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Pour mettre fin au sida, l’ONUSIDA plaide pour plus d’implication des communautés

Le docteur Santinho Carvalho écoute un patient séropositif à l'hôpital Macomia, Cabo Delgado, Mozambique.
ONU Info
Le docteur Santinho Carvalho écoute un patient séropositif à l'hôpital Macomia, Cabo Delgado, Mozambique.

Pour mettre fin au sida, l’ONUSIDA plaide pour plus d’implication des communautés

Santé

L’agence onusienne chargée de la lutte contre le VIH sida, ONUSIDA, vient de dévoiler l’état de l’épidémie au niveau mondial. Le document fait état d’un recul du nombre de nouvelles infections et d’une augmentation de l’accès au traitement là où les personnes et les communautés vivant avec le VIH et affectées par le virus sont impliquées dans la prise de décision et la fourniture de services liés au VIH.

« Le changement se produit lorsque les personnes et les communautés deviennent des moteurs et des acteurs de ce changement », a déclaré Winnie Byanyima, Directrice exécutive de l’ONUSIDA.

Le changement se produit lorsque les personnes et les communautés deviennent des moteurs et des acteurs de ce changement - Winnie Byanyima, Directrice exécutive de l’ONUSIDA

Ainsi à la mi-2019, l’ONUSIDA estime que sur les 37,9 millions de personnes vivant avec le VIH, 24,5 millions d’entre elles avaient accès à la thérapie antirétrovirale. Cet élargissement de la couverture des soins s’accompagne d’une baisse des décès par maladie liée au sida.

Près de 770.000 personnes sont décédées de maladies liées au sida tandis que 1,7 million de personnes sont devenues nouvellement infectées par le VIH.

Les nouvelles infections à VIH ont diminué d’environ 16%, passant de 2,9 millions en 2010 à 1,7 million en 2018. Les nouvelles infections à VIH ont été réduites de 40% depuis le pic de 1997 (2,9 millions).

Hausse inquiétante des cas en Europe de l’Est, Asie centrale, Moyen-Orient

L’analyse des nouvelles infections montre qu’en Afrique orientale et australe, la région la plus touchée par le VIH, le nombre de nouveaux cas a baissé de 28% entre 2010 et 2018. Lueur d’espoir : le taux d’incidence du VIH chez les adolescentes et les jeunes femmes âgées de 15 à 24 ans et vivant dans cette partie du globe est passé de 0,8% en 2010 à 0,5% en 2018, soit une baisse de 42%.

Toutefois, pour ce qui est des nouvelles infections, les jeunes femmes et les filles payent toujours un lourd tribut : en Afrique subsaharienne, elles représentent 80% des nouveaux cas parmi les ados.

Les inégalités entre les genres, ainsi que la négation des droits de certains groupes font que de nombreuses personnes sont oubliées - Winnie Byanyima, Directrice exécutive de l'ONUSIDA

« La solidarité dont font preuve les femmes, les jeunes, les gays et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, les travailleurs du sexe, les consommateurs de drogue et les personnes transgenres a transformé l’évolution de l’épidémie de sida. Les autonomiser permettra de mettre fin à ce fléau », a insisté Mme Byanyima.

Mais en Afrique orientale et australe mise à part, les nouvelles infections au VIH n’ont reculé que de 4% depuis 2010. Selon l’ONUSIDA, la multiplication de nouveaux cas dans certaines régions est préoccupante. Leur nombre annuel a ainsi augmenté de 29% en Europe de l’Est et en Asie centrale, de 10% au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, et de 7% en Amérique latine.

« Dans de nombreuses parties du globe et en Afrique orientale et australe en particulier, des progrès ont été réalisés pour réduire les nouvelles infections au VIH, le nombre de décès liés au sida et les discriminations. Toutefois, les inégalités entre les genres, ainsi que la négation des droits de certains groupes font que de nombreuses personnes sont oubliées », a souligné Mme Byanyima.

