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L’ONU suspend le transfert des camps de déplacés à l’armée soudanaise au Darfour

Une Casque bleue de la Tanzanie, servant au sein de la Mission de l'Union africaine et des Nations Unies au Darfour (MINUAD) discute avec une femme du camp de déplacés de Zam Zam, près d'El Fasher.
Photo : ONU / Albert González Farran
Une Casque bleue de la Tanzanie, servant au sein de la Mission de l'Union africaine et des Nations Unies au Darfour (MINUAD) discute avec une femme du camp de déplacés de Zam Zam, près d'El Fasher.

L’ONU suspend le transfert des camps de déplacés à l’armée soudanaise au Darfour

Paix et sécurité

La mission conjointe Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD) a suspendu le transfert de tout nouveau camp de civils déplacés à l'armée soudanaise, dans un contexte de violence et d'insécurité grandissantes à travers le Soudan.

Le chef des opérations de paix des Nations Unies, Jean-Pierre Lacroix, a déclaré vendredi devant le Conseil de sécurité de l’ONU que la répression militaire meurtrière le 3 juin dans la capitale Khartoum avait mis en lumière le rôle central des forces de soutien rapide liées au Darfour et qui seraient constituées en grande partie d'anciens membres de la milice Janjawid, accusée de graves violations des droits de l'homme.

Lors du conflit au Darfour entre le gouvernement et leurs alliés miliciens d’un côté et les groupes rebelles de l’autre, qui a débuté en 2003, l'ONU a estimé à environ 300.000 le nombre de personnes tuées et à 2,7 millions le nombre de personnes forcées de fuir leur domicile. L'ancien Président soudanais Omar el-Béchir a été inculpé de crimes de guerre, notamment de génocide, il y a neuf ans.

M. Lacroix a indiqué que le Conseil militaire de transition au pouvoir au Soudan, qui a dirigé la violente répression des manifestations, avait décrété le 13 mai que la MINUAD « remettrait tous les camps » aux forces de soutien rapide, ce qui contrevient aux règles et procédures de l'ONU.

« Compte tenu de ces développements, nous n'avons pas eu d'autre choix que de suspendre le transfert des sites de la MINUAD aux autorités soudanaises jusqu'à l'annulation du décret », a-t-il déclaré aux membres du Conseil de sécurité.

M. Lacroix a déclaré que les dirigeants de la mission faisaient tout leur possible pour maintenir des contacts normaux avec les autorités, mais qu'au Darfour même, « le processus politique est dans une impasse ». Une crise humanitaire prolongée signifie que 1,5 million de personnes continuent de vivre dans des camps.

M. Lacroix a estimé qu'une « approche globale allant au-delà du maintien de la paix » est nécessaire. Selon lui, le maintien de la paix conventionnel « n'est plus l'outil le plus approprié », ce qui va obliger la MINUAD à « ajuster sa posture ».

« Nous appelons les membres du Conseil de sécurité à examiner attentivement les options de réduction et de liquidation de la MINUAD », a-t-il conclu.

Aggravation de la situation des droits de l'homme

De son côté, Andrew Gilmour, Sous-Secrétaire général des Nations Unies aux droits de l'homme, a déclaré aux membres du Conseil de sécurité que, bien que la violence entre milices ait diminué au Darfour, la situation des droits de l'homme s'était globalement aggravée, « avec de plus en plus de meurtres, d'enlèvements, de violences sexuelles et d'autres violations ».

Les « répercussions » des meurtres et des abus à Khartoum sont bien réels, a-t-il déclaré, soulignant que 47 personnes avaient été tuées et 186 blessées dans diverses régions du Darfour au cours des trois derniers mois de soulèvement national.

Au cours des deux derniers mois, 163 civils ont été arrêtés et détenus pour des manifestations au Darfour, et la section des droits de l'homme de la MINUAD « a été informée du harcèlement accru de civils et du pillage de maisons et de bétail par les forces de soutien rapide », a déclaré M. Gilmour.

« Nous pensons que de nombreux cas au Darfour restent invisibles et sous-déclarés en raison du manque d'accès à certaines parties de la région », a-t-il dit, ajoutant que « dans un climat de violence et d'incertitude, respecter les priorités de la protection des droits de l'homme dans le mandat de la MINUAD, revêt une importance primordiale ».

Une présence civile renforcée dans la mission « aura un impact positif sur la protection des civils », a-t-il affirmé, ajoutant qu’il était essentiel de maintenir intacte la « collaboration positive » avec les institutions nationales des droits de l'homme.