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Côme Girschig, un jeune Français au Sommet de l’ONU sur le climat : « Je viens là pour apprendre »

Greta Thunberg, jeune militante suédoise pour le climat, arrive à New York par bateau pour participer au Sommet sur le climat.
Photo : ONU/Mark Garten
Greta Thunberg, jeune militante suédoise pour le climat, arrive à New York par bateau pour participer au Sommet sur le climat.

Côme Girschig, un jeune Français au Sommet de l’ONU sur le climat : « Je viens là pour apprendre »

Climat et environnement

A 24 ans, Côme Girschig est un jeune engagé et militant qui a pris conscience des défis que posent les changements climatiques et a cofondé une association pour sensibiliser les Français à ces questions. A ce titre, il a été invité, avec un groupe de 100 jeunes venus du monde entier, à participer au Sommet de la jeunesse pour le climat à New York le 21 septembre. Le Centre régional d’information des Nations Unies pour l’Europe occidentale (UNRIC) l'a rencontré.

Qu’attends-tu de ce Sommet des jeunes ?

Côme Girschig est un jeune engagé et militant français. Il a été invité à participer au Sommet de la jeunesse pour le climat à New York le 21 septembre.

J’en attends d’abord de l’inspiration. L’année dernière a été très active, j’avais lancé une chaîne YouTube de vulgarisation scientifique, j’ai cofondé mon association, JAC, fait beaucoup de conférences, je suis intervenu dans des entreprises, j’ai débattu aussi avec le Ministre de l’environnement à la télévision sur la taxe carbone. J’ai essayé de multiplier les vecteurs pour voir ce qui marche. Je suis arrivé à la conclusion que c’est épuisant de faire tout à la fois et j’aimerais bien discuter avec d’autres jeunes qui ont aussi utilisé ces différents outils, partager des expériences, comprendre comment ils ont fait, apprendre de leur succès et leurs échecs.

Par exemple, nous avons du mal en France à inciter la jeunesse à s’impliquer politiquement. Je voudrais des conseils pour la mobilisation. J’ai envie de comprendre les outils privilégiés par les jeunes en ce moment : est-ce que c’est que de l’associatif, est-ce qu’ils essaient de percer plus sur les médias et lesquels ? Les médias traditionnels sont difficiles d’accès et les médias en ligne ou plus confidentiels ont moins d’échos. Lorsqu’on fait une vidéo sur YouTube, c’est bien d’avoir 100.000 vues mais si c’est toujours les même 100.000, c’est une communauté qui tourne sur elle-même.

Toute ma réflexion en ce moment c’est justement comment sortir du cercle des convaincus et rendre cette cause universelle. Actuellement, une grande partie de la population n’est pas réellement sensibilisée. Ils ont conscience qu’il y a un problème mais souvent ne se rendent pas compte de l’urgence à agir ou ne savent pas comment agir.

J’aimerais aussi aborder avec les autres la question de l’éducation, notamment de l’éducation des jeunes filles. Ça me semble être une clé politique et culturelle aux problèmes démographiques. Et aussi les questions de géo ingénierie. Parler des accords de commerce internationaux qui n’aident en rien et détruisent notre conception du monde. J’ai préparé une petite liste de thèmes que je compte bien aborder là-bas.

Et du Sommet des chefs d’Etat ?

Ce qu’on peut attendre de ce genre de Sommet, ce sont des déclarations. Mais des déclarations, maintenant, on en a tous les jours. On est arrivé à une saturation médiatique qui était nécessaire au début mais le job est déjà bien fait. Il nous faut des actions, du concret, des décisions qui vont vraiment dans le bon sens.

Désormais ce qu'il nous faut, c'est une mise en œuvre de l'Accord de Paris, mais aussi et surtout une réflexion de fond sur le post-développement durable. La façon dont il a été conçu depuis le rapport Brundtland de 1987 n'a clairement pas révolutionné notre relation à l'environnement. Il nous faut un Brundtland 2.

Bien évidemment, je ne suis pas contre une déclaration solennelle, mais cela ne changera pas fondamentalement l'orientation politique mondiale en matière de lutte contre le dérèglement climatique et les multiples autres conséquences de l'ordre économique actuel.

La salle de l'Assemblée générale de l'ONU. Photo ONU/Eskinder Debebe
Photo : ONU/Eskinder Debebe
La salle de l'Assemblée générale de l'ONU. Photo ONU/Eskinder Debebe

Comment toi-même as-tu pris conscience du problème et pourquoi as-tu choisi de t’engager ?

J’ai commencé par des études d’ingénierie économique à Paris en 2015, l’année de la COP21 (Conférence sur le climat à Paris). J’ai vu les Unes sur le climat dans les kiosques à journaux et je me suis mis à lire sur le sujet, pour essayer de comprendre parce que c’était complètement nouveau pour moi. Ce que je trouvais passionnant dans ce « problème climatique », c’est qu’il n’est pas juste question de climat, il est aussi question de politique, de géopolitique, d’anthropologie, de droit, sociologie, de botanique, de culture etc. Et ça m’a passionné d’un point de vue intellectuel surtout.

Avant de m’engager, je me suis renseigné, j’ai lu beaucoup de livres et d’articles dans les différentes disciplines qui abordaient la crise actuelle. Je trouvais ça incroyable d’avoir un problème contemporain qui permette à autant de types d’intelligences de coopérer ensemble. C’est aussi ce qui le rend compliqué car l’économiste n’aura jamais raison seul, l’ingénieur n’aura jamais raison seul et le politique n’aura jamais raison seul. J’ai trouvé cela passionnant avant de trouver cela inquiétant.

