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Covid-19 : une experte de l’ONU appelle le Myanmar à protéger la liberté de l'information et le droit à la santé

Yanghee Lee, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme au Myanmar.
Photo ONU/Kim Haughton
Yanghee Lee, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme au Myanmar.

Covid-19 : une experte de l’ONU appelle le Myanmar à protéger la liberté de l'information et le droit à la santé

Droits de l'homme

Une experte indépendante des droits de l’homme de l’ONU a condamné la répression des droits à la liberté d’expression et à l’accès à l’information au Myanmar dans le contexte du conflit armé en cours. Une répression qui, selon elle, risque de compromettre les efforts de lutte contre la pandémie de Covid-19 dans le pays.

« J’appelle le gouvernement à faire en sorte que tous les habitants du Myanmar puissent exercer leurs droits à la liberté d’expression et à l’accès à l’information », a déclaré Yanghee Lee, Rapporteure spéciale sur la situation des droits de l’homme au Myanmar.

Le 23 mars dernier, le gouvernement du Myanmar a qualifié l’armée d’Arakan, qui combat l’armée du pays dans les États de Rakhine et de Chin, « d’organisation terroriste ». « Et lorsque les médias « Naranjara », « Myanmar Now » et « Khit Thit » ont ensuite publié des interviews d’un porte-parole de l’armée d’Arakan, les rédacteurs en chef Khaing Myat Kyaw, Thar Lun Zaung Het et Nay Myo Lin ont été inculpés en vertu de la loi antiterroriste de 2014 », a rappelé l’Experte indépendante de l’ONU. Entre temps, Nay Myo Lin a été arrêté et doit comparaître devant un tribunal ce jeudi. Khaing Myat Kyaw et Thar Lun Zaung Het se cachent.

Mme Lee condamne « les accusations de terrorisme » qui ont été portées contre Khaing Myat Kyaw, Thar Lun Zaung Het et Nay Myo Lin « pour avoir fait leur travail de journalistes ». Ces derniers faisaient des reportages sur l’escalade du conflit armé dans l’État de Rakhine, où le gouvernement a imposé une fermeture de l’internet mobile. « En tant que tels, leurs reportages étaient de la plus haute valeur d’intérêt public et devraient être protégés », a fait valoir l’experte indépendante onusienne qui demande que les accusations portées contre les journalistes soient « abandonnées, l’ordonnance de censure retirée et l’internet mobile dans les États de Rakhine et Chin rétabli dans toutes les régions ».

Selon la Rapporteure spéciale, le ministère des transports et des communications a également récemment ordonné à tous les fournisseurs d’accès à Internet du Myanmar de bloquer 221 sites web, y compris des agences de presse basées dans les États où vivent des minorités ethniques du pays. Cette mesure s’ajoute à la fermeture de l’internet mobile imposée dans neuf townships des États de Rakhine et de Chin depuis l’année dernière.

Déplorant la censure des médias, Mme Lee a rappelé que le droit d’accès à l’information est vital pendant la crise du Covid-19 au Myanmar, « y compris dans les États où vivent des minorités ethniques ».

« Ne pas abuser de la situation de crise pour sévir contre les activistes et les agents de santé »

En outre, le droit de rechercher, de recevoir et de communiquer des informations concernant les questions de santé est une composante du droit à la santé, a déclaré Mme Lee.

L’experte indépendante des Nations Unies a également exprimé son inquiétude face aux déclarations répétées de Naypyidaw selon lesquelles les personnes qui diffusent de « fausses nouvelles » seraient poursuivies, notamment en vertu d’une proposition de loi modifiée sur la prévention et le contrôle des maladies transmissibles.

Pour Mme Lee, les autorités du Myanmar ne doivent pas abuser de la situation de crise pour sévir contre les défenseurs des droits humains, les journalistes, les travailleurs de la santé et les autres personnes qui fournissent des informations perçues comme critiques ou qui exposent des violations des droits de l’homme, y compris celles qui peuvent se produire pendant l’intervention d’urgence contre le Covid-19.

« Contrairement à d’autres pays qui libèrent des prisonniers pour protéger les populations carcérales du virus, le Myanmar continue d’arrêter des personnes pour des infractions non violentes en rapport avec un comportement qui est dans leur droit », regrette l’experte indépendante.

A cet égard, Mme Lee note qu’il est essentiel que les populations de tout le pays aient accès à l’aide. Une façon de plaider pour la levée des restrictions de l’accès humanitaire dans les zones touchées par le conflit, notamment dans les camps de personnes déplacées, où des centaines de milliers de personnes appartenant à des minorités ethniques vivent dans des conditions d’exiguïté et sont vulnérables au virus.

« Le gouvernement doit lever les restrictions humanitaires afin de garantir que l’aide disponible puisse atteindre tous ceux qui en ont besoin, sans discrimination », a insisté l’experte indépendante.

« Je me fais l’écho de l’appel du Secrétaire général des Nations Unies à un cessez-le-feu global en ce moment critique et je demande à toutes les parties à tous les conflits au Myanmar d’avoir un cessez-le-feu immédiat et total pour faciliter la lutte contre le Covid-19 », a conclu Mme Lee.