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Un avocat kirghize récompensé par l’ONU pour sa lutte contre l’apatridie

Azizbek Ashurov, directeur d'Avocats sans frontières de la Vallée de Ferghana (FVLWB), au Kirghizistan, a été nommé lauréat 2019 du prix Nansen octroyé par le HCR.
© HCR/Chris de Bode
Azizbek Ashurov, directeur d'Avocats sans frontières de la Vallée de Ferghana (FVLWB), au Kirghizistan, a été nommé lauréat 2019 du prix Nansen octroyé par le HCR.

Un avocat kirghize récompensé par l’ONU pour sa lutte contre l’apatridie

Migrants et réfugiés

Azizbek Ashurov, un avocat kirghize dont le travail a contribué aux efforts du Kirghizistan pour devenir le premier pays au monde à mettre fin à l’apatridie, s’est vu décerner mercredi le prix Nansen par l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).

« Le parcours d’Azizbek Ashurov témoigne de son extraordinaire détermination et de sa ténacité », a déclaré Filippo Grandi, Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. M. Grandi a tenu ainsi à rendre hommage à l’un des acteurs ayant participé à faire de Bichkek, le premier État dans le monde à abolir l’apatridie, à travers son organisation, Avocats sans frontières de la Vallée de Ferghana (FVLWB).

Il a aidé plus de 10.000 personnes, devenues apatrides après la dissolution de l’Union Soviétique, à obtenir la nationalité kirghize. Parmi elles, quelque 2.000 enfants qui ont désormais droit à une éducation et à un avenir, outre la liberté de voyager, de se marier et de travailler.

« Son engagement pour la cause de l’élimination de l’apatridie au Kirghizistan – fruit d’un partenariat avec le gouvernement kirghize et d’autres parties concernées à travers le pays – est un exemple éloquent du pouvoir d’un individu à inspirer autrui pour susciter une action collective », a rappelé l’agence onusienne dans un communiqué.

Pour y arriver, M. Ashurov et FVLWB ont établi des équipes juridiques mobiles qui se sont rendues dans des zones reculées du pays pour rencontrer les groupes vulnérables et marginaux. Son étroite collaboration avec les autorités kirghizes, notamment pour la mise en place d’une « amnistie » temporaire pour les personnes dépourvues de documents essentiels, a permis à de très nombreux apatrides d’obtenir la citoyenneté.

« Nous avons surtout travaillé avec les autorités gouvernementales », explique M. Ashurov. « Nous avons réussi à attirer leur attention et à en faire nos amis. Nous étions peu de combattants, mais il y avait un gros tank derrière nous ».

M. Ashurov va recevoir une médaille et 100.000 dollars au total.

Une équipe d'experts juridiques et humanitaires et des représentants du gouvernement, organisés par l'organisation Avocats sans frontières de la Vallée de Ferghana, rendent visite à des apatrides dans une région reculée du Kirghizistan.
© HCR/Chris de Bode
Une équipe d'experts juridiques et humanitaires et des représentants du gouvernement, organisés par l'organisation Avocats sans frontières de la Vallée de Ferghana, rendent visite à des apatrides dans une région reculée du Kirghizistan.

« L’apatridie est une injustice »

M. Ashurov a été inspiré par le combat de sa propre famille pour obtenir la nationalité kirghize après avoir quitté l’Ouzbékistan. Sous l’ère soviétique, il n’existait pas de frontières intérieures et les gens se déplaçaient à l’intérieur de l’Asie centrale avec de simples papiers d’identité.

Mais après la chute de l’URSS en 1991, « beaucoup de personnes ont été piégées par l’émergence de nouvelles frontières, avec souvent des passeports soviétiques devenus caducs ou bien sans capacité de prouver leur lieu de naissance », a rappelé le HCR.

Et selon l’agence onusienne, les femmes ont été plus durement touchées, se retrouvant souvent privées de citoyenneté après leur mariage et leur installation hors de leur État de résidence avant le démantèlement de l’Union soviétique et la définition des nouvelles frontières. Étant donné les dispositions légales régissant la nationalité par filiation, leur apatridie a été transmise à leurs enfants.

Mais tous ces obstacles n’ont pas eu raison de la détermination du juriste kirghize qui avoue « ne pas arriver à tenir en place » quand il voit une injustice ».

« L’apatridie est une injustice. Les apatrides ne sont reconnus par aucun État. Ce sont comme des fantômes. Ils existent physiquement, mais ils sont invisibles sur le papier », dit Azizbek Ashurov. « J’’ai pris conscience que si ça avait été si difficile pour moi, avec mon éducation et en tant qu’avocat, j’imagine à quel point ce doit être difficile pour une personne ordinaire », a-t-il ajouté. 

Pour Azizbek Ashurov,  « notre réalisation sera encore plus grande si l'exemple du Kirghizistan montre à d'autres pays que régler l'apatridie a des conséquences sur la vie des gens ordinaires et comment les pays peuvent en profiter ».

Le HCR a lancé une campagne mondiale contre l’apatridie, qui touche des millions de personnes à travers le monde, les privant de leurs droits légaux ou des services essentiels et faisant d’eux des marginaux politiques et économiques soumis à la discrimination et hautement vulnérables à l’exploitation et aux abus. Selon le HCR, comme le Kirghizistan, plusieurs États de la région ont lancé « des campagnes grâce auxquelles environ 46.000 apatrides ont déjà été identifiés et plus de 34.500 cas ont pu être résolus à ce jour ».