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En RDC, Michelle Bachelet constate une amélioration de la situation des droits de l’homme

Michelle Bachelet, la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme.
Photo : ONU/Jean-Marc Ferré
Michelle Bachelet, la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme.

En RDC, Michelle Bachelet constate une amélioration de la situation des droits de l’homme

Droits de l'homme

A l'issue d'une visite de cinq jours en République démocratique du Congo (RDC), la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet,  a déclaré avoir constaté une amélioration de la situation des droits humains dans ce pays.

Mme Bachelet a entamé sa visite le 23 janvier dans la province d’Ituri à l’est du pays, où elle a échangé avec le ministre des Droits humains et les membres du comité provincial de sécurité.

Elle a aussi rencontré les communautés Hema et Lendu avec qui elle a évoqué les atrocités commises dans le territoire de Djugu, qui selon un récent rapport de son bureau, constitueraient des « potentiels crimes contre l’humanité ».

Dans la capitale congolaise Kinshasa, Mme Bachelet a rencontré notamment le Premier ministre Sylvestre Ilunga et la Présidente de l’Assemblée nationale, Jeanine Mabunda, pour discuter des questions sécuritaires, de la justice, des violences sexuelles et d'un éventuel appui de l’ONU.  

Au terme de sa visite, la Haut-Commissaire a accordé un entretien exclusif à Radio Okapi, la radio des Nations Unies en RDC. Au micro d’Alain Irung, Mme Bachelet s’est félicitée des progrès en matière de droits civiques et politiques, soulignant toutefois sa préoccupation face au fait que les acteurs étatiques soient pour 54% responsables des violations répertoriées et que les violations par les groupes armés aient augmenté de 40%.

La Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Michelle Bachelet, à son arrivée jeudi à Bunia, la capitale de la province de l'Ituri, dans le nord-est de la République démocratique du Congo (RDC)
Radio Okapi/Isaac Remo Yope
La Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Michelle Bachelet, à son arrivée jeudi à Bunia, la capitale de la province de l'Ituri, dans le nord-est de la République démocratique du Congo (RDC)

 

Radio Okapi : Vous arrivez en RDC pratiquement une année après l’alternance pacifique que le pays a connu au sommet de l’Etat. Quel est l’état des lieux que vous dressez des droits de l’homme en RDC aujourd’hui ?

Dans l’ensemble, il y a une réduction de 3% du nombre des violations des droits de l’homme vérifiées. Cependant le nombre et la gravité demeurent préoccupants pour la population. Le fait que les acteurs étatiques soient responsables de la majorité de ces violations, à hauteur de 54%, m’inquiète particulièrement. Ils ont commis moins de violations, mais ont toujours la plus grande responsabilité. 

Les Forces armées de la RDC (FARDC) en particulier sont responsables du plus grand nombre de violations vérifiées, 28%, ce qui démontre qu’au-delà de leur limitations dans la protection des civils, elles ont un rôle actif en tant qu’auteur. 

Le gouvernement a donc besoin de mener des actions décisives pour mettre fin aux exactions commises par les forces de sécurité et les forces armées.

D’une autre côté, nous observons une augmentation de 40% des violations et atteintes aux droits de l’homme perpétrées par les groupes armés, avec un effet dévastateur sur les civils.

Donc, nous constatons une légère baisse d’une façon générale, la proportion des actes commis par les acteurs de l’Etat se maintient, et l’on observe une hausse d’activité des groupes armés. L’autre chose qui nous préoccupe, c’est l’augmentation des violences sexuelles.

Mais il est aussi important de souligner les progrès qui ont été accomplis et il y a eu une baisse de près d’un tiers, (-26%), dans le nombre violations des droits fondamentaux de libertés, telle que l’ouverture de l’espace démocratique, le droit à la manifestation, à la liberté de la presse, la libération de prisonniers politiques.

C’est une évolution positive que nous reconnaissons pleinement. Toutefois, il est important de continuer de faire tous les efforts afin qu’il n’y ait aucune violation de droits politiques et civiques, y compris les attaques contre les défenseurs des droits de l’homme ou d’autres acteurs de la société civile et, bien sûr, les manifestations doivent continuer d’être libres et sans répression.

Radio Okapi :  Le 10 janvier dernier, le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme a publié un rapport selon lequel « au moins 701 personnes ont été tuées dans les conflits communautaires dans le territoire de Djugu en Ituri », entre septembre 2017 et septembre 2019. Selon ce document, la grande majorité des victimes des attaques semble avoir été visée en raison de leur appartenance à la communauté Hema. Le rapport indique qu’il pourrait s’agir de génocide ou de crimes contre l’humanité. Ce rapport a été contesté par la communauté Lendu qui le juge partial et truffé d’erreurs. Vous avez rencontré cette communauté à Bunia quelle est la réponse que vous leur avez donnée ?

