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Climat : la planète a connu une décennie de chaleur exceptionnelle

Conditions météorologiques extrêmes en mer Adriatique à Razanac, en Croatie.
Photo OMM/Aleksandar Gospic
Conditions météorologiques extrêmes en mer Adriatique à Razanac, en Croatie.

Climat : la planète a connu une décennie de chaleur exceptionnelle

Climat et environnement

L'année 2019 marque la fin d'une décennie de chaleur exceptionnelle, de recul des glaces et d'élévation record du niveau de la mer à l’échelle du globe, en raison des gaz à effet de serre produits par les activités humaines, a prévenu mardi l’Organisation météorologique mondiale (OMM) au deuxième jour de la Conférence des Nations Unies sur le climat (COP25) qui se déroule à Madrid, en Espagne.

« Il est presque certain que les températures moyennes pour la période de cinq ans (2015–2019) et la période de dix ans (2010–2019) seront les plus élevées jamais enregistrées », a déclaré l’OMM dans une déclaration à la presse. « Tout semble indiquer que 2019 sera au deuxième ou troisième rang des années les plus chaudes jamais enregistrées ».

La température moyenne mondiale en 2019 (de janvier à octobre) était supérieure d'environ 1,1 degré Celsius à celle de la période préindustrielle.

Les concentrations de dioxyde de carbone (CO2) dans l'atmosphère ont atteint un niveau record de 407,8 parties par million (ppm) en 2018. Elles ont continué d’augmenter en 2019. Le CO2 perdure dans l'atmosphère pendant des siècles et dans l'océan encore plus longtemps, perpétuant ainsi le changement climatique.

Selon l’OMM, l'élévation du niveau de la mer s'est accélérée depuis le début des mesures par satellite en 1993 en raison de la fonte des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique.

Si nous n'agissons pas d'urgence pour le climat, nous nous dirigeons vers une hausse de la température de plus de 3 degrés Celsius d'ici à la fin du siècle - Petteri Taalas, Secrétaire général de l'OMM

L'océan, qui sert de tampon en absorbant la chaleur et le dioxyde de carbone, paie un lourd tribut. Son contenu thermique a atteint des niveaux record et les vagues de chaleur marines se multiplient. L’acidité de l'eau de mer a augmenté de 26% par rapport au début de l'ère industrielle, et des écosystèmes marins vitaux se dégradent.

En septembre 2019, l'étendue minimale quotidienne de la banquise arctique figurait au deuxième rang des étendues minimales les plus basses enregistrées par satellite et, en octobre, de nouveaux records ont été établis. Dans l’Antarctique, à plusieurs reprises en 2019, des minima record ont été enregistrés pour certains mois.

« Si nous n'agissons pas d'urgence pour le climat, nous nous dirigeons vers une hausse de la température de plus de 3 degrés Celsius d'ici à la fin du siècle, or une telle hausse aurait des impacts négatifs sur le bien-être des populations », a déclaré le Secrétaire général de l'OMM, Petteri Taalas. « Nous sommes loin d'être sur la bonne voie pour atteindre l'objectif de l'Accord de Paris » sur le climat signé en 2015.

« Au quotidien, les impacts du changement climatique se manifestent par des conditions météorologiques extrêmes et ‘anormales’. Et, en 2019 de nouveau, les aléas météorologiques et climatiques ont fait de lourds dégâts. Les vagues de chaleur et les inondations, qui frappaient jadis ‘une fois par siècle’, se produisent de plus en plus régulièrement. Des Bahamas au Japon, en passant par le Mozambique, des pays ont subi les effets dévastateurs des cyclones tropicaux. Les feux de forêt ont balayé l'Arctique et l'Australie », a précisé M. Taalas. « L'un des principaux impacts du changement climatique est une pluviométrie plus irrégulière. Or celle-ci représente une menace pour les rendements agricoles et, combinée à la croissance démographique, posera des défis considérables en matière de sécurité alimentaire pour les pays vulnérables ».

Les vagues de chaleur ont un lourd impact sur la santé

Les vagues de chaleur extrême pèsent de plus en plus lourd sur la santé humaine et les systèmes de santé, se faisant particulièrement ressentir dans les régions caractérisées par des populations vieillissantes, l'urbanisation, les effets d’îlots de chaleur urbains et les inégalités en matière de santé.

