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A Genève, des jeunes plaident pour une ONU plus démocratique, ouverte et participative

Le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres (au centre), lors d'une conversation avec des jeunes à Genève.
Photo : ONU/Jean-Marc Ferré
Le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres (au centre), lors d'une conversation avec des jeunes à Genève.

A Genève, des jeunes plaident pour une ONU plus démocratique, ouverte et participative

Développement durable (ODD)

Plus de 600 jeunes réunis à Genève ont fait part mardi de leur souhait de voir une ONU plus proche des réalités et des préoccupations des peuples du monde entier, lors d'une conversation avec le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, dans le cadre du 75e anniversaire de l'Organisation.

L’ONU est souvent perçue comme une organisation toujours prête à donner de bons conseils. Ce mardi, les rôles ont été renversés. Dans l’auditorium de l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID), à Genève, ces jeunes étaient réunis pour faire part de leurs préoccupations, partager leurs visions de l’avenir, et donner leurs conseils au chef de l’ONU.

« Cette mondialisation qui a créé tant de richesses dans le monde a laissé des gens sur le côté, écrasé les classes moyennes dans différentes parties du monde et également créé le sentiment qu'elle ne fonctionne pas pour tous », a déclaré António Guterres, lors de l’étape suisse d’#ONU75 – la série de conversations mondiales que l’Organisation a lancé cette année dans le cadre de son 75e anniversaire et qui vise à écouter les espoirs et les craintes des gens – ainsi que leurs attentes à l'égard de l'ONU - dans un monde qui change rapidement.

« L’ONU, dans une situation comme celle-ci, doit se demander : ‘Faisons-nous ce que nous devrions faire ? Répondons-nous aux inquiétudes et aux aspirations des peuples du monde ? Ou devons-nous changer, devons-nous nous adapter à ce nouveau monde ?’ », a dit M. Guterres.

Créer 'l'ONU de tous'

« Vous devez rendre l'ONU plus démocratique et plus participative, l'ouvrir au public et créer quelque chose comme ‘l'ONU de tous’ », a déclaré Martin Ostermeier, un jeune Allemand qui travaille actuellement à l'Organisation internationale du Travail (OIT) et l’un des six panélistes qui a débattu avec le Secrétaire général.

« Ce dialogue est un excellent premier début, mais il ne devrait pas avoir lieu tous les 75 ans. Cela devrait se produire plus souvent », a ajouté le jeune homme, suscitant les rires du public.

« Ouvrez la prise de décision, soyez audacieux, sans précédent, mais permettez aussi vraiment l’appropriation par les peuples », a, pour sa part, déclaré Marie-Claire Graf au Secrétaire général. « Parce que nous ne pouvons pas simplement nous cacher dans nos tours d'ivoire et penser que les gens nous feront confiance », a ajouté cette étudiante suisse à l'Université de Zurich, également militante pour la protection de l'environnement et pour le développement durable.

L'idée d'ouvrir l'ONU à une participation et à des processus plus démocratiques, ainsi qu'à l'inclusion de personnes et de groupes jeunes et marginalisés, y compris les réfugiés, a trouvé un écho très fort parmi les participants.

« Mon conseil ne serait pas seulement de nous écouter, mais d'écouter les gens qui ont de petites voix ou qui n'ont pas du tout de voix », a déclaré Adiba Qasim, une réfugiée iraquienne qui étudie actuellement en Suisse.

« J'ai tout perdu il y a quelques années et parce que j’ai fait face à la mort tant de fois, et parce que j'ai tout essayé pour essayer de trouver un avenir pour moi et aujourd'hui, en 2020, nous voyons des femmes se faire violer, esclavager et tuer à cause de leur identité, à cause de nos religions, à cause de nos couleurs », a ajouté cette jeune survivante yézidie, qui a émis l’espoir qu’en 2045 – année du centenaire de l’ONU - « les gens puissent vivre en paix et vraiment dans la dignité ».

Je voudrais voir un monde non patriarcal - Jasmine Pokuaa Oduro, citoyenne du Ghana et du Royaume-Uni

« Je voudrais voir un monde non patriarcal, parce que je crois que le patriarcat est transversal. Ce n’est pas seulement une question de genre, cela touche toutes les races, toutes les classes sociales », a déclaré Jasmine Pokuaa Oduro, une citoyenne du Ghana et du Royaume-Uni, qui aimerait également voir un monde exempt de racisme.

Jasmine Pokuaa Oduro a donné un conseil très concret à l'ONU sur l’utilisation d’images stéréotypées concernant les inégalités : « Une chose que j'aimerais que l'ONU commence à établir en priorité maintenant, et je pense qu'elle pourrait commencer à le faire dès maintenant, c'est d'arrêter d'utiliser des enfants noirs et bruns dans leurs publications pour représenter la pauvreté ».

