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Syrie : l’ONU demande aux belligérants de libérer toutes les personnes détenues ou enlevées arbitrairement

Les couloirs d'une prison. Photo: ONUSIDA/D. Gutu
Photo ONUSIDA / D. Gutu
Les couloirs d'une prison. Photo: ONUSIDA/D. Gutu

Syrie : l’ONU demande aux belligérants de libérer toutes les personnes détenues ou enlevées arbitrairement

Droits de l'homme

La cheffe des affaires politiques de l’ONU a demandé mercredi aux belligérants en Syrie de libérer toutes les personnes détenues ou enlevées arbitrairement, lors d’une réunion du Conseil de sécurité consacrée à cette question.

« Bien que l'ONU ne soit pas en mesure de les vérifier, des rapports suggèrent que plus de 100.000 personnes ont jusqu'à présent été arrêtées, enlevées - en grande partie, mais pas seulement, par le gouvernement syrien -, ou sont portées disparues », a déclaré Rosemary DiCarlo, la Secrétaire générale adjointe des Nations Unies aux affaires politiques et à la consolidation de la paix.

L'ONU n'a pas de statistiques officielles sur les personnes détenues, enlevées ou portées disparues en Syrie en raison du manque d'accès aux lieux de détention dans le pays.

Depuis 2011, la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne, présidée par Paulo Sérgio Pinheiro, documente les violations graves des droits de l’homme dans ce pays.

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« Peut-être la preuve la plus évidente de torture et de mauvais traitement de détenus dans ces centres de détention du gouvernement sont les plus de 50.000 photos sorties de Syrie par un transfuge militaire et rendues publiques en 2014. Ces photos montrent près de 7.000 cadavres portant des marques de torture », a souligné Mme DiCarlo.

La Secrétaire générale adjointe a rappelé que ces abus ne se limitent pas aux forces gouvernementales. Selon la Commission d’enquête, les groupes extrémistes Daech et Hay ’à Tahrir al-Sham, ont commis des abus odieux. Les groupes armés affiliés à l'opposition ont également commis de graves exactions.

Libérer en priorité les femmes, les enfants, les malades et les personnes âgées

Dans ce contexte, Mme DiCarlo a appelé les belligérants à « remplir les obligations que leur impose le droit international : libérer unilatéralement toutes les personnes détenues ou enlevées arbitrairement, et ce qui est le plus urgent, les femmes, les enfants, les malades et les personnes âgées parmi ces personnes ».

La responsable onusienne a également demandé aux belligérants de « collecter, protéger et gérer toutes les données et tous les documents pertinents sur les détenus, les personnes enlevées et les personnes disparues » et d’établir un mécanisme avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour gérer ces informations en coordination avec le Bureau de l'Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie.

« En outre, ils doivent fournir des informations aux familles ; identifier les morts et renvoyer les dépouilles, là où cela est possible, à leurs proches. Enfin, ils devraient fournir, sans délai et par le biais de canaux appropriés, une liste de tous les lieux de détention et prendre des dispositions pour un accès immédiat à ces lieux par une tierce partie neutre », a-t-elle ajouté.

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La cheffe des affaires politiques de l’ONU a souligné que les responsables de violations graves du droit international humanitaire et des droits de l'homme doivent rendre des comptes et que la lutte contre l’impunité est essentielle à la réalisation et au maintien d’une paix durable en Syrie. À cet égard, elle a jugé nécessaire que toutes les parties au conflit, en particulier le gouvernement syrien, coopèrent pleinement avec le Mécanisme international, impartial et indépendant et la Commission d’enquête des Nations Unies sur la Syrie.

Mme DiCarlo a enfin réitéré l'appel du Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, pour que la situation en Syrie soit renvoyée devant la Cour pénale internationale (CPI).

Amina Khoulani, membre fondateur de "Familles pour la liberté", devant le Conseil de sécurité lors d'une réunion sur la Syrie le 7 août 2019.
Photo : ONU/Loey Felipe
Amina Khoulani, membre fondateur de "Familles pour la liberté", devant le Conseil de sécurité lors d'une réunion sur la Syrie le 7 août 2019.

Une Syrienne de la société civile appelle le Conseil à protéger les civils

« Il est de votre responsabilité de protéger les Syriens contre un régime qui tue, torture et détient illégalement ses propres citoyens », a déclaré de son côté Amina Khoulani, cofondatrice de l’association Familles pour la liberté en s’adressant au Conseil de sécurité.

Parlant au nom de cette association dirigée par des femmes et créée en 2017 par des familles dont les proches ont été détenus et ont disparu, elle a décrit une situation où des malades, des blessés ou des mourants subissent quotidiennement des actes de torture.

Mme Khoulani a elle-même été emprisonnée pendant six mois pour « activisme pacifique » et son mari a été détenu pendant deux ans et demi. « Nous avons eu la chance de survivre, mais beaucoup d'autres n’ont pas eu cette chance ».

Elle a exhorté les membres du Conseil de sécurité à « faire de la question de la détention et des disparitions forcées en Syrie une priorité » et à adopter une résolution faisant pression sur le régime et les groupes d'opposition armés pour obtenir le nom et le lieu de détention de toutes les personnes détenues et à permettre aux organisations humanitaires de visiter les centres de détention.

« Le premier pas vers une paix et une justice durable est la vérité, la fin des détentions arbitraires et des disparitions forcées ainsi que la libération de milliers de civils détenus arbitrairement et privés de leur liberté », a-t-elle conclu.