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TEMOIGNAGE - Un médecin en RDC se prépare à une longue série de crises sanitaires

Une infirmière se prépare à vacciner un nourrisson lors d'une vaccination régulière dans la province du Nord-Kivu, en République démocratique du Congo.
Photo : © UNICEF/Thomas Nybo
Une infirmière se prépare à vacciner un nourrisson lors d'une vaccination régulière dans la province du Nord-Kivu, en République démocratique du Congo.

TEMOIGNAGE - Un médecin en RDC se prépare à une longue série de crises sanitaires

Santé

Les professionnels de la santé travaillant avec l'Organisation mondiale de la santé (OMS) dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC) sont confrontés à l'épidémie mortelle d'Ebola depuis août 2018. Cette expérience les aide à se préparer à l'arrivée de la dernière maladie en date, le Covid-19.

De nouveaux cas d'Ebola ont été signalés à Beni depuis le 10 avril, entraînant deux décès, malgré les espoirs antérieurs d'éradication de la maladie dans le pays.

Outre le virus Ebola, la population de la RDC doit également faire face au paludisme, à la rougeole et au choléra ainsi qu'à une insécurité permanente, ce qui explique en partie pourquoi les agents de santé qui tentent de vacciner les habitants contre le virus Ebola ont dû faire face à la méfiance, voire à la violence.

Dans un entretien accordé à ONU Info, le Dr Abdourahmane Diallo, qui dirige le programme de vaccination contre le virus Ebola de l'OMS en RDC, a expliqué qu'il s'agit d'un problème permanent : 

« Malheureusement, nous avons dû faire face à une certaine résistance concernant les nouveaux cas : la communauté ne croyait pas qu'il s'agissait de cas d'Ebola, ce qui rend la vie difficile à nos travailleurs sur le terrain. Mais nous faisons de notre mieux pour communiquer avec eux et convaincre tous ceux qui ont été en contact avec les patients de se faire vacciner.

Les cas de Covid-19 que nous connaissons sont deux personnes qui sont venues de Dubaï en Ouganda, puis ont essayé de se rendre à Beni. Dès que nous avons reçu le message, nous avons essayé de les isoler, et leurs conditions se sont améliorées.

Transmettre le bon message

Nous avions espéré pouvoir fermer les centres de traitement, mais maintenant, avec les cas d'Ebola et les cas de Covid-19, cela a changé. Mais les esprits sont bons. Je viens de Guinée, où nous avons eu le virus Ebola, et j'ai également coordonné les vaccinations en Sierra Leone. J'ai donc beaucoup d'expérience. Lorsque nous sommes confrontés à des défis, nous essayons de rester courageux : cela fait partie du métier d'agent de santé publique.

Le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres,visite le Centre de traitement d'Ebola de Mangina, dans l'est de la République démocratique du Congo, le 1er septembre 2019.
ONU/Martine Perret
Le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres,visite le Centre de traitement d'Ebola de Mangina, dans l'est de la République démocratique du Congo, le 1er septembre 2019.

 

La communication a été un problème majeur tout au long de l'épidémie d'Ebola, et nous nous attendons à avoir les mêmes problèmes avec le Covid-19. Par exemple, avant même les nouveaux cas d'Ebola de ce mois-ci, nous avons eu une réunion avec les autorités locales, pour nous assurer que la communauté ne recevait qu'un seul message, et que c'était le bon message. Au sein de notre équipe, nous devons également faire très attention à ce que nous soyons coordonnés et que nous parlions d'une seule voix.

Pour l'instant, cela semble fonctionner : la distanciation sociale a commencé ; les autorités ont fermé les boîtes de nuit, par exemple, et même sur les marchés, les gens essaient de rester à au moins un mètre les uns des autres.

Combattre les mythes et les rumeurs

La désinformation a été un problème. On dit que certains médicaments peuvent être utilisés pour vacciner contre le Covid-19, ce qui n'est pas vrai. Nous expliquons qu'il n'existe pas de vaccin contre le virus, et les essais sont toujours en cours. Ce message commence à passer, et nous continuons à vacciner contre Ebola.

Il est très important que nous continuions à retourner dans la communauté, autant de fois que nécessaire, pour faire passer notre message. Et nous devons prendre le temps de leur expliquer, et leur donner la possibilité de s'exprimer, sinon nous ne pouvons pas réussir. Parfois, cela signifie retourner à la communauté cinq ou six fois dans la même journée !

J'ai appris qu'il faut connaître la bonne façon de s'adresser à la communauté. Parfois, pour les mettre à l'aise, je ne porte pas de vêtements de la marque de l'OMS. Je m'habille simplement, j'apporte un téléphone portable de base, pour leur montrer que je suis comme eux, et que nous devons travailler ensemble pour lutter contre l'épidémie.

Protéger les professionnels de la santé

Le personnel d'un centre de traitement d'Ebola à Butembo, dans l'est de la RDC, désinfectent leurs bottes et nettoient leurs vêtements.
Photo : ONU/Martine Perret
Le personnel d'un centre de traitement d'Ebola à Butembo, dans l'est de la RDC, désinfectent leurs bottes et nettoient leurs vêtements.

 

Heureusement, nous disposons de suffisamment de vêtements de protection, grâce à notre campagne de vaccination : depuis un certain temps, nous vaccinons toute personne ayant été en contact avec un patient atteint d'Ebola, et nous ne savons pas si elle présente un risque élevé ou faible. Nous devons donc nous assurer que nous sommes pleinement protégés.

Et lorsque nous nous rendons dans la communauté, nous vaporisons les chaises, les tables, tout, et nous nous assurons que notre équipe porte un équipement de protection individuelle.

En ce qui concerne la pandémie de Covid-19, nous sommes bien sûr inquiets, mais nous espérons que si les gens respectent les directives du gouvernement et que nous sommes capables de communiquer ces directives à la communauté, l'épidémie ne se propagera pas.

Je me souviens que lorsque les cas de Covid-19 ont commencé en Guinée, mon pays d'origine, j'ai averti que toute personne revenant de pays à haut risque devait s'isoler pendant quatorze jours, et ne pas retourner immédiatement dans sa famille au risque de la contaminer. Malheureusement, de nombreuses personnes n'ont pas suivi ce conseil, et il y a maintenant des centaines de cas dans le pays ».