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Tout d’abord je me suis rendue en Ituri parce que les gens se rendent normalement dans les Kivus et nous venons de publier ce rapport qui fait état de sérieux problèmes en Ituri et en territoire Djugu.

Deuxièmement, je leur ai expliqué que les constats du rapport sont basés sur une enquête approfondie impartiale et objective, menée par le Bureau conjoint de l’ONU des droits de l’homme, utilisant la méthodologie standard de mon Bureau, que nous utilisons a travers le monde. 

Je leur ai dit que toutes les violations par toutes les parties ont été investiguées, avec le même niveau d’attention et de soin.  Les chiffres dans le rapport reflètent tous les incidents qui ont pu être vérifiés selon les standards d’investigation du HCDH.

Je leur ai signalé que le rapport comprend également le nombre de victimes Lendu, d’attaques perpétrées par les Hema, et documente des violations commises à l’encontre des Lendu par l’armée et les forces de la police, et pas uniquement le nombre de victimes Hema. 

Enfin, j’ai également noté que nous allons continuer de surveiller la situation et je les ai invités à partager avec nous toute autre information sur des violations des droits de l’homme qui ne figurent pas dans le rapport afin que nous puissions les vérifier.

Radio Okapi : Plusieurs personnalités et organisations congolaises demandent à la Cour pénale internationale (CPI) de prendre en compte les crimes et autres exactions commis par les groupes armés nationaux et étrangers notamment dans l’Est. Quel est votre avis ?

Comme vous le savez, la justice est un élément essentiel pour tout processus de paix durable. Nous ne tolérerons aucune impunité et toutes ces personnes qui ont été auteures de crimes graves, de violations, de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre, ces gens doivent être traduits en justice. 

Et en ce qui concerne la CPI, son rôle premier est d’aider à mettre fin à l’impunité des acteurs responsables des crimes les plus sérieux et les traduire devant la justice, afin de prévenir de tels crimes.

Mais comme vous le savez, la CPI ne peut pas se substituer au gouvernement congolais. Elle vient en appoint. Il est du ressort du Congo de juger ces auteurs de crimes graves d’atteinte aux droits humains. La CPI ne peut intervenir que si un gouvernement n’a pas les ressources nécessaires ou les capacités nécessaires pour traduire ces personnes devant la justice. Il revient donc aux autorités congolaises de traduire en justice les responsables des crimes les plus sérieux, y compris ceux commis dans l’est du pays. 

Au cours des dix dernières années, nous avons constaté des progrès qui ont été accomplis dans le domaine judiciaire. Nous avions vu ces progrès en ce qui concerne la justice militaire, aussi bien des groupes armés, que du côté des forces de sécurité nationale, il y a eu des hauts commandants qui ont été jugés et arrêtés. 

Ce sont des progrès louables et nous sommes très contents de voir que dans ce domaine, le gouvernement est en train de faire un très grand progrès. Nous allons continuer à leur apporter notre assistance et notre soutien pour que ce système soit beaucoup plus renforcé et que ces auteurs des crimes graves, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre, soient traduits devant la justice et répondent de leurs actes.

Radio Okapi : Les droits de l’homme, ce sont aussi les conditions carcérales qui sont déplorables en RDC où l’on a enregistré plusieurs décès de prisonniers. Quelles sont vos recommandations de manière générale aux autorités congolaises pour améliorer ce secteur des droits de l’homme ?

La situation des prisons en RDC est une situation très préoccupante. 

Nous sommes au courant des conditions infrahumaines dans lesquelles les prisonniers vivent, la surpopulation carcérale, le manque de nourriture adéquate.

Mais nous avons eu à parler avec le gouvernement, et ils nous ont donné des assurances que quelque chose sera fait. Ils comptent faire le tour de toute la RDC, afin d’évaluer l’état des prisons en RDC.

Comme vous le savez, on ne peut pas construire des prisons en un jour, ça ne peut pas se faire. Mais il y a des moyens pour diminuer la surpopulation. On peut, par exemple, revoir au cas par cas, les gens qui ont commis des délits mineurs, qui sont en attente d’être jugés, peut-être on peut voir comment on peut libérer ces gens pour permettre à ces prisons d’avoir une population moindre. Donc, je crois que c’est une bonne initiative. Nous, nous sommes là pour leur apporter notre soutien, dans cette initiative.

Propos recueillis par Alain Irung, Radio Okapi.