L'actualité mondiale Un regard humain

A la Cour internationale de Justice, Aung San Suu Kyi défend le Myanmar contre des accusations de génocide

Aung San Suu Kyi comparaît devant la Cour internationale de Justice (CIJ) des Nations Unies le 11 décembre 2019.
CIJ/Frank van Beek
Aung San Suu Kyi comparaît devant la Cour internationale de Justice (CIJ) des Nations Unies le 11 décembre 2019.

A la Cour internationale de Justice, Aung San Suu Kyi défend le Myanmar contre des accusations de génocide

Droits de l'homme

Le Myanmar n'aura « aucune tolérance » pour les violations des droits de l'homme commises dans l'État de Rakhine et poursuivra les militaires, si des crimes de guerre y ont été commis, a déclaré mercredi Aung San Suu Kyi devant la Cour internationale de Justice (CIJ), le principal organe judiciaire des Nations Unies.

Mme Suu Kyi témoignait pour la défense de son pays qui est accusé de crimes de génocide commis contre les Rohingya, un groupe minoritaire de confession musulmane. La CIJ a été saisie dans cette affaire par la Gambie, au nom de l'Organisation de la coopération islamique (OCI).

La cheffe de facto du Myanmar, qui a été placée en résidence surveillée par les dirigeants militaires du pays pendant plus de 20 ans, n'est pas jugée par la CIJ, qui règle les différends entre les pays. La Cour pénale internationale (CPI) est chargée de juger les individus et, en novembre, la CPI a autorisé sa propre enquête sur des crimes contre l'humanité présumés commis contre les Rohingya.

LIRE AUSSI | Les juges de la CPI autorisent l’ouverture d’une enquête sur des crimes présumés contre les Rohingya

« Si des crimes de guerre ont été commis, ils seront poursuivis dans le cadre de notre système de justice militaire », a déclaré Aung San Suu Kyi, lauréate du prix Nobel de la paix en 1991, au cours de la deuxième journée de la procédure préliminaire devant la CIJ.

Dans sa déclaration d’ouverture devant les juges de la Cour basée à La Haye, aux Pays-Bas, elle a décrit des décennies de tensions entre les Rohingya musulmans et leurs voisins bouddhistes.

Ces tensions ont explosé le 25 août 2017, lorsque l'armée du pays - appelée la Tatmadaw - a procédé à une répression brutale contre les communautés rohingya, en réponse à des attaques meurtrières contre des postes de police et de sécurité par des séparatistes connus sous le nom d'Armée d'Arakan.

Le résultat a été l'exode de plus de 700.000 personnes vers le Bangladesh voisin, dont beaucoup ont déclaré aux enquêteurs indépendants nommés par l'ONU qu'elles avaient été témoins de violences ciblées d'une extrême brutalité.

De nombreuses violations présumées des droits de l'homme ont eu lieu, a affirmé le chef des droits de l'homme de l'ONU à l'époque les décrivant comme portant toutes les caractéristiques d'un « nettoyage ethnique ».

Aung San Suu Kyi témoigne devant la Cour internationale de Justice (CIJ) des Nations Unies le 10 décembre 2019.
CIJ/Frank van Beek
Aung San Suu Kyi témoigne devant la Cour internationale de Justice (CIJ) des Nations Unies le 10 décembre 2019.

L'intention génocidaire « ne peut pas être la seule possibilité » - Aung San Suu Kyi

On ne peut pas exclure que la Tatmadaw a eu recours à une force disproportionnée, a déclaré Mme Suu Kyi au tribunal, tout en suggérant également que « dans ces circonstances, l'intention génocidaire ne peut pas être la seule hypothèse » - la même phraséologie utilisée concernant un rapport d'experts indépendants de l’ONU en 2019 sur les circonstances ayant conduit à l'exode massif des Rohingya.

Selon le rapport de la Mission d'établissement des faits des Nations Unies sur le Myanmar, les militaires du pays ont été responsables d’un massacre systématique de femmes et de filles, de viols, d’attaques contre des femmes enceintes et des bébés, et de mutilations d’organes reproducteurs.

Aung San Suu Kyi a estimé que le propre système de justice militaire du Myanmar « devait » être chargé d'enquêter et de poursuivre les allégations de possibles crimes de guerre commis par des soldats ou des officiers dans l’Etat de Rakhine. Elle a regretté que l'affaire portée contre son pays par la Gambie offre « une image factuelle incomplète et trompeuse ».

Si des crimes de guerre ont été commis par des membres des services de défense du Myanmar, « ils seront poursuivis par notre système de justice militaire, conformément à la constitution du Myanmar », a-t-elle ajouté.

Selon elle, « il ne serait pas utile » pour l'ordre juridique international de donner l’impression que seuls les pays riches peuvent mener des enquêtes et des poursuites adéquates.

La dirigeante du Myanmar a également insisté sur le fait qu'il était de la plus haute importance que la CIJ évalue la situation « sur le terrain à Rakhine sans passion et avec précision ».