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Un expert s'inquiète de l'inaction du Canada à l’égard de l’exposition aux substances toxiques

Le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à Genève.
Photo : ONU/Jean-Marc Ferré
Le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à Genève.

Un expert s'inquiète de l'inaction du Canada à l’égard de l’exposition aux substances toxiques

Droits de l'homme

Un expert des droits de l’homme de l’ONU a remis en question les efforts du Canada pour prévenir la discrimination liée aux effets toxiques des activités des entreprises. 

« L’inaction du gouvernement canadien face aux risques incontestables et aux injustices découlant des effets cumulatifs de l’exposition aux substances toxiques est une tendance répandue », a déclaré Baskut Tuncak, le Rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l’homme de la gestion et de l’élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux, suite à une visite de deux semaines dans le pays.

Présentant ses conclusions préliminaires lors d’une conférence de presse, M. Tuncak a souligné le retard actuel dans l’assainissement de dix tonnes de mercure qui remonte à 50 ans et qui continuent d’empoisonner les Asubpeeschoseewagong et autres Premières Nations du Nord-Ouest de l’Ontario.

Selon lui, le cas de Grassy Narrows et White Dog est emblématique « de l’inaction générale du gouvernement face aux graves risques pour la santé des peuples autochtones ».

Pour l’expert onusien, le gouvernement n’a pas suffisamment expliqué son inaction et pourquoi, en tant que telle, elle ne devrait pas être considérée comme une discrimination.  « Malgré l’indignité de ce qu’ils ont dû endurer, la fierté et la persévérance de ces communautés pour défendre leurs droits méritent d’être applaudies », a-t-il fait valoir.

Selon l’expert indépendant onusien, les peuples autochtones, les pauvres, les enfants, les personnes âgées, les travailleurs et les personnes handicapées sont exposés à de graves risques d’impacts sur leurs droits humains, aggravés « par une incapacité générale d’accès à la justice à laquelle le Canada devrait remédier ».

Exportation illégale de déchets vers des pays d’Asie comme les Philippines

L’expert de l’ONU s’est également penché sur l’impact des industries extractives sur la santé humaine et la faune.

Il a été aussi question des incidences élevées de maladies chez les peuples autochtones liées à l’extraction des sables bitumineux en Alberta, du projet d’expansion du pipeline Trans Mountain en Colombie-Britannique, des injustices historiques contre la Première Nation Aamjiwnaang dans la « Chemical Valley » de Sarnia, des impacts des traitements aériens des pesticides sur les terres autochtones et du projet hydroélectrique Muskrat Falls, entre autres. 

Il a expliqué que, tout au long des témoignages qu’il avait reçus, les répercussions sur la santé mentale des communautés touchées par la perte de leur culture et de leurs terres et l’incertitude quant aux potentielles répercussions sur la santé physique ont été soulevées comme une préoccupation importante.

Et les répercussions des entreprises canadiennes s’étendent bien au-delà des frontières du pays, avec notamment « l’exportation illégale » de déchets vers des pays d’Asie comme les Philippines.

Il s’est ainsi préoccupé des activités des industries extractives canadiennes à l’étranger, notamment « l’incapacité de prévenir et d’atténuer la pollution toxique ».

L’expert indépendant s’est même inquiété des pressions exercées par ces entreprises sur les gouvernements étrangers pour qu’ils abaissent les normes de protection. Ce qui constitue, selon lui, « un mépris flagrant des lois environnementales existantes », induisant des communautés en erreur quant à la nature et les impacts des projets proposés, parmi d’autres graves préoccupations ».

Efforts faits aux niveaux provincial et fédéral

« Il est certain que le Canada a fait des progrès importants, »  a toutefois indiqué M. Tuncak, en soulignant les restrictions générales sur l’amiante, l’interdiction par le Québec de la pulvérisation aérienne de l’herbicide glyphosate en milieu forestier, l’interdiction par l’Ontario des centrales au charbon, les études en cours pour mieux comprendre les effets nuancés de l’exposition des enfants aux substances toxiques et les responsabilités communes de Santé Canada et d’Environnement Canada sur certains sujets.

Mais il a regretté « l’inaction du gouvernement canadien lorsque ses entreprises produisent un impact sur certains groupes ».

Il a également dénoncé l’insuffisance des mesures de protection prévues par les lois pertinentes pour protéger la qualité de l’air et de l’eau et l’absence de poursuites dans les cas évidents de conduite illégale d’entreprises ayant entraîné des expositions nocives.

Enfin, l’expert a constaté qu’il était décevant que le Parlement canadien n’ait pas encore mis en œuvre la Déclaration de l’ONU sur les droits des peuples autochtones par voie législative, malgré les engagements répétés du gouvernement.

Il a exhorté le législateur à le faire. « Le Canada doit répondre à de nombreuses questions pour savoir si des protections égales pour tous sont accordées contre l’exposition aux substances toxiques et pourquoi les victimes se voient refuser leur droit à un recours efficace depuis des décennies », a conclu le Rapporteur spécial sur la gestion et de l’élimination déchets dangereux.