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Syrie : le chef de l’humanitaire de l’ONU dénonce l’inaction du Conseil de sécurité face au carnage à Idlib

Mark Lowcock, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, devant le Conseil de sécurité en mai 2019.
Photo : ONU/Loey Felipe
Mark Lowcock, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, devant le Conseil de sécurité en mai 2019.

Syrie : le chef de l’humanitaire de l’ONU dénonce l’inaction du Conseil de sécurité face au carnage à Idlib

Aide humanitaire

Le chef des affaires humanitaires de l’ONU a dénoncé mardi devant les membres du Conseil de sécurité l’inaction de ces derniers face au « carnage » en cours à Idlib, en Syrie.

« Depuis plus de 90 jours, les bombardements et le pilonnage du gouvernement de la Syrie, soutenu par la Fédération de Russie, ont produit un carnage dans la zone dite de désescalade d’Idlib », a déploré Mark Lowcock, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d'urgence de l’ONU.

Un carnage et une indifférence de la communauté internationale qu’avait déjà dénoncé la cheffe des droits de l’homme de l’ONU, Michelle Bachelet, vendredi dernier.

Le 26 juillet, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH) annonçait avoir identifié au moins 450 civils tués depuis la fin du mois d’avril - dont plus d’une centaine rien qu’au cours des deux dernières semaines. Plusieurs centaines d'autres civils ont été blessés dans les bombardements et plus de 440.000 personnes ont été déplacées.

« Les attaques intentionnelles contre des civils sont des crimes de guerre et ceux qui les ont ordonnées ou exécutées sont pénalement responsables de leurs actes », avait alors souligné la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Michelle Bachelet.

Pour M. Lowcock, le Conseil de sécurité est au fait de la situation à Idlib. « Mon bureau et moi-même vous ont informé à sept reprises à ce sujet depuis le 29 avril, date à laquelle l'offensive a commencé », a-t-il tenu à rappeler aux membres du Conseil.

L'ONU défend la véracité de ses informations sur Idlib

Devant le Conseil de sécurité, Mark Lowcock a défendu la véracité des informations dont son Bureau des affaires humanitaires (OCHA) dispose et des sources qui les lui fournissent.

« Les informations que je fournies au Conseil sont des informations provenant de sources directes ou vérifiées, recoupées, examinées et confirmées. Nos équipes sur le terrain nous disent ce qu'elles voient. Nos partenaires, avec qui nous travaillons parfois depuis des années, et qui travaillent avec plusieurs pays représentés ici dans ce Conseil, fournissent des informations », a-t-il dit.

Des informations recoupées avec celles diffusées par les médias mais aussi celles des autres agences onusiennes et de leurs partenaires locaux sur le terrain et des Syriens eux-mêmes se trouvant sur place.

Le Secrétaire général adjoint a réfuté les informations du gouvernement syrien selon lesquelles des groupes terroristes avaient pris le contrôle des hôpitaux d’Idlib et qu’il n’y avait plus de réseaux d’ambulances dans la région.

Pas de réponse de la Russie sur son utilisation des coordonnées fournies via le système de désescalade

Mark Lowcock a également rappelé au Conseil de sécurité le fonctionnement du système de désescalade à Idlib. Un système, par lequel les organisations humanitaires, principalement des ONG, transmettent à OCHA des informations identifiant les sites civils statiques et les mouvements humanitaires. Les Nations Unies partagent ensuite ces coordonnées avec les forces de la coalition internationale, la Turquie et la Russie.

« Savoir si les informations fournies à travers le système de désescalade sont utilisées par les parties pour protéger les installations civiles des attaques ou pour les prendre pour cible est une question extrêmement importante », a dit M. Lowcock, qui a demandé à la Russie de clarifier son utilisation des coordonnées qu’OCHA lui transmet. « Je continue d'espérer recevoir d'autres éclaircissements », a-t-il dit.

OCHA a également demandé des explications aux parties au conflit au sujet de six attaques dans le nord-ouest de la Syrie en 2019 sur des sites censés être protégés par le système de désescalade. « Alors que nous avons reçu une réponse officielle de la Turquie, nous n'en avons pas reçu de la Fédération de Russie », a dit le Secrétaire général adjoint.

Vous savez ce qui se passe et vous n'avez rien fait depuis 90 jours alors que le carnage continue devant vos yeux - Mark Lowcock, Coordonnateur des secours d’urgence de l’ONU

Le Coordonnateur des secours d’urgences de l’ONU a, de nouveau, rappelé aux membres du Conseil les chiffres concernant l’aide fournie en Syrie.

Durant les cinq premiers mois de l’année, plus de six millions de Syriens ont reçu une aide humanitaire. Dans le nord-est du pays, 734.000 personnes reçoivent également une assistance mensuelle, dont 70.000 civils qui se trouvent actuellement dans le camp d’Al Hol. Les organisations humanitaires ont également considérablement intensifié leurs opérations transfrontalières. Ces dernières devraient fournir une aide alimentaire a environ 1,2 million de personnes.

« Je ne suis pas sûr de vous avoir dit aujourd'hui quelque chose de différent de ce que vous savez tous déjà. Beaucoup de gens vous ont dit ce qui se passe à Idlib depuis plusieurs mois maintenant », a dit le Secrétaire général adjoint aux membres du Conseil.

« Vous, au Conseil de sécurité, avez ignoré tous les précédents appels que vous avez entendus. Vous savez ce qui se passe et vous n'avez rien fait depuis 90 jours alors que le carnage continue devant vos yeux », a dit Mark Lowcock. « Allez-vous à nouveau hausser les épaules, comme l'a dit Michelle Bachelet ? Ou allez-vous écouter les enfants d'Idlib et faire quelque chose à ce sujet ? », leur a-t-il demandé.