L'actualité mondiale Un regard humain

Myanmar : la mission d'enquête de l’ONU demande que justice soit rendue pour les victimes de violence sexuelle

Les femmes réfugiées rohingyas ayant survécu à des violences sexuelles sont marginalisées
Photo UNICEF/Brian Sokol
Les femmes réfugiées rohingyas ayant survécu à des violences sexuelles sont marginalisées

Myanmar : la mission d'enquête de l’ONU demande que justice soit rendue pour les victimes de violence sexuelle

Droits de l'homme

La Mission internationale indépendante d’établissement des faits au Myanmar a déclaré jeudi que l’armée du pays devait cesser de recourir à la violence sexuelle et sexiste pour terroriser et punir les minorités ethniques.

Selon la mission, cette tactique brutale est toujours employée dans les États de Kachin et Shan et a été si sévère dans l’État de Rakhine lors d’opérations de « nettoyage » en 2017, qu’elle a été un facteur indiquant l’intention génocidaire de l’armée du Myanmar de détruire la population rohingya.

La mission a rendu ses conclusions dans un nouveau rapport publié jeudi à New York, selon lequel des soldats ont régulièrement et systématiquement recours au viol, aux viols collectifs et à d'autres actes sexuels violents et forcés à l'encontre de femmes, de filles, de garçons, d'hommes et de transgenres, en violation flagrante des droits humains internationaux.

« La communauté internationale doit demander des comptes à l'armée du Myanmar pour les terribles souffrances qu'elle a infligées à des personnes de tous les sexes à travers le pays », a déclaré Marzuki Darusman, président de cette Mission d'établissement des faits.

Lire aussi | Myanmar : des experts indépendants de l’ONU appellent à couper les ressources de l’armée responsable de crimes

La Mission a interrogé des centaines de survivants et de témoins de violences sexuelles dans les États de Kachin et Shan, dans le nord, et dans l'État de Rakhine, dans l'ouest, où les « opérations de nettoyage » militaires qui ont débuté le 25 août 2017 ont entraîné la fuite de plus de 700.000 Rohingyas vers le Bangladesh.

Selon Radhika Coomaraswamy, experte de la mission, les conclusions comblent également une lacune que l’on trouve généralement dans les rapports sur cette question : les cas de violence sexuelle contre les hommes et les garçons et les transgenres. « Le silence doit être brisé », a-t-elle dit.

 

Les membres de la Mission internationale indépendante d’établissement des faits au Myanmar (de gauche à droite): Christopher Sidoti, Radhika Coomaraswamy et Marzuki Darusman (juillet 2018)
UNIC Yangoon

 

D’après la mission, une seule conclusion peut être tirée des récits obtenus : les violences sexuelles perpétrées par l'armée faisaient « partie d'une stratégie délibérée et bien planifiée visant à intimider, terroriser et punir une population civile ».

L’armée du Myanmar, connue sous le nom de Tatmadaw, a manifesté son intention génocidaire contre la population rohingya « en massacrant systématiquement des femmes et des filles, en sélectionnant systématiquement des femmes et des filles en âge de procréer en vue pour les violer, en attaquant des femmes enceintes et des bébés, et en mutilant leurs organes reproducteurs », indique le rapport.

Lire aussi | Une Experte indépendante de l’ONU plaide pour une approche plus sévère face aux violations des droits de l’homme au Myanmar

La majorité des agressions signalées visaient des femmes et des filles qui ont été battues, brûlées avec des cigarettes, coupées avec des couteaux, violées et retenues comme esclaves sexuelles sur des bases militaires. Le rapport décrit également des cas de viol, de nudité forcée et de torture sexuelle d'hommes et de garçons.

« Pour la première fois dans un rapport de ce type, nous soulignons clairement la violence à l'égard des personnes transgenres », a déclaré Christopher Sidoti, expert de la mission. « Nous avons parlé à des femmes transgenres rohingya et avons constaté qu'elles avaient été victimisées deux fois, parce qu'elles étaient rohingya et transgenres ».

Nombre de ces actes constituent des crimes de droit international, notamment des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et des actes de génocide.

 

En mars 2018, Setera, 19 ans, a fui le village d'Hormara, dans le Bochidong, au Myanmar, après avoir après avoir « vu des militaires lancer des bombes et violer des femmes ».
OCHA/Vincent Tremeau

 

Rapatriement volontaire au Myanmar

De son côté, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), s’est félicité jeudi que le gouvernement du Myanmar ait communiqué au gouvernement du Bangladesh les noms de 3.450 réfugiés rohingyas dont le retour dans l’État de Rakhine a été validé.

Le HCR a apporté son appui au gouvernement bangladais pour enquêter auprès de ces réfugiés afin de savoir s’ils souhaitaient retourner au Myanmar et confirmer le caractère volontaire de chaque décision individuelle pour le retour.

Lire aussi | Plus de 500.000 réfugiés rohingyas pourvus d'un document d'identité (HCR)

L’agence onusienne a convenu avec les gouvernements du Bangladesh et du Myanmar que tout rapatriement de réfugiés doit être volontaire, sûr et digne. Beaucoup d’entre eux ont déclaré qu’ils espéraient rentrer au Myanmar dès que les conditions le permettraient et que des assurances concernant leur statut de citoyen, leur liberté de circulation et leur sécurité au Myanmar pourraient être données.

« Le rapatriement librement consenti des réfugiés nécessitera l’engagement continu de toutes les parties concernées pour renforcer la confiance des réfugiés et afin que ce soit un processus sur le long terme et non un événement ponctuel », a précisé le HCR.