La variabilité climatique et les phénomènes météorologiques extrêmes figurent parmi les principaux facteurs de la récente augmentation de la faim dans le monde et sont l'une des principales causes des crises graves. Après une décennie de déclin constant, la faim est de nouveau à la hausse – plus de 820 millions de personnes en ont souffert en 2018.

Plus de 10 millions de nouveaux déplacements internes ont été enregistrés entre janvier et juin 2019, dont 7 millions ont été déclenchés par des catastrophes naturelles telles que le cyclone Idai en Afrique du Sud-Est, le cyclone Fani en Asie du Sud, l'ouragan Dorian dans les Caraïbes, ainsi que les inondations en Iran, aux Philippines et en Éthiopie, qui ont exacerbé les besoins en matière d’aide humanitaire et de protection.

Les concentrations de CO2 et d’autres gaz à effet de serre dans l’atmosphère, à l’origine du réchauffement climatique, ont atteint un nouveau record en 2018.
Photo PNUE
Les concentrations de CO2 et d’autres gaz à effet de serre dans l’atmosphère, à l’origine du réchauffement climatique, ont atteint un nouveau record en 2018.

L’OMS appelle à protéger la santé face au changement climatique

De son côté, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a prévenu mardi qu’un financement prioritaire ‎visant à protéger la santé face au changement climatique fait toujours défaut.

« Il est plus urgent que jamais de protéger la santé face aux effets du changement climatique et pourtant le premier rapport de situation mondial concernant le changement climatique et la santé montre que la plupart des pays ne suivent pas complètement leur propre plan pour y parvenir », précise l’agence onusienne dans un nouveau rapport intitulé 2018 WHO Health and Climate Change Survey Report et qui se fonde sur les données de 101 pays.

D’après ce rapport, les pays accordent de plus en plus un niveau de priorité accru aux effets du changement climatique sur la santé, et la moitié de ceux qui ont pris part à l’enquête se sont dotés d’une stratégie ou d’un plan national sur la question. Mais l’OMS constate avec inquiétude que seuls 38% environ d’entre eux ont pris des dispositions financières pour commencer à appliquer leur stratégie ou plan national, et moins de 10% pour en assurer la mise en œuvre complète.

« Le changement climatique est en train de faire gonfler la facture qu’auront à payer les générations futures, mais les populations en paient déjà le prix en termes de santé. L’impératif moral est clair : les pays doivent avoir les ressources nécessaires pour agir contre le changement climatique et préserver la santé dès maintenant et pour l’avenir », a souligné le Directeur général de l’OMS, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus.

Les risques climatiques pour la santé publique ont déjà été évalués par 48% des pays. Les plus fréquemment évoqués sont le stress thermique, les traumatismes et les décès liés aux événements météorologiques extrêmes et les maladies d’origine alimentaire, hydrique ou vectorielle (comme le choléra, la dengue ou le paludisme).

Le changement climatique est en train de faire gonfler la facture qu’auront à payer les générations futures - Dr Tedros, chef de l'OMS

Quelque 60% de ces pays indiquent toutefois que les résultats de l’évaluation n’ont guère eu d’influence sur l’allocation de ressources humaines ou financières en vue d’une adaptation des priorités pour protéger la santé.

Il ressort de l’enquête que les pays ont du mal à accéder à des mécanismes internationaux de financement pour le climat en vue de protéger la santé de leur population.

« Pour que l’Accord de Paris protège vraiment la santé, il faut que les gouvernements à tous les niveaux donnent la priorité au renforcement de la résilience du système de santé face au changement climatique et un nombre croissant de pays semblent bien se diriger clairement dans cette direction », a souligné la Directrice du Département environnement, changement climatique et santé à l’OMS, la Dre Maria Neira. « En intégrant de manière systématique la santé dans les contributions déterminées au niveau national – ainsi qu’avec des plans d’adaptation nationaux, des annonces de financement pour le climat et d’autres communications nationales à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques – l’Accord de Paris pourrait devenir l’accord international pour la santé le plus important du siècle ».

Il y a cependant des lacunes à combler d’urgence. Il faut notamment amener les pays non seulement à établir des plans mais à les mettre en œuvre en surmontant les obstacles qui entravent les mesures pratiques, par exemple en veillant à ce que le secteur de la santé soit intégré aux processus concernant le changement climatique et à ce que la capacité et l’appui existent pour accéder au financement nécessaire.

Il faut aussi que la santé soit prise en compte dans les décisions qui ont une incidence sur la réduction des émissions de carbone et les autres objectifs durables, et que l’on se préoccupe des gains pour la santé résultant des mesures concernant le climat.