Ensuite j’ai intégré Sciences-Po dans un département d’affaires internationales en spécialité environnement. C’est là que j’ai commencé à m’engager sérieusement, d’abord dans l’association CliMates, ensuite j’ai été observateur plusieurs fois à ONU Climat, puis j’ai été représentant de YOUNGO dans les rendez-vous hors négociations internationales et ensuite je suis devenu jeune délégué français pour le Climat, un programme mis en place par CliMates et le Refedd (Réseau Français des étudiants pour le développement durable) et bien sûr la délégation officielle française.

Que fais-tu au sein de ton association ?

En tant que jeune délégué d’ONU Climat, une partie du travail consistait à faire de la pédagogie autour des négociations : expliquer ce qui se passe, comment ça se passe, qui sont les acteurs, ce qu’on peut en attendre ou ne pas en attendre. J’ai réalisé que c’était difficile de faire ce boulot là tout seul, d’aller en parler en France, c’est donc pour ça que j’ai créé JAC, une association spécifiquement pour faire des conférences sur les questions des négociations internationales. Nous vulgarisons les travaux du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), de l’impact des résultats des négociations internationales sur les politiques publiques européennes et françaises et on termine toujours par un volet sur les engagements plus individuels afin de donner des solutions dans la vie quotidienne.

Ce qui fait peur dans les négociations internationales c’est qu’on a l’impression que l’ONU est un truc complètement hors sol, très loin de tout le monde, donc on essaie de montrer l’impact de ces négociations : l’accord de Paris, l’accord de Kyoto, les accords qui ont un lien avec le climat comme le protocole de Montréal. On essaie d’en parler dans un tout cohérent et en lien avec ce que les gens connaissent déjà, par exemple en France, la loi sur la transition énergétique et la croissance verte.

Cette association fonctionne depuis un peu plus d’un an, on a une trentaine de membres. On a déjà fait une centaine de conférences. Nous essayons de diversifier les sujets et aussi le public auquel on s’adresse. Jusqu’à maintenant, on s’était limité aux lycées et universités partout en France, on essaie de casser la logique du tout se fait à Paris. On essaie d’ouvrir à différents publics : des entreprises (chez Deloitte et Google par exemple). On essaie de toucher un public moins jeune mais tout aussi intéressé par ces questions-là. J’ai l’ambition l’année prochaine d’ouvrir encore plus à des enceintes comme les hôpitaux, les prisons, pourquoi pas les maisons de retraite, bref d’étendre cette culture climatique à des sphères qui ne sont pas très bien connectées afin de briser cette bulle de verre du milieu écolo.

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A titre personnel, as-tu changé ta façon de vivre depuis que tu as pris conscience des enjeux climatiques ?

Je ne prends plus l’avion, sauf lorsque des institutions internationales ont la bonne idée d’offrir des allers-retours pour parler de climat, en compensant les émissions de carbone, ce sont les seules exceptions que je fais. Il y a six mois, mon meilleur ami m’a proposé d’aller au Costa Rica. Il y a quelques années, j’aurais accepté sans réfléchir. J’ai vraiment limité au minimum les déplacements en avion. J’ai beaucoup voyagé en Europe cet été et j’ai tout fait en bus et en train.

Je suis aussi devenu végétarien mais je trouve que ça ne suffit pas : il y a aussi le bio, le local et le saisonnier donc j’essaie vraiment d’intégrer toutes ces dimensions. Je n’achète plus rien de neuf, que ce soit pour les vêtements, l’électronique, les consommables, les meubles. J’ai récemment emménagé à Paris et je n’ai acheté aucun meuble neuf. Toutes mes consommations du type dentifrice, shampoing etc. sont sans emballages et solides.

Concernant la mobilité, à Paris, je fais tous mes déplacements à vélo ou en transports en commun. Je ne pense pas avoir un jour de voiture.

Dans mes conférences, j’explique que nous avons trois votes : le vote politique, le vote de consommation et le vote de production. Le vote politique, on connait. On peut faire ses choix dans les urnes en prenant en compte l’engagement des candidats pour le climat. Le vote de consommation, c’est à chaque fois qu’on prend un verre d’eau du robinet au lieu d’acheter une cannette de coca.

Le vote de production c’est par rapport au type de métier qu’on fait et celui-ci est surement le plus dur parce qu’il y a très peu de métier qui vont dans le bon sens à tous les points de vue (éthique, durable). C’est une question très difficile pour moi que je n’ai d’ailleurs toujours pas résolue. Pour l’instant j’ai des petits contrats par-ci par-là dans des ONG, des associations ou autres mais ça reste compliqué.

Et je pense que c’est une des questions cruciales pour les jeunes aujourd’hui qui sont matraqués médiatiquement pour s’engager dans la transition écologique sauf que lorsqu’on n’a plus de ressources (comme une bourse par exemple) on est obligé de travailler et là ça devient très difficile. Bien plus difficile que d’être végétarien ou faire une croix sur des trajets en avion.

Si tu devais faire passer un message aux chefs d’Etat et de gouvernement présents à ce Sommet climat, quel serait-il ?

Ce ne serait pas « assumez » vos erreurs, mais « expliquez-nous vos erreurs ». Je viens là pour apprendre, je pense que la question de la responsabilité de rendre des comptes d’une génération à l’autre est légitime. Le club de Rome a déjà 50 ans, les gens étaient conscients du problème mais peut-être pas de l’urgence et n’étaient pas prêts à assumer politiquement leurs engagements. Je ne veux pas qu’ils viennent s’excuser, mais qu’ils viennent nous expliquer pour quelle raison ils ont failli.

La pire des erreurs serait de ne pas comprendre les leurs.

Plus d'informations : Sommet de la jeunesse sur le climat