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Devant le Conseil des droits de l’homme, Bachelet juge que le Covid-19 nécessite une action coordonnée

La Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Michelle Bachelet.
Photo : ONU / Antoine Tardy
La Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Michelle Bachelet.

Devant le Conseil des droits de l’homme, Bachelet juge que le Covid-19 nécessite une action coordonnée

Droits de l'homme

Le monde post-Covid-19 requiert une action coordonnée de la communauté internationale, a déclaré ce jeudi à Genève la cheffe des droits de l’homme de l’ONU lors d’une réunion informelle virtuelle du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.

« Nous ne pouvons tout simplement pas revenir là où nous étions il y a quelques mois à peine, avant le Covid-19 », a mis en garde Michelle Bachelet.

Pour la Haut-Commissaire aux droits de l’homme, cette pandémie mondiale est juste « un test colossal de leadership », qui « exige une action décisive, coordonnée et novatrice de la part de tous, et pour tous ». 

« Nous sommes physiquement éloignés aujourd’hui, mais nous devons rester unis », a ajouté l’ancienne Présidente du Chili.

Selon Mme Bachelet, le nouveau coronavirus a mis en évidence la nécessité d’accroître les efforts de la communauté internationale pour que toutes les personnes, y compris les plus vulnérables, bénéficient du développement. « Il est naturel - et nécessaire - que les efforts nationaux soient une priorité forte dans toute crise. Mais il s’agit d’une pandémie mondiale, et seule la solidarité mondiale nous permettra de la combattre efficacement », a prévenu la cheffe des droits de l’homme de l’ONU.

Cette crise montre clairement le besoin « d’une action internationale collective et démontre la valeur des organisations multilatérales ». « Les Nations Unies ont été créées pour prévenir, atténuer et traiter plus efficacement les crises internationales », a-t-elle ajouté, tout en invitant la planète à travailler ensemble « pour promouvoir une approche forte, multilatérale, coopérative et mondiale ».

« D’autant que le Covid-19 montre les effets néfastes des inégalités dans toutes les sociétés », a-t-elle fait valoir. L’impact de la pandémie sur les économies mondiales et nationales n’a pas encore été pleinement ressenti. Des États, notamment en Europe, ont pris « des mesures sans précédent » pour protéger les droits des travailleurs et réduire au minimum le nombre de personnes sans emploi.

Le Covid-19 n’est pas un « chèque en blanc » pour violer les droits humains

Dans le même temps, de nombreux pays en développement ont une capacité moindre à absorber et à atténuer l’impact socio-économique de l’épidémie. Ils peuvent également être plus vulnérables à la récession mondiale, en raison notamment du prix des matières premières et d’une baisse des investissements étrangers et des envois de fonds.

Dans certains cas, l'épidémie est utilisée pour justifier des changements répressifs de la législation ordinaire, qui resteront en vigueur longtemps après la fin de l'urgence - Michelle Bachelet

« Le Secrétaire général de l’ONU a appelé à des mesures incluant - mais sans s’y limiter - l’allégement de la dette, un accès élargi au financement par le biais du FMI (Fonds monétaire international) et des contributions au Fonds humanitaire mondial », a relevé Mme Bachelet.

Toutefois si des mesures d’urgence sont nécessaires pour répondre à cette urgence de santé publique, la pandémie ne doit pas être un « chèque en blanc » pour bafouer les droits humains, a averti Mme Bachelet, critiquant les « pouvoirs illimités adoptés par certains pays ».

« Dans certains cas, l'épidémie est utilisée pour justifier des changements répressifs de la législation ordinaire, qui resteront en vigueur longtemps après la fin de l'urgence », s'est inquiétée Mme Bachelet.

Elle s'est dit également préoccupée par les mesures prises dans certains cas pour limiter la liberté des médias et la liberté d'expression, craignant que la « prétendue lutte contre la désinformation » ne soit un prétexte « pour faire taire les critiques».

La salle du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies (photo d'archives).
Photo : ONU/Jean-Marc Ferré
La salle du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies (photo d'archives).