Un jeune homme explique la prévention contre le VIH/sida et d'autres maladies sexuellement transmissibles à Pasay City, aux Philippines. Photo UNICEF
Un jeune homme explique la prévention contre le VIH/sida et d'autres maladies sexuellement transmissibles à Pasay City, aux Philippines. Photo UNICEF

La violence sexiste et des normes patriarcales alimentent l’épidémie de VIH

Par ailleurs, l’agence onusienne insiste sur des situations pouvant exacerber le risque d’infection au VIH parmi les adolescentes et les jeunes femmes, en particulier en Afrique subsaharienne. Il s’agit notamment des inégalités entre les sexes, des normes et pratiques patriarcales, de la violence, de la discrimination et autres violations de droits ou d’un accès limité aux services de santé de la reproduction et sexuelle.

L’ONUSIDA estime que 6.000 jeunes femmes entre 15 et 24 ans sont infectées par le virus chaque semaine. En Eswatini, une étude récente révèle que les adolescentes et les jeunes femmes victimes de violences basées sur le genre avaient 1,6 fois plus de risques de contracter le VIH que celles non touchées par ces exactions.

La même étude montre également que l’émancipation économique des femmes et des filles permet de réduire de plus de 25% les nouvelles infections chez elles tout en augmentant la probabilité que les jeunes femmes et les filles retournent à l’école et finissent leur scolarité.

Par ailleurs, si les nouvelles infections au VIH parmi les enfants ont baissé de 41% depuis 2010, des milliers d’enfants passent encore entre les mailles du filet. La moitié des bébés nés avec le VIH et qui ne font pas l’objet d’un diagnostic précoce va mourir avant leur deuxième anniversaire. Dans le monde, seulement 59% des enfants exposés au VIH ont fait l’objet d’un test dans les deux mois suivant leur naissance.

En 2018, 160.000 enfants âgés de 0 à 14 ans ont été nouvellement infectés avec le VIH et 100 000 enfants sont morts d’une maladie liée au sida. Leur décès est imputable à l’absence de diagnostic ou de traitement, ce qui illustre de manière choquante que les enfants sont oubliés.

Seul un jeune sur trois connait son statut sérologique

L’autre source de préoccupation relevée par le document a porté sur le statut sérologique. « Il arrive que des personnes découvrent très tard leur statut sérologique, parfois des années après leur infection », fait valoir le rapport. Une situation qui retarde le début du traitement et favorise la transmission du VIH. Au Mozambique, par exemple, quatre années s’écoulent en moyenne entre l’infection d’un homme et son diagnostic.

Dans certaines régions, le manque de connaissances des jeunes sur le VIH est tout aussi alarmant. Dans des pays ayant fourni des données récentes issues d’enquêtes, seulement 23% des jeunes femmes et 29% des jeunes hommes âgés de 15 à 24 ans possèdent une connaissance exhaustive et correcte du virus.

Des études montrent qu’une éducation sexuelle complète ne se traduit pas par une augmentation de l’activité sexuelle, des pratiques sexuelles à risque ou des taux d’infection du VIH ou d’autres infections sexuellement transmissibles.

Près de 40% des femmes adultes et 60% des adolescentes (entre 15 et 19 ans) vivant en Afrique subsaharienne ne voient pas leurs besoins en contraception moderne couverts

Plus largement, le rapport révèle que le changement se produit lorsque les personnes et les communautés deviennent des moteurs et des acteurs de ce changement. Par exemple, les femmes et les filles revendiquent une contraception intégrée, ainsi qu’un dépistage, une prévention et des options de soin liés au VIH et aux infections sexuellement transmissibles.

Près de 40% des femmes adultes et 60% des adolescentes (entre 15 et 19 ans) vivant en Afrique subsaharienne ne voient pas leurs besoins en contraception moderne couverts.

Le rapport montre également que dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, l’adhésion des jeunes femmes à des médicaments empêchant une contamination au VIH (prophylaxie préexposition (PPrE)) est élevée dans le cadre de projets intégrant cette méthode au sein de services de santé adaptés aux jeunes et dans les cliniques de planning familial, mais aussi lorsque la fourniture de la PPrE est dissociée des services de traitement.

A noter que onze millions de circoncisions masculines médicales volontaires visant à prévenir le VIH ont été réalisées depuis 2016. Quatre millions d’interventions ont été réalisées uniquement en 2018 dans les quinze pays prioritaires.