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« Ils ont massacré trois de mes amis » : Kedra Abakar, survivant du terrorisme, se souvient

Kedra Abakar, 25 ans, a été enlevé à son domicile sur l'île de Ngomiron Doumou, au lac Tchad, par des extrémistes du groupe terroriste Boko Haram. (9 février 2019)
Photo : ONU Info/Daniel Dickinson
Kedra Abakar, 25 ans, a été enlevé à son domicile sur l'île de Ngomiron Doumou, au lac Tchad, par des extrémistes du groupe terroriste Boko Haram. (9 février 2019)

« Ils ont massacré trois de mes amis » : Kedra Abakar, survivant du terrorisme, se souvient

Paix et sécurité

Pour marquer la Journée internationale du souvenir, en hommage aux victimes du terrorisme, ONU Info s'est rendue au Tchad et dans la région de l'Extrême-Nord du Cameroun, plus tôt cette année, pour rencontrer des personnes dont les vies ont été brisées par le terrorisme.

En 2015, l'île de Ngomiron Doumou, au lac Tchad, a été attaquée par des extrémistes armés qui ont déclaré appartenir au groupe Boko Haram. L'île compte quelque 5.750 habitants. Jusqu'à 300 hommes, femmes et enfants ont été enlevés sous la menace des armes par des combattants de Boko Haram qui s'étaient rendus sur l'île depuis le Nigéria.

Kedra Abakar, 25 ans, est l'une des quelque 100 personnes qui sont rentrées sur l'île. Voici son histoire :

Des soldats camerounais patrouillent les parties du lac Tchad qui ont été touchées par des activités terroristes. (Février 2019)
Photo : ONU/Eskinder Debebe
Des soldats camerounais patrouillent les parties du lac Tchad qui ont été touchées par des activités terroristes. (Février 2019)

 

« Je m'appelle Kedra Abakar. J'ai 25 ans et j'habite sur l'île de Ngomiron Doumou. J'avais 21 ans quand Boko Haram a envahi mon île ; ils ont créé la confusion et la peur. Beaucoup de voisins ont fui, mais ceux qui n'ont pas pu le faire, peut-être 200 à 300 personnes, ont été arrêtés. J'étais l'une de ces personnes. On nous a gardés sous un arbre et ils ont massacré trois de mes amis devant nous. C'était terrible. On nous a dit que si nous n'allions pas avec Boko Haram, il nous arriverait la même chose. Nous avions très peur.

Nous avons été emmenés au Nigéria par Boko Haram. Nous avions trois tâches : l'agriculture, la pêche et la lutte pour Boko Haram. J'ai dû me battre quand c'était mon tour. On m'a donné un fusil et on m'a dit d'attaquer un village. On m'a forcé à le faire. Si j'avais refusé, ils m'auraient tué. J'ai tiré, mais je ne sais pas si j'ai tué quelqu'un.

 Seules 100 des 300 personnes qui ont été enlevées sont rentrées sur l'île - Kedra Abakar, ex-otage tchadien de Boko Haram

J'ai passé deux années douloureuses avec Boko Haram et je n'étais pas heureux. Je cherchais une occasion de m'échapper, mais je savais que si je me faisais prendre, je savais que je serais tué, alors j'avais très peur.

Finalement, j'ai pu m'enfuir. J'ai pris un canoë la nuit sur les rives du lac Tchad. Je n'ai pas pu me rendre directement au Tchad, mais j'ai dû traverser le Cameroun.

Quand je pense au temps passé avec Boko Haram, je suis très malheureux. Seulement 100 des 300 personnes qui ont été enlevées sont rentrées sur l'île. Beaucoup sont morts dans les combats et certains sont toujours là-bas ; ceux qui croient que Boko Haram est une bonne chose.

Mon conseil aux autres jeunes est de comprendre que Boko Haram est très mauvais. Je leur dis qu'ils doivent rester au village s'ils le peuvent. Nous avons été trompés par Boko Haram parce que nous n'en savions pas davantage.

Ma communauté m'a accueilli de nouveau. Ils m'ont donné tout ce dont j'avais besoin. J'espère qu'à l'avenir, il y aura une école sur l'île, afin que les gens puissent être éduqués et ne pas tomber sous le charme du Boko Haram ».