« Il n’y a pas de place pour le nationalisme ou les boucs émissaires »

« Dans certains pays, nous avons déjà vu des rapports faisant état de journalistes pénalisés pour avoir fait état d'un manque de masques, de professionnels de la santé réprimandés pour avoir dit qu'ils manquaient de moyens de protection et de gens ordinaires arrêtés pour avoir publié des messages sur la pandémie sur les réseaux sociaux », a-t-elle regretté, rappelant que « la critique n'est pas un crime ».

Face à cette pandémie mondiale, la cheffe des droits de l’homme de l’ONU soulève des domaines d’action pour se relever de cette crise, avec notamment une réponse immédiate à la pandémie et la préparation d’un plan de reprise. Dans un premier temps, tous les efforts nationaux doivent viser à atténuer l’impact de l’épidémie sur les femmes et les groupes vulnérables.

La critique n'est pas un crime - Michelle Bachelet

La protection des travailleurs de la santé et leur rémunération adéquate devraient être une préoccupation primordiale. Près de 70% des professionnels de la santé dans le monde sont des femmes, dont beaucoup sont peut-être confrontées à des charges supplémentaires.

De plus, Mme Bachelet trouve qu’il est nécessaire que les gouvernements prennent des mesures pour garantir la sécurité des revenus, la protection des moyens de subsistance et l’accès aux biens et services essentiels pour les membres les plus pauvres de la société.

Sur un autre plan, la Haut-Commissaire a souligné que tout obstacle aux efforts médicaux dans un pays reste une menace pour la terre entière. « Les sanctions sectorielles qui ont des effets négatifs sur les soins de santé et les droits de l’homme des personnes vulnérables devraient être levées ou adaptées de toute urgence, avec des exemptions humanitaires efficaces pour garantir l’accès aux fournitures vitales », a déclaré Mme Bachelet.

Par ailleurs, la cheffe des droits de l’homme a prévenu sur les dangers du repli sur soi. « Lorsqu’une menace existentielle nous concerne tous, il n’y a pas de place pour le nationalisme ou les boucs émissaires - y compris des migrants et des communautés minoritaires », a-t-elle déclaré.

Sur le terrain, ses équipes ont constaté que les attaques physiques et verbales contre les personnes d’origine est-asiatique et les membres d’autres minorités sont « de plus en plus nombreuses et inacceptables ».

Selon Mme Bachelet, les Occidentaux sont parfois la cible d’abus, y compris dans les missions onusiennes et il convient donc de prendre des mesures pour combattre toutes ces violations de droits humains.

Plongée dans un univers inconnu

De son côté, la Présidente du Conseil des droits de l’homme de l’ONU a rappelé que les discours de haine spécifiques à cette pandémie risquent d’accroître la discrimination.

Or selon l’Ambassadeur Elisabeth Tichy-Fisslberger (Autriche), cette crise du Covid-19 a jeté la communauté mondiale « dans un univers inconnu ».

Les sociétés doivent faire des compromis atroces entre le fait de sauver des vies et des moyens de subsistance - Elisabeth Tichy-Fisslberger, Présidente du Conseil des droits de l'homme

« Nous assistons à un bouleversement des sociétés et des économies qui touche tous les coins du globe », a fait remarquer la Présidente du Conseil des droits de l'homme, tout en relevant certains choix cornéliens.

« De nos jours, les sociétés doivent faire des compromis atroces entre le fait de sauver des vies et des moyens de subsistance, la liberté de mouvement et le droit à des réunions pacifiques d’autre part, et bien d’autres choses encore. Le Conseil a donc beaucoup de choses à analyser et à discuter », a insisté Mme Tichy-Fisslberger.

Les délégations ayant participé à cette réunion informelle du Conseil des droits de l’homme ont loué les efforts faits par l’OMS dans ce combat contre le Covid-19.

Mais comme l’a rappelé Mme Bachelet, « un effort régional et mondial important sera nécessaire pour éviter l’effondrement du système médical de tout pays - une question d’intérêt urgent pour tout le monde ».