Parmi les jeunes qui ont pris la parole, beaucoup ont exprimé leur désir de voir émerger des politiques transformatrices qui élargiraient les opportunités à la fois au sein des sociétés et entre elles. La nécessité de lutter contre les distorsions et les injustices provoquées par de graves disparités de richesse a été un fil conducteur tout au long de la discussion #ONU75 à l’IHEID, avec un certain nombre d'orateurs parlant de la nécessité de demander plus de comptes aux individus hyper-riches et aux firmes multinationales.

« Je voudrais voir les multinationales être tenues responsables de leurs actes », a ainsi déclaré Jan Harvey Parafina, un étudiant philippin. « Surtout si elles violent déjà les droits de l'homme et dégradent l'environnement ».

Des jeunes posent des questions au Secrétaire général de l'ONU António Guterres lors d'une conversation à Genève.
Photo : ONU/Jean-Marc Ferré
Des jeunes posent des questions au Secrétaire général de l'ONU António Guterres lors d'une conversation à Genève.

Préoccupations concernant l'avenir de la planète

Les préoccupations concernant l'avenir de la planète, dans le contexte du changement climatique, étaient également omniprésentes lors de ce débat avec les jeunes à Genève.

« Alors que nous sommes confrontés à l'extinction de l'humanité, mon conseil est de déclarer une urgence planétaire – tout de suite », a exhorté Marie-Claire Graf. « Nous ne pouvons pas résoudre cette crise avec de petites rafistolages. Nous ne pouvons pas simplement nous ajuster à un endroit. Nous ne pouvons pas simplement mettre des panneaux solaires sur le toit et penser que cela va résoudre la crise climatique. Nous devons aller beaucoup plus loin ».

M. Guterres a reconnu qu’en tant que Nations Unies, « nous devons être humbles, reconnaître nos échecs et être en mesure de comprendre que nous devons donner la parole à ‘nous, les peuples’ que nous sommes censés représenter comme ONU ».

« C'est une chose importante à dire : nous avons beaucoup de choses à changer pour pouvoir répondre. Nous devons abandonner beaucoup de choses : le statu quo ou l'arrogance du ‘nous savons tout’ ».

« Nous devons nous adapter, être en mesure de répondre à la volonté des gens de pouvoir répondre et avoir la confiance des peuples, ce qui signifie donner aux gens une très forte influence sur ce que nous faisons. C’est donc un message très clair que j’ai reçu de tout le monde ici », a dit le Secrétaire général.

Nous devons abandonner beaucoup de choses : le statu quo ou l'arrogance du ‘nous savons tout’ - António Guterres 

En plus d’objectifs ambitieux généraux et de politiques transformatrices, certains jeunes ont également fait des suggestions très concrètes pour les domaines dans lesquels l'ONU pourrait se concentrer de façon plus ciblée - sur les menaces technologiques émergentes, par exemple, et en investissant dans des programmes qui peuvent favoriser le leadership des jeunes.

« J'aimerais voir un effort concerté mondial pour s'attaquer au problème des fausses nouvelles et à la propagation de la désinformation. Parce que l'un des scénarios les plus horribles que j'imagine est un monde où vous ne pouvez plus dire ce qui est réel et ce qui est faux, et cela devient de plus en plus probable », a déclaré Marwan Al Chazli, un étudiant égyptien en ingénierie. « Je conseillerais de se concentrer sur les programmes pour les jeunes qui permettent aux jeunes de devenir des changemakers. Donnez aux jeunes les ressources nécessaires pour faire des choses incroyables, et ils le feront », a-t-il déclaré.

A l’issue de sa visite de deux jours à Genève, où il a également participé à l'ouverture d'une session du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, M. Guterres a déclaré aux jeunes réunis à l’IHEID que la conversation mondiale #ONU75 représentait un nouveau commencement pour les Nations Unies.

« C'est le début d'une nouvelle dynamique de relations entre l'ONU et ‘Nous, les peuples’, et cette relation pourra, espérons-le, façonner un nouveau type de multilatéralisme - un multilatéralisme inclusif, dans lequel non seulement les gouvernements, mais aussi la société civile, le monde universitaire et les communautés locales ont la parole et ont une influence. Et si nous sommes capables de le faire, je pense que ce sera un grand changement », a-t-il dit.

Le chef de l’ONU a reconnu qu’un tel changement ne se fera pas facilement. « Il y aura beaucoup de résistance. Je compte sur vous pour la surmonter », a-t-il dit aux jeunes.

L'un des objectifs des conversations #ONU75, qui se poursuivront tout au long de l'année et à travers le monde, est que les Nations Unies écoutent et apprennent des opinions des citoyens du monde entier, à un moment où la confiance du public dans les institutions est en déclin.