris. Dans le camp de Sayam Forage, le seul camp de réfugiés officiel du pays, une zone de transit supplémentaire est en cours de construction.

Au Cameroun, après une semaine de suspension, les équipes d’enregistrement dans l’Est et à Adamawa ont mis au point des outils qui leur permettent de reprendre l’enregistrement des déplacés internes. Le HCR a également mis en place une ligne téléphonique gratuite pour organiser l’accueil des réfugiés et des demandeurs d’asile sur rendez-vous pour l’enregistrement des nouveau-nés et la délivrance de documents.

Au Tchad voisin, à la demande du gouvernement, une approche d’enregistrement des visites à domicile est envisagée pour le nouveau camp de Kouchaguine, dans la ville de Farchana. 

En RCA, une ligne téléphonique d’urgence a été mise en place parallèlement à un mécanisme d’alerte communautaire afin de garder un œil sur les principales zones de retour des personnes déplacées.

Au nord-est du Nigéria, les rapatriés et les demandeurs d’asile des pays voisins continuent d’arriver, même si les frontières sont fermées. Le HCR assure un suivi auprès du gouvernement pour garantir un dépistage médical en plus de l’accès au territoire. Les camps de déplacés internes dans l’État de Borno sont surpeuplés, ce qui rend impossible toute distanciation sociale. 

Dans ces conditions, le HCR travaille avec les autres agences onusiennes pour aider à l’expansion des camps et des clôtures à Banki, Ngala et Bama.